Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-22.223
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Rousseau et Tapie, SCP Yves et Blaise Capron
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 juillet 2017), que M. B... et Mme Z... (les consorts B... Z...) ont acquis, le 12 septembre 2008, de la société Domaine de Carsalade (la société) une maison d'habitation pour y loger leur fille, Mme Y... ; que la vente a été annulée pour dol par un jugement, devenu irrévocable, du 22 septembre 2011 qui a ordonné la restitution du prix de vente aux acquéreurs et condamné la société à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que la société a été mise en liquidation judiciaire le 30 juillet 2013, la société A... étant désignée liquidateur ; que le prix de vente n'ayant pas été restitué aux acquéreurs, ces derniers ont déclaré leur créance qui a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2014 ; que par des actes des 19 et 23 novembre 2015, le liquidateur a assigné les consorts B... Z... et Mme Y... pour voir juger qu'ils ne disposent d'aucun droit de rétention, sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble et voir ordonner leur expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que Mme Y... est occupante de l'immeuble du chef de ses parents, bénéficiaires d'un droit de rétention en application de l'article 2286 du code civil, et de rejeter les demandes de M. A... aux fins d'expulsion de Mme Y... alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de rétention d'un immeuble se perd par le dessaisissement volontaire du bien saisi, caractérisé en cas de perte volontaire de la jouissance effective et matérielle du bien ; qu'en se fondant, pour juger que les consorts B... Z... ne s'étaient pas volontairement dessaisis de l'immeuble litigieux sur lequel ils exercent leur droit de rétention, après avoir pourtant constaté que l'immeuble n'était plus occupé par eux mais par Mme Y..., sur la circonstance inopérante que ces derniers avaient conservé les clés, contracté une assurance et se rendaient suffisamment fréquemment dans l'immeuble pour pouvoir être présents lors de la visite, unique, d'un huissier de justice, ce qui n'était pas de nature à établir, faute d'emprise physique et matérielle du bien, qu'ils aient ainsi conservé la détention de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 2286 du code civil ;
2°/ qu'un mandat ne peut avoir pour objet que la conclusion d'un acte juridique pour autrui ; qu'en se fondant encore, pour juger que l'occupation de l'immeuble avait été conservée par les consorts B... Z..., titulaires d'un droit de rétention, sur la circonstance qu'ils avaient accordé un mandat d'occupation de l'immeuble litigieux à Mme Y..., ce dont il résultait que celle-ci occupait l'immeuble pour le compte des mandants, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un acte qui, portant sur l'accomplissement d'actes matériels, ne créait aucun pouvoir de représentation de sorte qu'il n'était pas de nature à établir que les consorts B... Z... auraient conservé la détention matérielle et effective du bien, a de nouveau violé l'article 2286 du code civil ;
3°/ que pour demander à la cour d'appel la confirmation du jugement ayant ordonné l'expulsion de Mme Y..., la Selarl A... et associés, liquidateur de la société venderesse, faisait valoir dans ses conclusions que le maintien de celle-ci dans les lieux, à la suite de l'annulation de la vente, en sa prétendue qualité de créancier rétenteur du prix du bien faisait obstacle à la mise en oeuvre, par le liquidateur, de son obligation légale résultant de l'article L. 642-20-1 du code de commerce de solliciter du juge-commissaire, dans une telle situation, l'autorisation de réaliser le bien dans les 6 mois du jugement de liquidation, le droit de rétention se trouvant alors de plein droit reporté sur le prix ; qu'en se bornant à relever que le droit de rétention se trouvait légalement reporté sur le prix sans répondre à ces conclusions pourtant de nature à établir que le maintien dans les lieux de l'occupante faisait obstacle à l'accomplissement par le liquidateur de son obligation de faire réaliser le bien aux meilleures conditions, avec l'accord du juge-commissaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ainsi violé ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que les consorts B... Z... détenaient les clés de l'immeuble qu'ils assuraient eux-mêmes, s'y rendaient fréquemment, au point d'être présents lors de la visite de l'huissier le 16 septembre 2016, l'arrêt retient que Mme Y... procède à l'entretien régulier de l'immeuble pour le compte de ses parents et, se référant à l'acte notarié du 21 janvier 2013 par lequel les consorts B... Z... ont donné à leur fille "mandat d'occupation de l'immeuble", en déduit que, nonobstant le paiement de certaines taxes d'habitation par Mme Y..., cette dernière occupe l'immeuble du chef et pour le compte de ses parents, légitimes rétenteurs du bien ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les consorts B... Z..., titulaires d'un droit de rétention sur l'immeuble, ne se sont pas dessaisis de la détention de ce bien, occupé de leur chef et pour leur compte, par leur fille, en vertu d'une convention écrite, dont la qualification adoptée par les parties et le notaire instrumentaire importe peu, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient qu'il ne peut être soutenu que les consorts B... Z... s'octroient un droit perpétuel d'occupation de l'immeuble, dès lors que l'exercice d'un droit de rétention ne fait pas obstacle à la vente du bien retenu et que l'article L. 642-20-1 du code de commerce, prévoit qu'en cas de vente, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix ; que répondant, en les écartant, aux conclusions du liquidateur qui soutenaient à tort que la libération de l'immeuble était un préalable à la saisine du juge-commissaire pour voir autoriser la vente du bien, la cour d'appel a satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.