Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-12.234
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Blondel, Me Copper-Royer, SCP Thouin-Palat et Boucard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 2008), que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 1er juillet 1998, la société B...-A...étant désignée liquidateur ; que, par une première ordonnance du 15 avril 2002, le juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré à Mme Y... de l'immeuble d'habitation appartenant à M. X..., cette cession n'ayant pas été régularisée ; que le juge-commissaire a ordonné la vente à la barre du tribunal de cet immeuble dans la forme des saisies immobilières par une seconde ordonnance du 7 décembre 2005 qui a été confirmée par jugement du 18 janvier 2006 ; que, par jugement du 7 juin 2006, confirmé par arrêt de la cour de Montpellier du 13 septembre 2007, la tierce-opposition formée par Mme Y... a été déclarée irrecevable ; que dans la procédure de vente sur saisie immobilière, Mme Y... a formé un dire pour voir reconnaître sa propriété sur cet immeuble en application de l'ordonnance du 15 avril 2002, tandis que M. X... formait un dire contestant ce droit de propriété ; que, par jugement du 11 janvier 2008, le tribunal a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir, le dire déposé par M. X... et a débouté Mme Y... de son dire ; que M. X... et Mme Z..., en qualité de mandataire ad hoc de M. X..., ont interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que M. X... et Mme Z..., ès qualités, font grief à l'arrêt, après avoir déclaré leur appel recevable, d'avoir dit leur action irrecevable, alors, selon le moyen :
1° / que l'autorité de chose jugée est exclue en l'absence d'identité d'objet des demandes présentées au cours des deux litiges successifs ; que le recours de M. X... contre l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2005 tendait à l'anéantissement de cette décision ; que tel n'était pas l'objet de la demande qu'il avait formulée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, qui tendait à l'annulation de cette procédure ; qu'en y opposant néanmoins l'autorité de chose jugée par les décisions ayant prononcé sur le recours de M. X... contre l'ordonnance du 7 décembre 2005 et sur la tierce-opposition de Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2° / que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement ; que l'arrêt attaqué a relevé que l'arrêt du 13 septembre 2007 s'est borné à déclarer irrecevable la tierce-opposition de Mme Y... contre le jugement du 18 janvier 2006 confirmant l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2005 autorisant la vente de l'immeuble litigieux dans la forme des saisies immobilières, ce dont il suit que cet arrêt du 13 septembre 2007 n'a statué dans son dispositif ni sur la recevabilité, ni sur le bien fondé de la demande de Mme Y... tendant à l'annulation de la procédure de saisie en raison de la vente de l'immeuble en cause à son profit par suite de l'ordonnance du juge-commissaire du 15 avril 2002 autorisant la cession de gré à gré, de sorte que ladite demande ne se heurtait pas à l'autorité de chose jugée par l'arrêt du 13 septembre 2007 ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer irrecevable l'action de Mme Y..., de M. X... et Mme Z..., ès qualités, fondée sur la validité de la vente conclue entre les deux premiers et tendant à l'annulation de la procédure de saisie, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;
3° / que, sauf à violer son droit d'accéder au juge, le tiers dont les droits sont intéressés par une ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession d'un immeuble dans le cadre d'une liquidation judiciaire, doit disposer d'un recours lui permettant de défendre ses droits ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'avait été jugée irrecevable la tierce-opposition de Mme Y... contre le jugement du 18 janvier 2006 ayant confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2005 préjudiciant à ses droits sur l'immeuble litigieux, dont elle ordonnait la vente en la forme des saisies, cependant que le jugement du 7 juin 2006, qui a jugé irrecevable la tierce-opposition de Mme Y..., l'a fait au motif que cette voie de recours était fermée par l'article L. 623-4 du code de commerce en sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; qu'en opposant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action des appelants, l'autorité de chose jugée à la demande de Mme Y..., la cour d'appel, qui l'a privée de tout recours pour défendre ses droits sur l'immeuble en cause, a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, que dès lors que les deux actions diligentées par M. X... tendaient à voir déclarer sans effet à son égard le jugement du 18 janvier 2006, confirmant l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2005 ayant autorisé la vente à la barre du tribunal de l'immeuble lui appartenant dans la forme des saisies immobilières, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'il existait entre celles-ci une identité d'objet et que l'autorité de la chose jugée attachée à la première faisait obstacle à la recevabilité de la seconde ;
Attendu, d'autre part, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'ayant relevé que par arrêt du 13 septembre 2007, devenu définitif, commun et opposable à M. X... et Mme Y..., la cour d'appel de Montpellier a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 18 janvier 2006 qui avait non seulement déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par Mme Y..., mais aussi débouté M. X... de ses demandes comme étant non fondées, la cour d'appel en a exactement déduit que les prétentions de M. X..., qui tendaient à faire juger que Mme Y... était propriétaire de l'immeuble en application de l'ordonnance du 15 avril 2002 et que le juge-commissaire ne pouvait plus en ordonner la vente aux enchères publiques, étaient irrecevables pour se heurter à l'autorité de la chose jugée ;
Et attendu, enfin, que l'auteur d'une offre d'acquisition de gré à gré d'un actif d'un débiteur en liquidation judiciaire, n'ayant aucune prétention à soutenir au sens des articles 4 et 31 du code de procédure civile, n'est pas recevable à exercer un recours contre la décision du juge-commissaire autorisant ou ordonnant la vente aux enchères publiques de l'immeuble appartenant à ce débiteur ; que la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les dispositions de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en a exactement déduit que l'action intentée par M. Y... était irrecevable ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.