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Décisions

Cass. com., 19 mai 1987, n° 85-18.384

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Defontaine

Avocat général :

M. Montanier

Avocats :

Me Choucroy, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde

Dijon, du 27 sept. 1985

27 septembre 1985

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 27 septembre 1985), que la société des anciens établissements Paul Cultru et Fils (la SEPAC) a vendu une certaine quantité d'orge à la société Kampffmeyer-France avec clause de réserve de propriété ; que lors de la livraison de cette marchandise à bord de la péniche " Odéon ", a été établi un connaissement fluvial négociable ne mentionnant pas la clause de réserve de propriété stipulée en faveur de la SEPAC ; que ce connaissement a été endossé au profit de plusieurs acquéreurs successifs de la marchandise et en dernier lieu de la société Etablissements Michel Blanc et Fils (la société Blanc) ; qu'après la défaillance de la société Kampffmeyer-France, qui a été mise en liquidation des biens sans avoir réglé la SEPAC, celle-ci a obtenu, sur requête, le séquestre de la marchandise en se prévalant de la clause de réserve de propriété tandis que la société Blanc allait, de son côté, revendiquer cette même marchandise en invoquant le connaissement en sa possession ; .

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la SEPAC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son action en revendication alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause de réserve de propriété est inopposable aux tiers dans les mêmes conditions qu'à l'acheteur ; qu'aucune publicité particulière n'est exigée à cet égard ; que l'arrêt attaqué a donc ajouté à la loi en subordonnant l'opposabilité de la clause aux tiers à une formalité de publicité qu'elle n'a point prévue et a violé l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 par défaut d'application ; alors que, d'autre part, le connaissement fluvial avait été établi à l'occasion d'une vente FOB, à laquelle le vendeur n'était pas partie, de sorte qu'à supposer même que la mention de la clause y fût requise il ne pouvait y procéder ; qu'ainsi la cour d'appel a méconnu la convention des parties et violé l'article 1134 du Code civil et alors, enfin, que la clause de réserve de propriété suspend le transfert de la propriété jusqu'au complet paiement du prix ; qu'antérieurement à ce paiement ou en l'absence de ce paiement, la marchandise reste la propriété du vendeur ; qu'en refusant d'admettre ce principe et en s'abstenant de s'expliquer sur les raisons de ce refus, la cour d'appel a violé l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 ne dérogeant pas à celles prévues en faveur du possesseur de bonne foi par l'article 2279 du Code civil, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la SEPAC, propriétaire dépossédée de la marchandise, ne pouvait agir en revendication contre un possesseur de bonne foi ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SEPAC reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté son action en revendication, alors, selon le pourvoi, que le connaissement fluvial n'est pas un titre de propriété de la marchandise, mais seulement un document permettant à son titulaire d'obtenir du batelier la délivrance de cette marchandise au port de débarquement ; d'où il suit qu'en statuant en sens contraire pour faire échec au droit du vendeur se prévalant d'une clause de réserve de propriété, les juges d'appel ont violé l'arrêté du 20 juillet 1960 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le connaissement fluvial négociable constitue un titre dont la possession régulière vaut propriété de la marchandise qu'il désigne ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et, sur le troisième moyen :

Attendu que la SEPAC reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Blanc, alors, selon le pourvoi, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une somme d'argent, les dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial indépendant du retard ne peuvent être attribués qu'en cas de résistance abusive du défendeur, caractérisée par les juges du fond, et qu'en se bornant à allouer de tels dommages-intérêts, sans caractériser ni même rechercher si la société SEPAC avait commis une faute, la cour d'appel a violé l'article 1153 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la SEPAC, qui ne pouvait ignorer l'établissement du connaissement fluvial négociable à ordre signé par ses représentants, ni par conséquent l'éventualité de changements de propriétaires successifs, avait cependant, sans faire état de ces circonstances qui pouvaient modifier la décision du juge saisi, provoquer le déchargement et l'immobilisation de la marchandise, privant dès lors son propriétaire de la possibilité de percevoir le produit d'une vente normale et créant, en outre, les conditions du vieillissement de cette marchandise ; qu'ayant ainsi caractérisé la faute commise par la SEPAC, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.