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Décisions

Cass. com., 8 octobre 1996, n° 93-14.068

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Foussard

Versailles, du 28 janv. 1993

28 janvier 1993

Donne acte à M. Jean-Paul X... et à Mlles Céline et Florence X... de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant qu'il était dirigé contre Mlle Caroline X..., MM. Christophe et Denis X..., Mme Véronique X..., Mme Jeanne Z..., divorcée X..., et la trésorerie principale ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de M. X..., le 15 décembre 1987, le receveur divisionnaire des Impôts de Chartres-Nord (le receveur) a demandé la " révocation ", sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, de la donation de tous leurs biens immobiliers consentie par M. et Mme X... à leurs six enfants, le 14 juin 1986 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et deux de ses enfants reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors, selon le pourvoi, que seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers ; qu'il s'ensuit qu'un créancier ne saurait en aucun cas se substituer à lui pour engager une action, quelle qu'elle soit, qu'il n'a pas cru bon d'exercer lui-même ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public édictées par l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que le droit exclusif que l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 confère au représentant des créanciers pour agir au nom et dans l'intérêt de ceux-ci ne fait pas obstacle à ce qu'un créancier exerce l'action de l'article 1167 du Code civil contre tous les actes faits en fraude de ses droits par le débiteur ; qu'ainsi la cour d'appel a énoncé à bon droit que l'action engagée par le receveur sur le fondement de ce texte est recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que M. X... et deux de ses enfants reprochent encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que la créance doit exister au moins en son principe à la date de l'acte attaqué ; qu'en l'espèce, M. X... n'était pas le redevable de l'impôt mais pouvait simplement être condamné solidairement avec son épouse, la débitrice principale, au paiement des impôts éludés en application de l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales ; que par ailleurs, le jugement du 13 février 1986 le condamnant solidairement avec la débitrice légale de l'impôt était, lors de la conclusion de l'acte de donation attaqué, frappé d'appel et n'était pas exécutoire ; qu'en conséquence, à la date de la donation, le Trésor public n'avait pas encore contre lui un principe certain de créance ; qu'en retenant qu'à cette date la condamnation du mari envers l'administration des Impôts avait déjà été prononcée par le jugement du 13 février 1986 en sorte qu'il n'ignorait pas que l'acte litigieux allait soustraire ses biens aux poursuites de ce créancier, tout en constatant pourtant que ce jugement avait été frappé d'appel, la cour d'appel a violé l'article 1167 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que le 14 juin 1986, jour de la donation, M. X... avait déjà été condamné à payer à l'administration fiscale une certaine somme en application de l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales, il en résulte que le receveur possédait à cette date un principe certain de créance ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la première branche du second moyen :

Vu l'article 1167 du Code civil ;

Attendu qu'en confirmant le jugement, la cour d'appel a annulé l'acte de donation fait par M. X... le 14 juin 1991 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'inopposabilité de la donation n'a effet que dans les rapports des seules parties en cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du 16 juillet 1991 rectifié par le jugement du 26 novembre 1991, l'arrêt rendu le 28 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Réformant partiellement tant le jugement n° 750 du 16 juillet 1991 rendu par le tribunal de commerce de Chartres que le jugement rectificatif n° 1490 du 26 novembre 1991 rendu par le même tribunal ; déclare inopposable au receveur divisionnaire des Impôts de Chartres-Nord la donation faite par M. Jean-Claude X... à ses six enfants le 14 juin 1986 devant M. Claude Y..., notaire à Chartres et confirme les dispositions non contraires des deux jugements.