Cass. com., 4 juillet 2018, n° 16-22.986
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Carbonnier, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 621-41 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 15 décembre 1993, la société Banque française commerciale de l'océan Indien (la banque) a assigné la Société réunionnaise de commerce et de commission (la Serca) en paiement du solde d'un compte débiteur et en remboursement de prêts ; qu'en cours d'instance, le 14 décembre 1994, la Serca a été mise en redressement judiciaire ; que la banque a déclaré sa créance ; que le 18 octobre 1995, la Serca a bénéficié d'un plan de continuation d'une durée de dix ans, qui a donc pris fin le 17 octobre 2005 ; qu'un jugement du 9 juillet 1997, confirmé par un arrêt du 5 septembre 2008, a constaté que la banque était créancière de la Serca à concurrence de la somme totale de 4 307 879,36 francs, soit 656 731,97 euros, et ordonné l'inscription de cette créance sur l'état des créances ; que par procès-verbal du 19 juin 2014, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur des sommes appartenant à la Serca, afin de recouvrer sa créance ; que la Serca a contesté la saisie devant le juge de l'exécution, au motif que cette mesure d'exécution forcée n'était pas fondée sur un titre exécutoire ;
Attendu que, pour dire que le jugement du 9 juillet 1997 constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, l'arrêt retient, d'abord, que ce jugement ayant été prononcé par le tribunal de commerce et non par le juge-commissaire, il ne peut être qualifié de jugement d'admission de créance à la procédure collective ; qu'il relève, ensuite, que, conformément à l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal de commerce a constaté les créances de la banque en statuant, au fond, sur les contestations soulevées par la Serca ; qu'il retient encore que le jugement du 9 juillet 1997 constitue un titre exécutoire, dès lors qu'il constate une créance liquide, que le créancier et le débiteur sont identifiés et que ce jugement constate une créance désormais exigible, la banque ayant recouvré son droit de poursuite à l'égard de la société débitrice à la fin du plan de continuation de celle-ci ; qu'il ajoute, enfin, que les textes n'exigent pas, pour retenir la qualification de titre exécutoire, que la décision juridictionnelle contienne formellement une condamnation, mais seulement qu'il en résulte sans ambiguïté une obligation de payer une somme liquide et exigible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision rendue par une juridiction après reprise régulière d'une instance en cours à la date du jugement d'ouverture, laquelle instance tend uniquement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant dans le cadre de la procédure collective, à l'exclusion de toute condamnation du débiteur, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d'exécution forcée pratiquée par le créancier à l'égard du débiteur, la cour d'appel, qui a relevé que le jugement du 9 juillet 1997 avait été rendu par un tribunal saisi avant l'ouverture de la procédure collective de la Serca et devant lequel l'instance avait été régulièrement reprise, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.