Livv
Décisions

Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-20.032

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Laugier et Caston

Limoges, du 12 mai 2010

12 mai 2010

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 mai 2010), que, le 29 avril 2008, la société Cuisinier Euro Link (la société CEL) a été mise en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire le 28 août 2008, M. X... étant désigné liquidateur ; que, le 1er août 2008, la société Tardet finances (la société TF) a présenté pour le compte de sa filiale TCEL une offre de reprise partielle de la société CEL dans le cadre d'un plan de cession ; que, le 12 septembre 2008, le juge-commissaire a ordonné la vente à forfait partielle du fonds de commerce de la société CEL à la société TF ; que l'arrêt du 3 décembre 2009 ayant confirmé celle-ci a donné lieu à un arrêt d'irrecevabilité le 17 mai 2011 ; que, le 3 avril 2009, le tribunal a constaté que la vente était parfaite à la date du 12 septembre 2008 et que son jugement valait acte authentique de cette vente ;

Attendu que la société TF et Mme Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré que la vente était parfaite à la date du 12 septembre 2008, d'avoir dit que sa décision vaudrait acte authentique de vente à forfait partielle du fonds de commerce de la société CEL à la société TCEL et de les avoir condamnées à des dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen :

1°/ que la cession totale ou partielle de l'entreprise du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'ordonne ; que la cour d'appel a considéré que l'ordonnance du 12 septembre 2008 par laquelle le juge-commissaire du tribunal de commerce de Tulle avait ordonné la vente à forfait partielle du fonds de commerce de la société CEM à la société Tardet Finances "est devenue définitive en l'état de la décision du conseiller de la mise en état qui a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Tardet finances, laquelle décision a été maintenue, sur déféré, par la cour (dans son arrêt du 3 décembre 2009)", pour en déduire : "il s'ensuit que la vente est devenue parfaite" ; qu'en statuant ainsi cependant que ledit arrêt a fait l'objet d'un pourvoi actuellement pendant devant la Cour de cassation ainsi que l'avait fait valoir la société Tardet finances, dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a méconnu purement et simplement les dispositions des articles 604 et suivants du code de procédure civile ;

2°/ que la cession totale ou partielle de l'entreprise du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'ordonne ; qu'en vertu du principe de l'irrévocabilité de son offre, le cessionnaire est en droit de refuser de procéder à la vente faute pour elle d'avoir été ordonnée conformément aux termes de son offre ; qu'il ressortait des conclusions de la société Tardet finances, qu'elle "ne souhaitait pas acquérir le fonds de commerce de la société Cuisinier Euro Link (CEL), mais seulement certains actifs de cette société, ce qu'elle avait expressément formulé dans son plan de cession partielle d'entreprise. Le juge-commissaire ne pouvait donc ordonner la cession à forfait partiel, imposant des obligations au repreneur supérieures à celles proposées dans l'offre" ; qu'en considérant dès lors la vente parfaite aux motifs que l'ordonnance du 12 septembre 2008 ayant autorisé la cession serait devenue définitive sans avoir égard au fait que les formalités d'accomplissement n'avaient pas été effectuées faute pour ladite ordonnance d'avoir respecté les termes de l'offre du cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce ;

3°/ que la cession totale ou partielle de l'entreprise du débiteur en liquidation judiciaire telle qu'ordonnée par le juge-commissaire ne prive pas l'acquéreur de la possibilité de demander la nullité de cette cession sur le fondement d'un vice du consentement ; que la société Tardet finances faisait valoir, aux termes de ses conclusions d'appel, qu'elle avait été trompée sur les qualités substantielles des éléments d'actifs cédés dès lors que les renseignements fournis par les organes de la procédure collective étaient erronés ; seules deux lignes de transport étant en réalité susceptibles d'exploitation sur les dix lignes annoncées ; que précisément saisie de la nullité de la cession, la cour d'appel a cependant considéré que la vente était parfaite au motif totalement inopérant que "non seulement les appelants ne produisent aucune décision définitive qui annulerait la vente mais encore que toute demande de nullité d'une vente présuppose que son existence soit reconnue" ; qu'en statuant ainsi sans rechercher autrement si la cession était ou non entachée d'un vice du consentement susceptible de l'entacher de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce et des articles 1108, 1109 et 1116 du code civil ;

4°/ que la cession totale ou partielle de l'entreprise du débiteur en liquidation judiciaire telle qu'ordonnée par le juge-commissaire ne prive pas l'acquéreur de la possibilité de demander la résolution de cette cession en cas de manquement du liquidateur à son obligation de délivrance ; que la société Tardet finances faisait valoir, aux termes de ses conclusions d'appel, que le liquidateur avait été dans l'incapacité totale de procéder à la délivrance des actifs cédés dans la mesure où non seulement les lignes n'étaient plus exploitées mais qu'en outre certains des véhicules cédés n'appartenaient pas à la société liquidée ; qu'en considérant dès lors que la vente était parfaite aux motif totalement inopérants que : "non seulement les appelants ne produisent aucune décision définitive qui annulerait la vente mais encore que toute demande de nullité d'une vente présuppose que son existence soit reconnue", sans rechercher autrement si la cession était ou non entachée d'un manquement à l'obligation de délivrance de actifs cédés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce, ensemble celles de l'article 1604 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres, que l'ordonnance du 12 septembre 2008, qui était devenue définitive à la suite de l'arrêt du 3 décembre 2009, avait ordonné la vente à forfait partielle du fonds de commerce de la société CEL à la société TF ou à toute autre personne qui viendrait à la substituer pour une somme de 50 001 euros et, par motifs adoptés, qu'à la date de cette ordonnance les parties étaient d'accord sur la chose et le prix des éléments corporels et incorporels de cette cession et que la non réalisation de l'acte de vente conformément aux termes de l'ordonnance résultait uniquement du comportement du repreneur ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la vente était parfaite à la date de cette ordonnance ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le juge-commissaire avait ordonné la vente à forfait partielle du fonds de commerce pour une somme de 50 001 euros se décomposant en 50 000 euros pour les éléments corporels et en 1 euro pour les éléments incorporels et relevé que ce dernier montant démontrait que la société TF accordait peu de valeur à la clientèle dans le cadre de cette cession, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches évoquées par les troisième et quatrième branches devenues inopérantes, a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.