Cass. com., 23 octobre 2019, n° 18-16.515
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP de Nervo et Poupet, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 juin 2017 et 22 février 2018), que par un acte du 25 juin 2000, M. S..., dirigeant de la société S... Côte d'Azur (la société), s'est rendu caution solidaire des engagements pris par cette dernière à l'égard de la société Compagnie générale de crédits aux particuliers (la société Crédipar) ; que par un jugement du 17 octobre 2002, la société a été mise en redressement judiciaire ; qu'un plan de cession a été arrêté le 28 novembre 2002 ; que la société Crédipar a déclaré sa créance au passif de la société, qui a été admise, puis, par une assignation du 31 janvier 2013, a poursuivi M. S... en exécution de son engagement ;
Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt du 29 juin 2017 de déclarer recevable l'action en paiement de la société Crédipar alors, selon le moyen :
1°/ que l'interruption de la prescription par la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective porte atteinte à la sécurité juridique de la caution dès lors que compte tenu de la durée imprévisible de la procédure collective, la durée de la prescription est imprévisible et peut être excessive ; que la cour d'appel qui a considéré qu'en l'espèce, la caution ne pouvait prétendre que la règle selon laquelle la prescription est interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective rendait sa dette imprescriptible en raison de l'absence de clôture de la procédure collective, dès lors que toute personne intéressée aurait pu solliciter cette clôture mais sans constater que les conditions de la clôture de la procédure collective étaient réunies, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 643-9 du code de commerce, de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;
2°/ que la loi du 17 juin 2008, substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription trentenaire ou décennal étant entré en vigueur le 18 juin 2008, a eu pour objectif de réduire les délais de prescription ; que l'interruption des délais de prescription pendant la durée d'une procédure collective porte atteinte au droit de la caution à la sécurité juridique et rend le délai de prescription de son obligation excessif lorsque que la procédure collective n'est pas elle-même clôturée dans un délai raisonnable ; que la cour d'appel, qui a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir de la violation du principe du délai raisonnable car elle avait la faculté de faire trancher les contestations relatives à sa dette par voie d'action, s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;
3°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé que M. S... ne pouvait arguer de l'imprescriptibilité de l'action du créancier à l'égard de la caution et du droit au délai raisonnable, au motif qu'il aurait pu demander la clôture de la procédure collective sans provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé d'office que M. S... ne pouvait arguer du droit à être jugé dans un délai raisonnable puisqu'il avait la faculté de prendre l'initiative de saisir lui-même le juge des contestations qu'il entendait opposer au créancier, sans provoquer les explications des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 621-95 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture d'un redressement judiciaire, en cas de cession totale de l'entreprise, après régularisation des actes nécessaires à la cession, paiement du prix et réalisation des actifs du débiteur non compris dans le plan ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme au redressement judiciaire après adoption d'un plan de cession, remplissant l'un des objectifs d'intérêt général de la procédure que constitue l'apurement du passif ; que la prolongation du redressement judiciaire du débiteur principal tant que le prix de cession n'est pas payé et que tous les actifs non compris dans le plan ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le cours de la prescription s'était trouvé immédiatement interrompu, à l'égard de la société et de M. S..., par l'effet de la déclaration de la créance au passif de la société effectuée par la société Crédipar, le 8 novembre 2002, et constaté que la clôture du redressement judiciaire de la société n'était pas intervenue au jour de l'assignation en paiement de la caution, le 31 janvier 2013, l'arrêt retient que cette absence de clôture dans ce délai n'a pas pour conséquence de rendre imprescriptible la créance de la société Crédipar, d'autant que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de redressement judiciaire après l'adoption d'un plan de cession ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que l'interruption de la prescription à l'égard de M. S... n'avait pas pour effet de l'empêcher définitivement de prescrire contre la société Crédipar ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel a fait une juste application de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de sécurité juridique en déclarant recevable l'action de la société Crédipar ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a examiné les moyens de défense de M. S..., n'a pas relevé d'office un moyen qui n'aurait pas été dans le débat ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.