Cass. com., 14 avril 2021, n° 17-24.215
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Santander
Défendeur :
Athanor Equities (SA), Global Ecopower (SA), Futuren (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 2017), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 8 juillet 2014, pourvoi no 13-11.208), M. Santander, cofondateur, courant 1999, de la société Théolia, devenue la société Futuren, en a exercé, à compter du 6 novembre 2003, les fonctions de président du directoire, puis de président-directeur général. Cette société, spécialisée dans la production d'électricité, essentiellement à partir d'énergie éolienne, a fait l'objet d'une introduction en bourse en 2002.
2. Le 29 septembre 2008, M. Santander a démissionné de ses fonctions et, selon procès-verbal de réunion du conseil d'administration du même jour, a contracté une obligation de non-concurrence pendant trois ans.
3. Faisant valoir que M. Santander, avec la complicité des sociétés Athanor Equities et Global Ecopower, qu'il avait créées, violait la clause de non-concurrence et se livrait à des actes de concurrence déloyale, et estimant qu'il était responsable de la sanction pécuniaire prononcée contre elle par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) pour manquement à l'information du public, la société Théolia l'a assigné, ainsi que les sociétés précitées, en paiement de dommages-intérêts. M. Santander a demandé, reconventionnellement, l'attribution de 100 000 actions gratuites, prévue dans le procès-verbal du 29 septembre 2008.
Examen des moyens
Sur les premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. M. Santander fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Théolia une certaine somme au titre de la violation de la clause de non-concurrence, alors : « 1°) que le point 8.1 du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 29 septembre 2008 stipulait que "M. Jean-Marie Santander s'engage pendant une durée de trois ans en Europe et pour les pays émergents à ne jamais concurrencer directement ou indirectement Théolia et les sociétés de son groupe dans le domaine de l'énergie éolienne" ; qu'en jugeant, pour condamner M. Santander à payer la somme de 450 000 euros à la société Théolia, qu'au mois de janvier 2009 la société Global Ecopower a annoncé avoir obtenu l'autorisation de construire deux centrales éoliennes en Chine et que cette annonce établirait une violation de l'obligation de non-concurrence de M. Santander bien que la mise en service des deux centrales n'ait été prévue qu'en 2013, soit après l'expiration du délai de trois ans, après avoir relevé que "la construction des fermes était prévue sur quatre à cinq ans" , au motif que "la mise en service des centrales éoliennes prévue en 2013 ne résulte pas de sa volonté de respecter l'accord de non-concurrence, mais seulement d'éléments techniques incontournables" , peu important le fait qu' "à ce jour les centrales n'ont pas été réalisées", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'acte qui aurait fait concurrence à la société Théolia pendant la durée de trois ans stipulée au point 8.1 du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 29 septembre 2008, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) que pour établir que "ce n'est pas à l'initiative de M. Santander qu'il a été mis fin aux velléités de développement de la société Théolia sur le marché chinois, mais à l'initiative de GE (General Electric) EFS alors actionnaire de Théolia qui avait pris la décision de se désengager des marchés émergents pour se recentrer sur le seul marché européen", M. Santander produisait en pièce n 18 o un courriel du 24 mars 2008 de la société GE Electric mentionnant ses "sérieuses réserves à l'égard des projets de Théolia sur les marchés émergents" et sa volonté de rediriger l'activité de la société Théolia "sur les marchés de l'Europe de l'Ouest et de l'Europe centrale" ; qu'en jugeant que "l'allégation selon laquelle l'actionnaire de Théolia, General Electrique EFS, serait à l'origine de Théolia de ne pas poursuivre son entrée sur le marché chinois de l'éolien, n'est corroborée par aucun élément justificatif", la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) que, pour établir que "ce n'est pas à l'initiative de M. Santander qu'il a été mis fin aux velléités de développement de la société Théolia sur le marché chinois, mais à l'initiative de GE (General Electric) EFS alors actionnaire de Théolia qui avait pris la décision de se désengager des marchés émergents pour se recentrer sur le seul marché européen", M. Santander produisait en pièce no 18 un courriel du 24 mars 2008 de la société GE Electric mentionnant ses "sérieuses réserves à l'égard des projets de Théolia sur les marchés émergents" et sa volonté de rediriger l'activité de la société Théolia "sur les marchés de l'Europe de l'Ouest et de l'Europe centrale" ; qu'en jugeant que "l'allégation selon laquelle l'actionnaire de Théolia, General Electrique EFS, serait à l'origine de Théolia de ne pas poursuivre son entrée sur le marché chinois de l'éolien, n'est corroborée par aucun élément justificatif", sans analyser, même sommairement, les pièces produites aux débats, dont le courriel de la société General Electric en date du 24 mars 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir relevé qu'un article paru dans le journal « La Tribune » du 29 janvier 2009, s'appuyant tant sur le communiqué de presse de la société Global Ecopower que sur les propos de M. Santander, indiquait que la clause de non-concurrence ne concernait que l'éolien en Europe, que M. Santander avait pu activer ses réseaux en Chine pour lancer de nouveaux projets et que la société Global Ecopower, qu'il avait créée moins de quatre mois après sa démission de la présidence de la société Théolia pour « capitaliser » son expérience, avait acheté deux programmes dans ce pays pour y construire et exploiter deux centrales éoliennes, l'arrêt constate que la négociation et l'achat de ces projets ont été réalisés dès l'année 2008. Il en déduit qu'en prospectant et en signant des accords avec les autorités chinoises pour l'implantation de centrales éoliennes dans ce pays émergent, M. Santander a violé son engagement de non-concurrence.
7. Par ces seuls motifs caractérisant des actes de concurrence effective pendant la durée de trois ans stipulée dans la clause, et abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les deuxième et troisième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
8. En conséquence, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
Et sur le cinquième moyen de ce pourvoi
Enoncé du moyen
9. M. Santander fait grief à l'arrêt de rejeter comme irrecevable sa demande nouvelle, présentée en cause d'appel, de condamnation de la société Théolia au paiement d'une certaine somme au titre de l'attribution des 56 215 actions gratuites, alors « que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en jugeant que la demande de condamnation de la société Futuren à la somme de 1 712 761 euros en réparation de l'annulation abusive, le 30 mars 2009, de l'attribution d'actions gratuites qui lui avait été octroyée le 6 février 2007, serait irrecevable comme nouvelle, sans rechercher si cette prétention ne tendait pas à opposer la compensation ou à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions que M. Santander, qui n'a pas répondu aux conclusions de la société Futuren soulevant l'irrecevabilité de sa demande comme nouvelle, ait soutenu devant la cour d'appel que la demande de condamnation de la société Futuren en réparation de l'annulation abusive de l'attribution d'actions gratuites qui lui avait été octroyée, tendait à opposer la compensation ou à faire écarter les prétentions adverses.
11. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est donc irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
La Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes.