Cass. 3e civ., 2 juillet 2008, n° 07-16.071
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cachelot
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mars 2007), que, par acte sous-seing privé du 16 janvier 1970, la commune de Colombes a donné à bail à la Compagnie française de raffinage, aux droits de laquelle se trouve la société Valmy 102, un terrain pour y édifier et y exploiter une station-service ; que ce bail a été consenti pour une période de vingt-quatre années à compter du 1er août 1970, et renouvelable par périodes de trois ans faute de dénonciation par acte extrajudiciaire au moins six mois à l'avance ;que le 24 juin 2004, la commune de Colombes a délivré congé à sa locataire qui en a contesté la validité pour avoir été délivré sans offre d'indemnité d'éviction et pour une date inexacte ; que la commune de Colombes, soutenant que le contrat était un bail à construction, a estimé que les dispositions relatives aux baux commerciaux n'étaient pas applicables ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la commune de Colombes fait grief à l'arrêt de déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 24 juin 2004 à la société Valmy 102 et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°) que constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'aux termes du contrat conclu entre les parties, la société locataire n'était pas simplement autorisée à construire, mais s'était engagée à édifier sur le terrain nu appartenant à la commune, des locaux d'une superficie d'environ 500 m2, à usage de station-service et à usage d'habitation, et à les maintenir en parfait état d'entretien durant toute la durée de la location ; qu'en affirmant que le contrat ne constituait pas un bail à construction, mais un bail commercial, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation, par refus d'application, et l'article L. 145-1, I, 2° du code de commerce, par fausse application ;
2°) que le contrat stipulait, en son article I, que le bail portait sur "une parcelle de terrain nu", "en vue d'y construire et exploiter une station-service" et, en son article II que la société locataire devait "construire sur cette parcelle (...) des locaux d'une superficie d'environ 500 m2, à usage de station-service comprenant un bureau de réception, un magasin, toilettes WC, graissage et lavage, pistes de circulation, appartement comprenant un séjour, deux chambres, cuisine, salle d'eau, WC et hall d'entrée, et les maintenir en parfait état d'entretien durant toute la durée de sa location" ; qu'en affirmant que le preneur ne s'était pas obligé, à titre principal, à construire ces bâtiments, mais à exploiter la station-service qu'il s'était engagé à construire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat et violé l'article 1134 du code civil ;
3°) qu'en toute hypothèse, les dispositions de l'article 1er, alinéa 3, de la loi n° 64-1247 du 16 décembre 1964 ne sont pas d'ordre public ; qu'en affirmant que le bail à construction ne peut se prolonger par tacite reconduction, pour en déduire que les stipulations contractuelles, prévoyant qu'à l'issue de la "durée ferme" de vingt-quatre ans, le bail conclu le 13 janvier 1970 pourrait se renouveler par tacite reconduction par périodes de trois ans, auraient clairement exclu que les parties aient entendu conclure un bail à construction, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4°) qu'en tout état de cause, aux termes de l'article 1er , alinéa 3, de la loi n° 64-1247 du 16 décembre 1964, applicable en la cause, le bail à construction est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et soixante-dix ans ; que les parties étaient donc libres de prévoir que le contrat, d'une durée supérieure à dix-huit ans, pourrait se prolonger par tacite reconduction, dès lors que sa durée totale n'excéderait pas soixante-dix ans ; qu'en affirmant que le seul fait qu'aux termes du contrat, conclu pour une durée minimum de vingt-quatre ans, le bail pouvait se renouveler par tacite reconduction, aurait clairement exclu la qualification de bail à construction, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5°) que les dispositions de l'article L. 251-5 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas d'ordre public, hormis celles de son avant dernier alinéa ; que les parties au bail à construction peuvent donc prévoir que le loyer sera révisable tous les trois ans, suivant des modalités inspirées des dispositions légales régissant d'autres baux ; qu'en se fondant sur les stipulations du bail prévoyant une révision triennale du loyer en fonction des règles applicables en matière de bail commercial, pour exclure la qualification de bail à construction, la cour d'appel a violé les articles L. 251-5 et L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, recherchant la commune intention des parties, que l'obligation principale de la Compagnie française de raffinage était d'exploiter une station-service, la désignation de l'immeuble à construire apparaissant comme la détermination d'une modalité d'exécution du bail et non comme son objet principal, qu'il était prévu au contrat la possibilité d'un renouvellement par tacite reconduction et que le loyer serait révisé par période triennale par application de la législation sur les baux commerciaux, la cour d'appel a pu, sans dénaturation, en déduire que le contrat signé le 16 janvier 1970 par les parties devait être qualifié de bail commercial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.