Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-27.420
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 octobre 2011), qu'à la suite de la mise en redressement puis liquidation judiciaires, les 6 décembre 2006 et 12 juin 2007, de la société Etablissements Michel Guy (la société), la SCP Guyon-Daval, désignée liquidateur (le liquidateur), a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif M. X... en sa qualité d'ancien dirigeant de la société ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer la somme de 200 000 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action prévue à l'article L. 651-2 du code de commerce ne peut viser un ancien dirigeant que si l'insuffisance d'actif existait à la date à laquelle il a cessé ses fonctions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... avait quitté ses fonctions de président du conseil d'administration de la société le 30 octobre 2006 ; qu'en le condamnant à contribuer à l'insuffisance d'actifs de la société après avoir seulement relevé que le passif de la société a été vérifié et proposé à l'admission pour un montant de 542 455 euros, tandis que l'actif essentiellement constitué du produit de la cession s'élève à 130 594 euros - d'où une insuffisance d'actif d'au moins 400 000 euros et que la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 4 décembre 2006 a été reportée au 6 juin 2005, sans constater qu'à la date qu'au 30 octobre 2006 l'insuffisance d'actifs existait d'ores et déjà, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses écritures d'appel, M. X... faisait valoir que la cessation des paiements de la société était intervenue à la suite des décisions prises lors de l'assemblée générale des actionnaires du 10 novembre 2006 qui n'avait pas été réunie régulièrement, et s'inscrivait ainsi dans un processus frauduleux visant l'abandon de la société par le groupe dont elle faisait partie ; qu'en affirmant cependant qu'«il n'est rien expliqué par Michel X... en quoi ce procès-verbal aurait été "un des outils" du dépôt de bilan», la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que ne constitue pas une faute de gestion susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant le fait de ne pas procéder à la déclaration de cessation des paiements compte tenu du soutien dont bénéficie l'entreprise de la part du groupe dont elle fait partie dans l'attente d'une solution de reprise activement recherchée ; que le M. X... faisait valoir en cause d'appel, preuves à l'appui, que la cessation des paiements résultait non pas de sa faute, mais de la décision brutale et subite du groupe de cesser de soutenir la société bien que des négociations de cession étaient en cours et auraient dû aboutir si le soutien sans faille jusque-là accordé avait été maintenu quelques mois ; qu'en affirmant que M. X... aurait été fautif au prétexte qu'il n'aurait tiré aucune conséquence du caractère périlleux de la situation de la société, sans prendre en compte le projet de cession de l'entreprise auquel il travaillait, ni rechercher si son échec ayant rendu inévitable une procédure collective n'était pas imputable à l'actionnaire majoritaire, dont la cour d'appel a elle-même relevé les changements d'humeur, et non pas à M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
4°/ que seule la faute de gestion ayant conduit à une insuffisance d'actif peut justifier la condamnation d'un dirigeant social à supporter tout ou partie de cette insuffisance ; qu'en affirmant péremptoirement que le choix de gérer l'entreprise depuis Colombes n'était pas adapté aux exigences de la direction d'une PME industrielle du Haut-Doubs sans dire en quoi ce choix aurait été fautif ni expliqué en quoi il aurait été à l'origine de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°/ que seule la faute de gestion ayant conduit à une insuffisance d'actif peut justifier la condamnation d'un dirigeant social à supporter tout ou partie de cette insuffisance ; qu'en reprochant à M. X... l'emploi d'une secrétaire à Colombes sans dire en quoi cet emploi était d'une quelconque manière en relation de cause à effet avec l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que les capitaux propres de la société étaient négatifs depuis 2002, la cour d'appel a fait ressortir que l'insuffisance d'actif était certaine à la date à laquelle M. X... avait cessé ses fonctions de dirigeant, à concurrence du quantum de la condamnation prononcée ;
Attendu, en deuxième lieu, que loin de se fonder sur le procès-verbal de la réunion de l'assemblée générale du 10 novembre 2006 pour constater l'état de cessation des paiements de la société, la cour d'appel a retenu que le bien-fondé de la déclaration résultait notamment du jugement d'ouverture de redressement judiciaire et de celui reportant la date de cessation des paiements au 6 juin 2005, qui n'ont fait l'objet d'aucun recours ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que la société présentait des capitaux propres négatifs depuis 2002, qu'une procédure d'alerte avait été déclenchée par le commissaire aux comptes en juin 2003 et que la date de cessation des paiements avait été reportée au 6 juin 2005, la cour d'appel a pu en déduire que l'état de cessation des paiements était antérieur à la décision de l'actionnaire majoritaire de cesser de soutenir la société ;
Attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé que la société était, d'un côté, gérée depuis des locaux loués dans la ville de Colombes cependant que l'exploitation se déroulait dans le Haut-Doubs et de l'autre, qu'elle employait dans cette commune une secrétaire, percevant le deuxième salaire le plus élevé de la société, pour se consacrer essentiellement aux besoins personnels de l'actionnaire majoritaire, la cour d'appel a caractérisé une faute de gestion tenant à l'emploi de biens sociaux dans un intérêt contraire à la société, et la contribution de celle-ci à l'insuffisance d'actif ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli dans sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.