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Décisions

Cass. com., 10 février 2021, n° 19-12.690

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Homair Vacances (SAS)

Défendeur :

Sorhobis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocat général :

M. Debacq

Avocat :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Nîmes, 4e ch. com., du 20 déc. 2018

20 décembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 décembre 2018), la société Ingénierie loisirs développement-Homair vacances, qui exploitait un camping et aux droits de laquelle est venue la société Homair vacances, a conclu avec M. I... un contrat autorisant celui-ci, pour une durée de six mois et demi, à exploiter, dans des locaux situés dans l'enceinte de ce camping, une activité de snack-bar, alimentation et vente de plats à emporter à destination de la clientèle du camping. La société Sorhobis, distributeur grossiste en boissons, considérant que ce contrat était un contrat de location-gérance et que le propriétaire du fonds était, dès lors, solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds, les a assignés en paiement de factures impayées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société Homair vacances fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat conclu le 15 mars 2014 avec M. I... en contrat de location-gérance, alors : « 1°) qu'il n'y a pas de fonds de commerce, et donc pas de contrat de location-gérance afférent, lorsqu'il n'y a pas de clientèle propre qui s'y trouve attachée ; que lorsqu'une activité secondaire est entièrement dépendante de l'activité principale d'un ensemble plus vaste dans lequel elle est incorporée, il n'existe aucun fonds de commerce lié à l'activité secondaire, en l'absence de clientèle propre à cette activité ; que la cour d'appel a constaté que la clientèle mise à la disposition de M. I... en vue de l'exercice de son activité de restauration et alimentation était celle du camping et que ce dernier n'avait pas attiré de clientèle propre, distincte de celle du camping, d'où il suivait que l'activité de restauration et alimentation exercée par M. I... n'attirait pas de clientèle propre, distincte de celle de l'ensemble plus vaste constitué par le camping et que M. I... ne pouvait donc pas être regardé comme locataire-gérant d'un fonds de commerce ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une clientèle préexistante, pour en déduire la préexistence d'un fonds de commerce de restauration et alimentation donné en location-gérance par la société Homair vacances à M. I..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 144-1 du code de commerce ; 2°) que ni la préexistence d'aménagements en vue de l'exercice d'une activité, ni même la préexistence de l'exercice de ladite activité, ne sont suffisantes à caractériser la préexistence d'une clientèle propre à cette activité et donc d'un fonds de commerce; qu'en se fondant sur la circonstance qu'il existait une activité préexistante de restauration et alimentation exercée par la société Homair vacances, attestée par le fait qu'elle disposait pour ce faire de locaux au sein du camping, qu'elle avait effectivement proposé de tels services aux résidents du camping et qu'elle avait une licence de débit de boissons, pour en déduire la préexistence d'une clientèle liée à cette activité et l'existence d'un fonds de commerce, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 144-1 du code de commerce ; 3°) que le locataire-gérant exploite le fonds de commerce concédé par le propriétaire du fonds à ses risques et périls, de sorte que la location-gérance est exclusive de contraintes incompatibles avec le libre exercice par le locataire-gérant de son activité; que la cour d'appel avait constaté que M. I... n'était pas maître des créneaux horaires au cours desquels il pouvait exploiter les activités de restauration et alimentation, qui étaient conditionnées de manière contraignante à celles du camping, et qu'il n'avait non plus aucune autonomie de fonctionnement, d'où il résultait que des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité pesaient sur ce dernier, exclusives de toute location-gérance ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un contrat de location-gérance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a de plus fort violé l'article L. 144-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 144-1 du code de commerce :

3. Selon ce texte, constitue un contrat de location-gérance celui par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant, qui l'exploite à ses risques et périls.

4. Pour qualifier de location-gérance le contrat conclu entre la société Homair vacances et M. I... et, en conséquence, les condamner solidairement à payer à la société Sorhobis une certaine somme, l'arrêt retient que la convention litigieuse contient les éléments essentiels constitutifs d'une location portant sur un fonds de commerce préexistant, à savoir une licence IV de débit de boissons et une clientèle déjà constituée, certes issue de celle du camping mais mise à la disposition de M. I..., et ne relève donc pas de la simple location de locaux pour l'exploitation d'un fonds de commerce personnel au locataire.

5. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'activité exercée dans les locaux mis à la disposition de M. I... était exclusivement accessible à la clientèle du camping, et que, tenu d'assurer au profit de cette dernière une activité de restauration selon des horaires et des types de prestations définis par un cahier des charges, ainsi que de se plier aux impératifs d'animation du camping, M. I... ne bénéficiait d'aucune autonomie de fonctionnement, ce dont il résultait que l'activité concédée n'avait pas de clientèle propre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Homair vacances fait encore grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec M. I... à payer à la société Sorhobis la somme de 4 165,64 euros, alors « qu'en l'état du lien de dépendance nécessaire entre le chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant requalifié le contrat de location conclu le 15 mars 2014 entre M. I... et la société Homair vacances et le chef de dispositif ayant condamné cette dernière, solidairement avec M. I..., au paiement à la société Sorhobis de la somme de 4 165,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2015, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. La condamnation à paiement prononcée contre la société Homair vacances, fondée sur l'article L. 144-7 du code de commerce, qui n'est applicable qu'en cas de location-gérance, est en lien de dépendance avec le chef du dispositif de l'arrêt ayant requalifié le contrat en contrat de location-gérance. La cassation sur le premier moyen entraîne donc, par voie de conséquence, celle des chefs du dispositif de l'arrêt ayant condamné la société Homair vacances, solidairement avec M. I..., à payer certaines sommes à la société Sorhobis et à supporter les dépens.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation étant en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société Homair vacances à payer à la société Sorhobis la somme de 4 165,64 euros ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens solidairement avec M. I..., l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat conclu le 15 mars 2014 entre M. I... et la société Homair vacances en contrat de location-gérance ;

Rejette, en conséquence, les demandes en paiement formées par la société Sorhobis contre la société Homair vacances.