Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-14.002
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a consenti à la société Cassone plusieurs prêts garantis par le cautionnement solidaire de M. X... ; que cette société ayant été mise en redressement judiciaire le 25 janvier 1994, M. Y... a, le 9 février 1994, déclaré sa créance qui a été admise au passif par une ordonnance du 3 février 1995 ; que le 16 mai 1995, la société débitrice a bénéficié d'un plan de cession ; qu'assigné par M. Y... en exécution de son engagement de caution, le 18 juin 2013, M. X... lui a opposé la prescription de sa demande ;
Sur la recevabilité du moyen unique, pris en sa troisième branche, contestée par la défense :
Attendu que, dans ses conclusions d'appel, M. X... a soutenu que la prescription de la demande en paiement formée contre lui par M. Y... était acquise, en faisant valoir que si la déclaration de créance de ce dernier avait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de dix ans prévu à l'ancien article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce, cet effet interruptif avait toutefois cessé à la date de la clôture de la procédure collective correspondant au jugement d'arrêté du plan de cession du 16 mai 1995, que l'assignation n'ayant été délivrée que le 18 juin 2013, le délai pour agir à son égard était expiré et que M. Y... ne pouvait invoquer l'interversion de la prescription ; que le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est recevable ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que l'opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale ayant pu se produire, en l'état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal n'a pas pour effet de soumettre l'action en paiement du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai du créancier pour agir en paiement contre cette caution reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture ;
Attendu que, pour juger que la demande de M. Y... n'est pas prescrite, l'arrêt énonce, d'abord, que la décision d'admission de créance a pour effet d'opérer une substitution de la prescription trentenaire, prescription de droit commun d'exécution d'un titre exécutoire, à la prescription attachée à la nature de la créance et notamment la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, et que cette interversion de prescription est opposable à la caution ; qu'il retient, ensuite, que les actes de cautionnement en cause ayant une nature commerciale, la prescription décennale s'est vue substituée par la prescription trentenaire attachée à l'exécution d'un titre exécutoire à la date de l'ordonnance d'admission des créances en garantie desquelles M. X... s'est porté caution solidaire, soit au 3 février 1995, et que, par l'effet de la loi du 17 juin 2008 portant réforme du régime de la prescription, cette prescription trentenaire, qui n'était pas acquise, a été remplacée par une prescription de dix ans courant à compter de la nouvelle loi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'admission de la créance de M. Y... au passif de la société débitrice principale n'avait pas eu pour effet de soumettre à la prescription trentenaire l'action en paiement dirigée contre M. X..., qui demeurait soumise à celle de l'article L. 110-4 du code de commerce, laquelle avait été interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective de la société débitrice, laquelle ne résultait pas du seul jugement arrêtant le plan de cession, et non au délai d'exécution prévu par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que M. Y... n'agissait pas en recouvrement d'un des titres exécutoires mentionnés à l'article L. 111-3, 1° à 3°, du même code, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé par refus d'application et le second par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.