Cass. com., 24 mars 2004, n° 01-10.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X..., ès qualités, que sur le pourvoi incident de la société Siemens ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 février 2001), rendu sur renvoi après cassation (Com. 16 avril 1996, pourvoi n° A 94-14.291), que la société Prorectif a été mise en redressement judiciaire le 11 janvier 1993 ; que, par acte d'huissier de justice du 18 janvier 1993, la société Siemens a procédé à la saisie-revendication de divers matériels vendus à la société Prorectif avec une clause de réserve de propriété ; que, par ordonnance du 28 avril 1993, le juge-commissaire a rejeté la demande en revendication des matériels présentée par la société Siemens ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur de la société Prorectif fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la restitution à la société Siemens de l'ensemble des matériels retrouvés en nature selon procès-verbal du 18 janvier 1993 et à défaut, de l'avoir condamné, ès qualités, à en acquitter le prix, alors, selon le moyen :
1°) que par application des dispositions de l'article L. 621-40, II, du Code de commerce, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute voie d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur, de la part des créanciers dont la créance a une origine antérieure à ce jugement ; que le créancier qui demande au juge d'autoriser une saisie-revendication ou qui en poursuit l'exécution exerce une voie d'exécution au sens de ce texte ; qu'en estimant que les dispositions de l'article L. 621-40 ne pouvaient être étendues à une saisie-revendication exercée sur des marchandises par leur propriétaire, créancier de leur prix cependant que la saisie-revendication constitue une voie d'exécution entrant dans le champ d'application de ce texte et qu'elle ne peut donc être exercée à l'égard d'un débiteur en redressement judiciaire, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 621-40 du Code de commerce ;
2°) que toute voie d'exécution exercée ou continuée au mépris de l'arrêt des poursuites individuelles est nulle ; qu'en estimant que, même à regarder comme inopérante en tant que voie d'exécution la saisie-revendication exercée par la société Siemens au mépris de l'arrêt des poursuites, le procès-verbal dressé dans le cadre de cette procédure n'était pas pour autant frappé de nullité et conservait sa force probante et sa portée de constat cependant que toute voie d'exécution exercée après le redressement judiciaire du débiteur est nulle, ce qui entraîne nécessairement la nullité des actes accomplis dans le cadre d'une telle mesure, la cour d'appel a violé les articles L. 621-40 et L. 621-122 du Code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que la société Siemens, qui a saisi le juge-commissaire d'une action en revendication au sens des articles L. 621-115 et suivants du Code de commerce, n'a pas mis en oeuvre une mesure d'exécution forcée ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, en relevant que l'acte du 18 janvier 1993, dressé en présence d'un représentant de la société Siemens et du chef des achats de la société Prorectif, avait établi le procès-verbal de l'inventaire des trente et un articles existant encore dans les locaux à partir de la liste détaillée des soixante-dix initialement livrés sur laquelle avaient été biffés les éléments manquants, et que ce procédé ne retirait rien à la clarté de cet inventaire où la désignation abrégée de chaque article, son numéro de référence, ceux de sa commande et de sa livraison ainsi que le prix unitaire étaient précisément mentionnés, a souverainement apprécié la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis ;
D'où il suit que le moyen, inopérant dans sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Siemens fait grief à l'arrêt de n'avoir accueilli sa demande en revendication que pour les matériels retrouvés en nature dans les locaux de la société Prorectif, et d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle portait sur le prix des matériels revendus alors, selon le moyen, que peut être revendiquée une marchandise qui, bien qu'incorporée à d'autres, reste néanmoins identifiable et dissociable de l'ensemble auquel elle est intégrée ; que l'arrêt reprend les conclusions d'un rapport d'expertise selon lesquelles la dissociation d'une commande numérique d'avec la machine n'est pas destructrice pour le support, et qui précisent que les opérations de dissociation sont couramment pratiquées dans le cadre de la maintenance et du remplacement éventuel des pièces ; qu'en rejetant néanmoins la demande en revendication, motifs pris de ce que la pose d'une commande numérique ne s'analyse pas seulement en une simple opération de pose d'un accessoire, mais consiste en l'intégration d'un élément constitutif qui a pour conséquence la création d'un ensemble nouveau, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994 applicable en la cause ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les opérations de démontage des commandes numériques qui impliquaient le débranchement des câbles, l'extraction des cartes informatiques, le démontage du tableau de commande, le débranchement et le démontage des moteurs électriques et la sauvegarde des programmes, étaient complexes et que l'installation de ces commandes ne s'analysait pas en une simple opération de pose d'un accessoire mais en l'intégration d'un élément constitutif qui avait pour conséquence la création d'un ensemble nouveau, la cour d'appel a pu en déduire que les commandes numériques ne se retrouvaient pas en nature au moment de l'ouverture du redressement judiciaire ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.