Cass. com., 17 septembre 2013, n° 12-21.871
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Boulloche, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2012), que la caisse de Crédit mutuel Centre Vosges (la caisse) a consenti à M. et Mme X... un prêt d'un montant de 60 000 euros ayant pour objet la reprise du découvert et d'un précédent prêt accordé à M. X... pour son activité artisanale ; que des échéances étant restées impayées, la caisse a prononcé la déchéance du terme ; que M. X... ayant été mis en liquidation judiciaire, la caisse, après avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective, a assigné Mme X... en paiement ; qu'à titre reconventionnel, celle-ci a sollicité le paiement de dommages-intérêts pour soutien financier abusif de l'activité professionnelle de son mari et manquement de la caisse à son obligation de mise en garde ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en responsabilité contre la caisse et de l'avoir condamnée à lui payer la somme de 60 542,02 euros, outre intérêts au taux contractuel de 9,5 % sur la somme de 50 404,26 euros, alors, selon le moyen :
1°) que la limitation prévue par l'article L. 650-1 du code de commerce de la mise en oeuvre de la responsabilité des créanciers ayant accordé un concours ne trouve à s'appliquer qu'à l'égard du débiteur à l'égard duquel est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que la caisse avait, le 18 septembre 2007, octroyé un prêt à M. et Mme X... et que seul le premier avait, le 7 octobre 2008, été placé en liquidation judiciaire, a néanmoins jugé, pour écarter la demande de mise en oeuvre de responsabilité de la caisse par Mme X..., que cette caisse pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé ce texte ;
2°) que le banquier dispensateur de crédit doit mettre en garde l'emprunteur non averti sur les risques de son engagement, eu égard notamment à ses capacités financières et au risque d'endettement ; qu'en se contentant de relever, pour dire que Mme X... était une emprunteuse avertie envers laquelle la caisse n'avait pas d'obligation de mise en garde, qu'elle avait signé tant l'accusé de réception du chéquier de l'entreprise de son mari que des bordereaux de remise de chèques sur le compte de celle-ci et qu'elle avait connaissance de rentrées d'argent à venir, ce qui était pourtant impropre à établir que l'emprunteuse était avertie en matière de gestion d'entreprise et d'opérations de crédit, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°) qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la caisse à l'égard de Mme X..., sur la circonstance inopérante que le prêt du 18 septembre 2007 n'avait pas aggravé la situation financière de M. X... puisqu'il avait seulement pour objet de réorganiser les dettes antérieures de ce dernier, relatives au solde d'un précédent prêt qui lui avait été accordé et au solde débiteur de son compte professionnel, ce qui n'était pas de nature à exclure l'existence d'une faute de la caisse à l'égard de Mme X..., qui n'était pas débitrice des précédentes dettes de son mari, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
4°) qu'en se bornant à se fonder sur les projections financières des années 2007 et 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la rapidité avec laquelle étaient survenus les difficultés de remboursement et le placement de M. X... en liquidation judiciaire ne démontrait que dès l'origine le financement accordé avait un caractère risqué, de sorte que Mme X... aurait dû être mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la caisse avait accordé un prêt à M. et Mme X... pour restructurer les dettes professionnelles de M. X..., lequel n'avait pas aggravé la situation financière de ce dernier, la cour d'appel, pour apprécier si la caisse s'était rendue responsable d'un soutien abusif de l'activité de M. X... comme le prétendait son épouse, a retenu à bon droit que la banque est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce qui écartent la responsabilité des créanciers pour les préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que Mme X... avait signé l'accusé de réception du chéquier au nom de son époux ainsi que plusieurs bordereaux de remise de chèques sur le compte professionnel de ce dernier et indiqué à un employé de la banque attendre plusieurs rentrées d'argent provenant de la vente d'un camion de l'entreprise, de deux chantiers et d'un litige en cours avec une société, tout en précisant avoir établi un chèque pour l'URSSAF, l'arrêt retient que, indépendamment de son activité salariée, Mme X... était largement impliquée dans la vie de l'entreprise de son époux à la gestion de laquelle elle participait et qu'elle disposait des informations requises concernant sa situation financière, lui permettant de mesurer le risque qu'elle prenait en s'engageant au titre du prêt litigieux ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que Mme X... n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de la banque qui n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de ce coemprunteur averti, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée aux troisième et quatrième branches devenue inopérante, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.