Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-21.403
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 mai 2017), qu'après la liquidation judiciaire de la société Indigo Yacht (la société), Mme B..., nommée liquidateur, a assigné M. Romain Z... et son père, M. Eric Z..., en leurs qualités respectives de gérants de droit et de fait de la société, en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Romain Z... et M. Eric Z... font grief à l'arrêt de juger que M. Eric Z... est le dirigeant de fait de la société Indigo Yacht et, en conséquence, de le condamner, solidairement avec M. Romain Z..., gérant de droit, à payer à Mme B..., ès qualités, l'intégralité de l'insuffisance d'actif de ladite société au titre de fautes de gestion qui auraient été commises par lui dans l'exercice de ses fonctions alors, selon le moyen, que seul peut être considéré comme dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, et ce de façon continue et régulière ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. Eric Z... aurait été le dirigeant de fait de la société, la cour d'appel a relevé notamment qu'il avait une expérience certaine dans l'industrie nautique, contrairement à l'inexpérience de son fils, que la société était domiciliée au domicile familial, que M. Eric Z... détenait, avec son épouse, la majorité du capital de la société, qu'il avait été le seul interlocuteur de deux clients auprès desquels il s'était présenté comme le gérant de la société, que le site internet de la société désignait M. Eric Z... comme étant la personne à contacter, qu'il avait été impliqué dans la signature d'un devis ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs inopérants ou en considération d'activités qui ressortaient pourtant de sa mission de commercialisation des bateaux de la société, sans établir que M. Eric Z... accomplissait en toute indépendance, et de façon continue et régulière, des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'avant même la conclusion, le 1er septembre 2005, du contrat par lequel la société Go Marine s'est vue confier la distribution des bateaux produits ou diffusés par la société Indigo Yacht, M. Eric Z..., gérant de droit de la première mais agissant comme représentant de la seconde, était entré en contact avec l'un des clients de celle-ci puis qu'après la signature de cette convention, il intervenait directement auprès de ses clients et fournisseurs, étant désigné sur le site internet de la société Indigo Yacht comme la personne à contacter pour la gestion et le financement de l'acquisition des bateaux, dépassant ainsi le strict cadre de la convention de distribution ; que l'arrêt relève encore que M. Eric Z..., s'impliquait également dans la conception et la production des bateaux, ainsi que dans la résolution des litiges commerciaux, se présentant à ses interlocuteurs comme le dirigeant du chantier d'Indigo Yacht, que l'arrêt relève ensuite que le siège social de la société était fixé à son domicile alors que M. Romain Z..., à qui il donnait ses instructions, était résident tunisien depuis 2005, qu'il relève enfin que ces agissements ont, pour la plupart, porté sur les années 2005 à 2012 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que M. Eric Z... a exercé en toute indépendance pendant cette période une activité positive de gestion et de direction de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Eric Z... et M. Romain Z... font encore grief à l'arrêt de les condamner solidairement, en qualité respectivement de dirigeant de fait et de droit de la société Indigo Yacht, à payer à Mme B..., ès qualités, la totalité de l'insuffisance d'actif de cette société en raison de leurs fautes de gestion alors, selon le moyen, qu'un dirigeant social ne peut être condamné à combler les dettes sociales de la société en liquidation judiciaire que s'il est établi un lien de causalité entre la faute de gestion retenue et l'insuffisance d'actif constatée ; qu'en se bornant à énoncer, pour condamner MM. Romain et Eric Z... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société (d'un montant provisionnel de 243 547,42 euros), que les fautes de gestion commises par eux auraient eu « des répercussions commerciales certaines sur les finances de la société Indigo Yacht » et que cette contribution à l'insuffisance d'actif « résulte directement du montage financier mis en place avec la société STGI et de la poursuite d'activité malgré l'état de cessation des paiements avéré qui générera de nouvelles dettes », sans s'expliquer autrement sur le lien de causalité entre les deux fautes de gestion retenues et le préjudice de la société constitué par l'insuffisance d'actif constatée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que MM. Eric et Romain Z... n'avaient pas déclaré dans le délai légal l'état de cessation des paiements de la société dont ils avaient délibérément poursuivi l'activité malgré cet état avéré, sans mettre en oeuvre les mesures de prévention prévues par les textes ni prendre de mesures adéquates, l'arrêt retient que, selon l'état des créances, cette poursuite d'activité de la société n'avait pu être réalisée qu'en raison de l'absence de paiement des dettes fiscales et sociales nées en [...] et [...] et des factures de certains fournisseurs ; qu'il relève ensuite que MM. Eric et Romain Z... avaient procédé, dans des conditions ruineuses, à un transfert de l'activité de la société vers une société STGI, implantée en Tunisie et gérée par M. Romain Z..., ce qui avait conduit à un redressement fiscal d'un montant supérieur à 400 000 euros ; qu'il relève encore que l'état des créances démontrait que d'importantes créances avaient pour origine des litiges avec des clients se plaignant, pour certains, de malfaçons causées par cette société tierce et qui, n'ayant pas été traitées par cette dernière, l'avaient été au détriment de la société ; qu'il en déduit que le lien de causalité entre ces fautes de gestion et le passif ou son aggravation est clairement établi, de même que leur contribution à l'insuffisance d'actif, qui résulte directement du montage financier avec la société tunisienne STGI et de la poursuite d'activité malgré l'état de cessation des paiements avéré ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.