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Décisions

Cass. 3e civ., 29 mars 1995, n° 92-22.116

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Organisation économique du Cognac (SA)

Défendeur :

Société coopérative viticole du cognac "SO CO VI CO"

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Boscheron

Avocat général :

M. Sodini

Avocats :

Me Ricard, Me Garaud

Bordeaux (2e ch), du 21 oct. 1992

21 octobre 1992

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Organisation économique du Cognac (ORECO), agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social ..., à Cognac (Charente), en cassation d'un arrêt rendu le 21 octobre 1992 par la cour d'appel de Bordeaux (2ème chambre), au profit de la Société coopérative viticole du cognac "SO CO VI CO", prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social ... (Charente-Maritime), défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 21 février 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Boscheron, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Boscheron, les observations de Me Ricard, avocat de la société ORECO, de Me Garaud, avocat de la société SO CO VI CO, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 octobre 1992), que la société Organisation économique du cognac (ORECO), exploitant un magasin général agréé, a occupé, depuis l'année 1960, un ensemble de chais appartenant à la société Coopérative viticole du Cognac (SO CO VI CO) destiné au stockage d'eaux de vie, à la suite de plusieurs conventions signées entre les parties dont la dernière, en date du 15 février 1968, intitulée prêt à usage, a été consentie pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction ;

que la société SO CO VI CO ayant demandé à la société ORECO de libérer les chais, cette société a revendiqué le statut des baux commerciaux ;

Attendu que la société ORECO fait grief à l'arrêt de la condamner à libérer les chais qu'elle occupe, alors, selon le moyen, "1 ) que le prêt à usage est essentiellement gratuit, qu'en qualifiant de prêt à usage la convention du 15 février 1968, tout en constatant l'existence de "factures de logement" concernant la mise à disposition des chais, peu important que ces factures "de logement" soient calculées en fonction des quantités d'eaux de vie stockées et non pas de la superficie et qu'elles soient modiques, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé, par fausse application, l'article 1876 du Code civil ;

2° ) que la fixation du loyer résulte de la liberté contractuelle ;

qu'en considérant que les "factures de logement" ne peuvent être assimilées à un loyer et n'établissent pas l'existence d'une location de l'ensemble immobilier, au motif que les redevances ont été calculées en fonction des quantités d'eaux de vie stockées, variables selon les campagnes et venant en déduction des frais de stockage dus par la SO CO VI CO, et en qualifiant de ce chef ladite convention du 15 février 1968 de prêt à usage, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1876 du Code civil ;

3° ) que les conclusions d'appel de la société ORECO se prévalaient de la législation applicable à l'exploitation des magasins généraux en vertu de l'ordonnance et du décret du 6 août 1945, faisant obstacle à ce que le magasin général soit exploité dans un lieu détenu d'une manière précaire par l'exploitant ;

qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code procédure civile ;

4° ) que les dispositions d'ordre public s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité ;

qu'en déniant le bénéfice du statut des baux commerciaux à la mise à disposition à titre onéreux, d'un local dans lequel est exploité un fonds de magasin général, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions d'ordre public du décret du 30 septembre 1953, notamment l'article 1er dudit décret ;

5° ) qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de la société ORECO établissant en la cause l'exploitation d'un fonds de commerce, justifiant l'application du statut des baux commerciaux au profit de celle-ci, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés analysant les relations contractuelles des parties, que la société SO CO VI CO avait passé avec la société ORECO une convention principale de dépôt de ses eaux de vie soumise au régime de l'ordonnance de 6 août 1945 relative aux magasins généraux, en mettant, par ailleurs, à la disposition de celle-ci ses chais pour les entreposer, que par cette opération la société SO CO VI CO était déchargée du stockage et gardiennage de ses eaux de vie tout en s'assurant un moyen de crédit, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision, en retenant souverainement que la convention du 15 février 1968, contrairement aux précédentes, ne prévoyait le paiement d'aucun loyer, que la société ORECO ne justifiait d'aucun paiement de loyer entre 1968 et 1985 et que, si du 15 décembre 1985 au 8 octobre 1990, la société SO CO VI CO avait facturé à la société ORECO le logement de tonneaux mis à sa disposition en fonction des quantités d'eaux de vie stockées par cette société pour son compte, il apparaissait, eu égard à la modicité des redevances de logement par rapport aux frais de stockage dus par la société SO C0 VI CO, que la mise à disposition des chais litigieux n'était qu'une convention accessoire au contrat principal de dépôt ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.