Cass. com., 26 juin 2019, n° 17-31.236
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Richard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2017), que M. O... a consenti un prêt à M. Y..., lequel a été mis en liquidation judiciaire le 13 février 2014 ; que M. O... l'ayant assigné le 29 février 2016 aux fins d'obtenir le remboursement de sa créance, M. Y... l'a informé, quinze jours avant l'audience, de l'existence de la procédure collective ; que M. O... a demandé à être autorisé à reprendre, après la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, son action individuelle ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de retenir qu'il a eu un comportement frauduleux à l'égard de son créancier M. O... au sens de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce et d'autoriser en conséquence la reprise des poursuites de ce dernier alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que seuls les créanciers dont les créances préalablement déclarées ont été admises ou n'ont pas été vérifiées, peuvent mettre en oeuvre leur droit de poursuite individuelle ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que M. O... n'avait pu être avisé de l'existence de la procédure collective ouverte à l'encontre de M. Y... et avait de ce fait été privé de la possibilité d'effectuer une déclaration de créance ; qu'en autorisant néanmoins la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... pour recouvrer une créance qui n'avait pas été déclarée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, par fausse application, ensemble les articles L. 643-11, V, et L. 622-26 du même code, par défaut d'application ;
2°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; qu'il est fait exception à cette règle en cas de fraude du débiteur à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ; que la fraude suppose l'intention de nuire au créancier ; qu'en l'espèce, pour autoriser la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... après la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif, la cour a estimé que M. Y... avait eu un comportement frauduleux à l'encontre de son créancier, en lui dissimulant l'ouverture d'une procédure de liquidation à son encontre et en omettant de mentionner la créance de M. O... dans la liste des créances remise au liquidateur ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir la volonté de nuire de M. Y..., seule de nature à caractériser la fraude, qui ne peut résulter d'une simple dissimulation de la créance de M. O..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur ; que, selon l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles ; que le moyen, en sa première branche, repose donc sur un postulat erroné ;
Et attendu, d'autre part, que la fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier ; que la cour d'appel a relevé que M. Y... se savait débiteur à l'égard de M. O... compte tenu d'une reconnaissance de dette qu'il avait souscrite le 1er juillet 2011, qu'il avait reçu une première demande de remboursement dès le mois de décembre 2014, qu'il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015 sans procéder au remboursement prévu, bien que s'étant vu rappeler à plusieurs reprises son obligation, que c'est seulement à la suite de son assignation qu'il avait informé M. O... de la procédure de liquidation dont il faisait l'objet depuis le 13 février 2014 et qu'il avait ainsi dissimulé de façon déloyale sa véritable situation tant à ce dernier qu'au liquidateur puisqu'il n'avait pas fait apparaître ce créancier sur la liste des créanciers ; qu'en l'état de ces constatations souveraines, dont elle a déduit que M. Y... avait commis une fraude à l'égard de M. O..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.