Cass. com., 31 mai 2011, n° 09-13.975
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Capron
Joint les pourvois n° B 09-13.975, H 09-14.026, V 09-16.522 et F 09-67.661 qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte à M. X... de ce qu'il s'est désisté de ses pourvois n° B 09-13.975 et V 09-16.522 en ce qu'ils sont dirigés contre Mme Y... et MM. Z..., A... et B... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mars 2009), que la société anonyme Compagnie du développement durable a été mise en redressement judiciaire par jugement du 24 juillet 2002, cette procédure collective étant étendue, pour confusion de leurs patrimoines, à la société Compagnie générale de traitement et d'épuration des eaux (les sociétés débitrices) puis convertie en une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 4 avril 2003 ; que le liquidateur a assigné en paiement de l'insuffisance d'actif M. C..., président du conseil d'administration, et divers administrateurs, dont MM. D..., X..., E... et G..., qui ont été condamnés in solidum à supporter une partie des dettes ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° V 09-16. 522 soulevée d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu le principe " Pourvoi sur pourvoi ne vaut " ;
Attendu que, par application de ce principe, le pourvoi formé, le 27 août 2009, par M. X... qui succède à un précédent pourvoi formé le 4 mai 2009 par celui-ci contre la même décision n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° F 09-67. 661 :
Attendu que MM. D... et E... font grief à l'arrêt d'avoir retenu leur qualité de dirigeant de droit des sociétés débitrices, alors, selon le moyen, que, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général ; que seul le directeur général ou le président du conseil d'administration sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société à l'exclusion du conseil d'administration qui ne dispose plus que de pouvoirs limités ne relevant pas de la direction de la société ; que, privés du pouvoir de diriger la société, les membres du conseil d'administration n'ont plus la qualité de dirigeants de droit et ne peuvent plus faire l'objet d'une action en comblement de passif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 225-51-1, L. 225-56, L. 225-35 et L. 624-3, alinéa 1er ancien, du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 225-35, alinéas 1er et 3, du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, veille à leur mise en oeuvre, se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société, règle par ses délibérations les affaires qui la concernent et procède aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns, la cour d'appel en a exactement déduit que, bien qu'ils n'assument pas la direction générale de la société, les administrateurs ont la qualité de dirigeants de droit au sens de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que MM. D... et E... font grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence d'une insuffisance d'actif d'un certain montant, sans tenir compte du résultat possible de l'action en responsabilité civile professionnelle exercée parallèlement à l'encontre des commissaires aux comptes des sociétés débitrices, alors, selon le moyen, que l'insuffisance d'actif doit être certaine, son existence et son montant devant être appréciés par le juge au jour où il statue ; qu'en l'espèce, MM. E... et D... faisaient valoir que l'insuffisance d'actif n'était pas certaine dès lors qu'une action en responsabilité et dommages et intérêts en cours à la date de l'arrêt avait été lancée le 22 mars 2004 contre les commissaires aux comptes auxquels il était demandé le paiement de sommes susceptibles d'apurer totalement le passif ; qu'en se déterminant sur le fondement du passif tel que vérifié par le liquidateur judiciaire le 21 janvier 2004 et arrêté par le juge-commissaire le 26 février 2004 soit avant la mise en oeuvre de l'action dirigée contre les commissaires aux comptes, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si le produit de cette action n'était pas susceptible d'exclure ou au moins de diminuer l'insuffisance d'actif et sans procéder à une nouvelle évaluation de l'insuffisance d'actif au jour de l'arrêt sur le fondement de cette nouvelle donnée, la cour d'appel a violé l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'à la date de son arrêt, l'insuffisance d'actif était certaine à concurrence au moins du montant de la condamnation prononcée, effectuant ainsi la seule recherche nécessaire, la cour d'appel, qui n'était saisie sur le point en litige que d'une demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement de l'action en responsabilité civile exercée à l'encontre des commissaires aux comptes, a apprécié, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, l'opportunité de surseoir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que MM. D... et E... font grief à l'arrêt d'avoir retenu comme éléments de preuve à leur encontre des procès-verbaux de séances du conseil d'administration non signés, alors, selon le moyen,
1°/ que c'est au liquidateur, demandeur à l'action en comblement de passif qui se prévalait du contenu des procès-verbaux des délibérations du conseil d'administration pour établir la faute des administrateurs qu'il incombait de démontrer que les originaux des délibérations du conseil d'administration dont la prétendue copie était versée aux débats étaient revêtus de la signature du président de séance et d'au moins un administrateur ; qu'en faisant peser la charge de cette preuve sur MM. E... et D..., la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et R. 225-23 du code de commerce ;
2°/ que les copies ou extraits de procès-verbaux des délibérations sont certifiés par le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, l'administrateur délégué temporairement dans les fonctions de président ou un fondé de pouvoir habilité à cet effet ; qu'en l'espèce, les procès-verbaux invoqués par le liquidateur constituaient des copies dépourvues d'une quelconque signature ; qu'en considérant cependant que les pièces produites constituaient des copies régulières, la cour d'appel a violé l'article R. 225-24 du code de commerce ;
3°/ que le procès-verbal ne peut faire foi de sa date et de son contenu que s'il comporte les signatures exigées par la loi ; qu'en se fondant pour retenir la faute de gestion de MM. E... et D..., sur des documents ne répondant pas à ces exigences, la cour d'appel a violé les articles R. 225-23, R. 225-24 et L. 624-3 ancien du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les pièces versées aux débats sont des copies régulières au sens de l'article R. 225-24 du code de commerce, ce dont il résulte qu'il s'agit de copies certifiées de procès-verbaux des délibérations du conseil d'administration pouvant servir d'éléments de preuve ; que le moyen, qui ne critique pas ce motif par un grief de dénaturation portant sur l'absence de certification et qui, en ses première et troisième branches, se réfère aux originaux des procès-verbaux non versés aux débats, est inopérant ;
Sur le quatrième moyen du même pourvoi et sur le premier moyen du pourvoi n° B 09-13.975, rédigés en termes similaires, réunis :
Attendu que MM. D..., X... et E... font grief à l'arrêt d'avoir retenu à leur encontre des fautes de gestion, alors, selon le moyen :
1°/ que la poursuite d'une exploitation déficitaire d'une entreprise en état de cessation des paiements ne peut engager la responsabilité d'un administrateur que s'il est établi que ce dernier a eu connaissance du caractère déficitaire de l'exploitation et de la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise ; qu'en se bornant à énoncer qu'à partir du 11 février 2002, les administrateurs n'ont pu ignorer " l'état alarmant " de l'entreprise, qu'ils ont eu connaissance de la procédure d'alerte lancée par les commissaires aux comptes et ont été avertis de la " situation extrêmement tendue de la trésorerie " et que le 7 février 2002 M. A... les avait informés de sa démission en raison de " l'absence de lisibilité des comptes de la société " et des " réponses trop évasives formulées par son président " ce qui aurait dû éveiller leurs soupçons, sans caractériser la connaissance effective par les administrateurs, à la date susvisée du 11 février 2002, du caractère déficitaire de l'exploitation, de l'état de cessation des paiements et de la situation irrémédiablement compromise de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
2°/ que MM. E... et D... faisaient valoir que la lecture de la lettre des commissaires aux comptes démontre que les administrateurs ne pouvaient prendre la mesure de la situation véritable de la société C2D le 11 février 2002 puisque s'ils avaient déclenché la procédure d'alerte, les commissaires aux comptes se contentaient néanmoins d'annoncer au conseil d'administration que le marché relatif au contrat Irak ne dégageait pas comme annoncé " une marge nette de 20 % mais plutôt une rentabilité très sensiblement inférieure " ayant pour conséquence une " diminution sensible du résultat 2001 ", autrement dit, une simple baisse du résultat et non l'existence d'une rentabilité fortement négative du marché et une situation catastrophique qui ne leur a été révélée qu'en mai 2002 ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que MM. D... et E... faisaient valoir en outre que la situation catastrophique de la société était si peu évidente en février 2002, que le tribunal de commerce lui-même avait décidé le 22 novembre 2002, de prolonger la période d'observation de quatre mois ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en se bornant à reprocher aux administrateurs de n'avoir pas réagi à la mesure de la gravité de la situation catastrophique de l'entreprise en prenant les mesures qui s'imposaient, sans préciser l'objet des mesures qui auraient pu être prises et qui auraient dû s'imposer à des administrateurs normalement diligents, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute de gestion privant encore sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
5°/ que si la poursuite d'une exploitation déficitaire sans perspective de redressement caractérise une faute de gestion des organes de direction de la société anonyme, tels que le président du conseil d'administration et les directeurs, la responsabilité ne peut en être imputée aux simples administrateurs qu'à la condition de caractériser leur connaissance de la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise ; que la circonstance que les administrateurs aient été avisés de l'engagement, par le commissaire aux comptes, d'une procédure d'alerte ne peut, à elle seule, suffire à caractériser leur connaissance d'une situation irrémédiablement compromise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la situation réelle de la société C2D avait été cachée aux administrateurs par le président du conseil d'administration, au moyen de comptes sciemment inexacts établis par celui-ci et certifiés sans réserve par les commissaires aux comptes le 31 mai 2001, ces comptes ayant " pour effet de surévaluer le chiffre d'affaires de la société, de masquer ses pertes et, en définitive, de celer sa véritable situation financière " ; que pour imputer néanmoins à M. X... et autres administrateurs de la société C2D une faute de négligence, l'arrêt attaqué relève que ces administrateurs " n'ont pu ignorer l'état alarmant de l'entreprise à partir du 11 février 2002, date de la réunion du conseil d'administration au cours duquel ils ont eu connaissance de la procédure d'alerte lancée par les commissaires aux comptes " et ont été avertis de " la situation extrêmement tendue de la trésorerie " et que leur absence de réaction a contribué à la poursuite durant plusieurs mois d'une exploitation déficitaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la connaissance que les administrateurs auraient pu avoir, à la date susvisée du 11 février 2002, de la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
6°/ que M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel, d'une part, que les comptes sociaux de l'exercice 2001 faisant apparaître un effondrement du chiffre d'affaires de la société C2D et, pour la première fois dans l'histoire de la société, un résultat négatif n'avaient été communiqués par le président aux administrateurs que lors de la réunion du conseil d'administration du 13 mai 2002, et, d'autre part, que le caractère irrémédiablement compromis de la situation de la société C2D était lui-même apparu si peu évident au tribunal de commerce que celui-ci avait décidé, par un jugement du 22 novembre 2002, de proroger de quatre mois la période d'observation ; qu'en omettant de répondre à ces moyens décisifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que les juges du fond ne peuvent condamner les administrateurs de la société débitrice à combler l'insuffisance d'actifs de cette dernière sans caractériser concrètement les fautes de gestion qui leur sont imputables ; qu'en se bornant à affirmer que les administrateurs de la société C2D avaient commis une faute de gestion à défaut d'avoir " réagi à la mesure de la gravité de la situation catastrophique de l'entreprise ( ) en prenant alors immédiatement les mesures qui s'imposaient ", sans préciser l'objet des mesures qui auraient normalement dû s'imposer à des administrateurs normalement diligents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
Mais attendu que toute faute de gestion pouvant être retenue, l'arrêt relève que MM. D..., X... et E... avaient été avisés, dès le 7 février 2002, par une note de M. A..., autre administrateur, qu'il démissionnait de ses fonctions en raison de l'absence de lisibilité des comptes sociaux et des réponses évasives du président du conseil d'administration, ce qui aurait dû éveiller leurs soupçons, que lors de la réunion du conseil tenue le 11 février 2002, ils ont été informés qu'une procédure d'alerte avait été déclenchée le 11 janvier précédent par les commissaires aux comptes, ce dont il résulte la révélation de faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, qu'au cours de la même réunion, le président a décrit la situation de la trésorerie comme extrêmement tendue, que, malgré ces informations de nature à les renseigner sur le caractère alarmant, voire catastrophique, de la situation des sociétés débitrices, les administrateurs, qui ont un devoir de contrôle et de surveillance et disposent de pouvoirs à cette fin, n'ont eu aucune réaction, que cette abstention s'est renouvelée lors des séances des 4 et 21 mars 2002, ne cessant que le 13 mai 2002 et que cette faute a eu pour conséquence la poursuite de l'exploitation déficitaire d'une entreprise en état de cessation des paiements ; que, par ces constatations et appréciations, qui répondent aux conclusions évoquées en les écartant et font ressortir que les administrateurs devaient exiger du représentant légal des sociétés débitrices qu'il déclare la cessation des paiements sans attendre, comme il a fait, le 12 juillet 2002, la cour d'appel a pu décider que MM. D..., X... et E... avaient, par leur absence totale et prolongée de réaction, commis une faute de gestion ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° H 09-14. 026 :
Attendu que M. G... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé qu'il avait commis une faute de gestion, alors, selon le moyen, qu'un administrateur ne peut être condamné à supporter les dettes sociales de la société qu'en cas de faute de gestion ; qu'en relevant, pour condamner M. G... à supporter le passif de la société C2D, qu'il n'a pas réagi à la mesure de la gravité de la situation catastrophique de l'entreprise dont il a eu connaissance le 11 février 2002 lors de son premier conseil d'administration sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si M. G..., dont elle a expressément relevé qu'il n'avait été désigné en qualité d'administrateur de la société C2D que le 6 décembre 2001, n'a pas dûment coopéré avec M. H..., désigné judiciairement en mars 2002 en remplacement du directeur général pour arrêter les mesures nécessaires à la limitation du passif de la société C2D, puis, lors de la désignation judiciaire de M. I... en qualité de mandataire ad hoc, s'il n'a pas poursuivi cette action de soutien, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable ;
Mais attendu qu'ayant retenu à son encontre la même passivité reprochée à partir de février 2002 aux trois autres administrateurs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision à l'égard de M. G..., sans avoir à effectuer les recherches prétendument demandées, ni sur le concours apporté à un nouveau dirigeant, dont les conclusions invoquées par le moyen ne précisaient pas la nature, ni sur la poursuite de cette action de soutien en faveur du mandataire ad hoc désigné le 25 juin 2002, que ces mêmes conclusions n'évoquaient pas ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° B 09-13.975 et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° H 09-14.026, réunis :
Attendu que MM. X... et G... font grief à l'arrêt d'avoir admis l'existence d'un lien de causalité entre la faute de gestion retenue et l'insuffisance d'actif constatée, alors, selon le moyen :
1°/ que les administrateurs de la société débitrice ne doivent répondre que de l'insuffisance d'actif auquel ils ont contribué par leur propre faute ; qu'il appartient ainsi au juge de s'assurer que l'indemnité mise à leur charge se rapporte bien à une insuffisance d'actif pouvant leur être imputée à faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la faute des administrateurs de la société C2D, jusqu'ici placés dans l'ignorance de la situation réelle de la société C2D en raison des manipulations comptables de son président, était d'avoir concouru, par leur passivité, à la poursuite de l'exploitation déficitaire de la société entre le 11 février 2002, date à partir de laquelle une procédure d'alerte leur avait été dénoncée, et le 11 juillet 2002, date du dépôt de bilan ; que, tout en relevant que " les pertes courantes de la société C2D imputables collectivement à M. C... (président) et aux administrateurs responsables pour la période de 11 février au 11 juillet 2002 " s'étaient élevées à 2 021 000 euros (p. 374), l'expert judiciaire J... avait néanmoins proposé, dans son rapport, d'imputer arbitrairement aux administrateurs, au prorata de leur responsabilité, une somme supplémentaire de 2 061 000 euros au titre des pertes " excédant les pertes courantes recensées par la comptabilité " (p. 375), sans toutefois s'expliquer sur la nature de ces pertes, ni préciser la date de leur fait générateur ; qu'en se bornant à entériner la proposition de l'expert judiciaire de fixer à hauteur de 4 082 000 euros la condamnation solidaire de M. X... et des autres administrateurs de la société C2D, sans s'assurer que cette somme se rapportait bien à une insuffisance d'actif imputable à la faute qu'elle retenait à l'encontre des administrateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
2°/ qu'un administrateur ne peut être condamné à supporter les dettes sociales de la société qu'en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif ; que la cour d'appel, homologuant le rapport de l'expert J..., a exactement relevé que la situation financière catastrophique de la société C2D était antérieure à la prise de fonctions d'administrateur de M. G... intervenue le 6 décembre 2001, et résultait d'une méthode de comptabilisation à l'avancement décidée par le directeur général dès 1999, ainsi que d'importants besoins de financements à court terme financés par une aggravation du passif exigible générant des pertes (arrêt, p. 18) ; qu'en condamnant M. G... à paiement du passif social de la société C2D, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable ;
Mais attendu que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et peut être condamné à supporter en totalité ou partie les dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ; qu'après avoir relevé à l'égard de M. G..., non pas qu'il pouvait être à l'origine de la situation catastrophique des sociétés débitrices avant sa désignation comme administrateur, le 6 décembre 2001, mais qu'il avait, comme les autres, commis à partir de février 2002 une faute de gestion en s'abstenant de réagir à cette situation, l'arrêt retient que la faute des administrateurs a eu pour conséquence la poursuite pendant plusieurs mois de l'exploitation déficitaire d'une entreprise en état de cessation des paiements depuis le 28 février 2002, contribuant ainsi à l'insuffisance d'actif ; que, dans les limites du montant reconnu de celle-ci, soit 18 768 648, 40 euros, la cour d'appel a estimé, en se référant au rapport d'expertise, que cette contribution devait se calculer sur l'ensemble des pertes courantes pour la période postérieure au 11 février 2002, constatées ou non en comptabilité, soit la somme de 4 082 000 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° B 09-13.975 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de n'avoir pas fixé la part de responsabilité de chaque dirigeant dans leurs rapports réciproques, alors, selon le moyen, que les juges du fond sont tenus de se prononcer sur la part de responsabilité incombant à chacun des coauteurs de l'insuffisance d'actif dans leurs rapports réciproques lorsqu'ils sont saisis d'une demande en ce sens ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... invitait la cour d'appel à déterminer les parts contributives de chacun des dirigeants de la société C2D en fonction de leurs rôles respectifs dans l'aggravation de l'insuffisance d'actifs constatée après le 11 février 2002 ; qu'invoquant la conclusion de l'expert d'après laquelle " la responsabilité de M. C... reste prépondérante pour la période du 11 février 2002 au 11 juillet 2002 " (rapport d'expertise, p. 375), M. X... invitait la cour d'appel à déterminer les parts contributives de chacun des dirigeants en distinguant les fautes d'action imputables au président du conseil d'administration et les simples fautes d'inaction imputées aux administrateurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'en sa qualité de président du conseil d'administration, et eu égard aux fautes graves et récurrentes qu'il avait commises, M. C... avait une responsabilité prépondérante ; qu'en refusant néanmoins de se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée, sur la part contributive du président du conseil d'administration et des administrateurs dans l'aggravation de l'insuffisance d'actifs postérieure au 11 février 2002 et en se bornant à prononcer à leur encontre une condamnation in solidum, au motif inopérant que cette aggravation de l'insuffisance d'actifs résultait d'une " responsabilité partagée ", la cour d'appel a violé l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant condamné M. C..., en raison de la prépondérance de sa responsabilité, à une première somme de 4 000 000 euros, puis celui-ci in solidum avec MM. D..., X..., E... et G... à une seconde somme de 4 082 000 euros, la cour d'appel a nécessairement fixé, dans leurs rapports entre eux, la part contributive de chacun des quatre administrateurs autres que le président au cinquième de la somme de 4 082 000 euros ; que le moyen manque en fait ;
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, du pourvoi n° H 09-16.522 :
Attendu que M. G... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité dans la même proportion que les autres administrateurs, alors selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a expressément constaté que M. C... directeur général de la société C2D, ainsi que les commissaires aux comptes, avaient dissimulé aux administrateurs, dont M. G... la situation catastrophique réelle de l'entreprise, que seuls MM. D..., X... et E..., les plus anciens administrateurs de la société C2D, avaient été informés par un courrier de M. A... en date du 7 février 2002 de la situation anormale de l'entreprise et que le 11 février 2002, soit lors de son premier conseil d'administration, M. G... avait eu connaissance de la procédure d'alerte lancée par les commissaires aux comptes ; qu'en condamnant M. G... qui n'a occupé les fonctions d'administrateur de la société C2D qu'à compter du 6 décembre 2001- qui n'avait pas été informé par le courrier de M. A... du 7 février 2002 dont il n'avait pas été destinataire de la situation anormale de l'entreprise et dont il n'a eu connaissance qu'après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire J... devant les premiers juges le 4 décembre 2007-, soit seulement deux mois avant la procédure d'alerte et la date de cessation des paiements, à supporter le passif social de la société C2D dans des proportions identiques à celles assumées par les autres administrateurs, la cour d'appel a violé l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable ;
2°/ que le droit au juge et le droit à un procès équitable impliquent qu'un dirigeant social, poursuivi sur le fondement des dispositions de l'article L. 634-3 du code de commerce, soit à même de discuter de tous les éléments justifiant sa condamnation et notamment du caractère causal des fautes de gestion qu'on lui impute sur l'insuffisance d'actif de la société en procédure collective ; qu'en condamnant M. G... à supporter le passif social de la société C2D dans des proportions identiques à celles assumées par les autres administrateurs, tous beaucoup plus anciens, la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte le fait qu'il n'a occupé les fonctions d'administrateur de la société C2D qu'à compter du 6 décembre 2001, soit seulement deux mois avant le déclenchement de la procédure d'alerte et la date de cessation des paiements, a privé sa décision de toute base légale l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les quatre administrateurs concernés n'étaient responsables de l'insuffisance d'actif qu'en raison de la faute d'abstention qu'ils avaient commise à partir du mois de février 2002, la cour d'appel a pu en déduire, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que M. G... devait être sanctionné dans la même proportion que les administrateurs plus anciens ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° H 09-14.026 et le cinquième moyen du pourvoi n° F 09-67.661, rédigés en termes similaires, réunis :
Attendu que MM. D..., G... et E... font grief à l'arrêt d'avoir condamné les administrateurs à supporter les dépens de première instance et d'appel, alors, selon le moyen :
1°/ que l'arrêt ne pouvait mettre les dépens à la charge de MM. D..., E... et G... pour ce qui concernait ceux dus à MM. Z... et A... dans la mesure où c'était le liquidateur judiciaire qui avait seul un lien d'instance avec eux et où ce liquidateur avait été débouté de ses demandes dirigées contre ceux-là par l'arrêt infirmatif de ce chef ; qu'en condamnant MM. D..., E... et G..., qui n'étaient pas parties perdantes, à payer les dépens relatifs à MM. Z... et A..., la cour d'appel a violé l'article 699 du code de procédure civile ;
2°/ que l'arrêt ne pouvait davantage mettre les dépens à la charge de MM. D..., E... et G... pour ce qui concernait ceux dus à M. B... et Mme Y... dans la mesure où c'était le liquidateur judiciaire qui avait seul un lien d'instance avec eux et où ce liquidateur avait été débouté de ses demandes dirigées contre ceux-là par l'arrêt confirmatif de ce chef ; qu'en condamnant MM. D..., E... et G... qui n'étaient pas parties perdantes, à payer les dépens relatifs à M. B... et à Mme Y... la cour d'appel a violé l'article 699 du code de procédure civile ;
3°/ que M. I... ès qualités qui avait seul un lien d'instance avec M. Z... et M. A... et qui avait été débouté de ses demandes dirigées contre ces derniers par l'arrêt infirmatif attaqué, pouvait seul être tenu au paiement des dépens relatifs à ces derniers ; qu'en mettant ces dépens à la charge de MM. E... et D... qui n'étaient pas parties perdantes, la cour d'appel a violé l'article 696 du code de procédure civile ;
4°/ que M. I... ès qualités qui avait seul un lien d'instance avec M. B... et Mme Y... et qui avait été débouté de ses demandes dirigées contre ces derniers par l'arrêt confirmatif de ce chef, pouvait seul être tenu au paiement des dépens relatifs à ces derniers ; qu'en mettant ces dépens à la charge de MM. E... et D... qui n'étaient pas parties perdantes, la cour d'appel a violé l'article 696 du code de procédure civile ;
Mais attendu que chaque partie ayant succombé partiellement en ses prétentions dans une instance unique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire de répartir les dépens en les mettant intégralement à la charge de certaines des parties perdantes dans cette instance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable le pourvoi n° V 09-16.522 ;
REJETTE les pourvois n° B 09-13.975, H 09-14.026 et F 09-67.661.