Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-18.924
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Schmidt
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna,, SCP Boulloche
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 février 2017), que la société civile immobilière Goncelin ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 avril 2007 et 29 avril 2008, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la Caisse), qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l'acquisition d'un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié ; que n'ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l'immeuble, elle a assigné, par un acte du 12 février 2015, M. R..., en qualité d'associé, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social ; que M. R... lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du code civil ;
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite alors, selon le moyen :
1°) que la décision d'admission d'une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d'une société civile est opposable aux associés à l'égard desquels elle a autorité de chose jugée sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance ; que la Caisse faisait valoir que sa créance avait été définitivement admise en 2010 et qu'elle ne pouvait agir à l'encontre des associés avant le 24 juin 2014, date à laquelle le liquidateur en lui transmettant un dernier dividende, l'informait que le solde de sa créance était définitivement irrecouvrable ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération l'admission définitive de la créance de la Caisse en 2010, laquelle avait autorité de chose jugée à l'égard de l'associé qui ne pouvait lui opposer la prescription de sa créance en vertu de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 et suivants du code civil, et 1351 dudit code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
2°) que la Caisse faisait valoir que du fait de la liquidation judiciaire de la société civile immobilière, elle était légalement dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés et ce d'autant qu'elle avait reçu plusieurs dividendes, que lorsque sa créance a été admise en 2010 elle était dans l'attente d'un désintéressement de sa créance, qu'elle a d'ailleurs perçu 98,86 % de sa créance déclarée sauf intérêts, que ce n'est qu'après réception du dernier dividende le 24 juin 2014 que le liquidateur l'a informé que "le solde de votre créance est définitivement irrecouvrable" ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, quand seul le certificat d'irrecouvrabilité de la créance du 24 juin 2014 établissait que la Caisse pouvait désormais agir à l'encontre de l'associé de la société civile en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1859 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé ;
Et attendu, d'autre part, qu'en cas de liquidation judiciaire d'une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social ; qu'il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n'est pas dans l'impossibilité d'agir contre l'associé ; qu'ayant relevé que, s'il n'était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la Caisse avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d'appel en a exactement déduit que la Caisse n'était pas dans l'impossibilité d'agir contre M. R..., de sorte que l'action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.