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Décisions

Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-65.812

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Arbellot

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

Me Spinosi, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Toulouse, du 3 févr. 2009

3 février 2009

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2009), que, par ordonnance du 30 janvier 2007, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Salaisons du Pays d'Oc (la société SPO) a fait jouer la clause de réserve de propriété des marchandises, portant sur des noix de jambons, fournies par la société Toulze ; que, statuant par jugement du 8 juin 2007 (RG n° 07/555) sur l'opposition formée contre cette ordonnance par la société Eurogage, mandataire chargée de l'organisation de la tierce détention des biens gagés au profit de la société Crédit Lyonnais-LCL (la banque), elle-même opposante, en sa qualité de créancière gagiste, au titre de la garantie du remboursement d'une créance qu'elle avait sur la société SPO, le tribunal a débouté la société Toulze de sa revendication des marchandises considérant que la substitution des marchandises données en gage était régulière ;

Attendu que la société Toulze fait grief à l'arrêt d'avoir, statuant sur l'opposition de la banque et de la société Eurogage à l'ordonnance du 30 janvier 2007, mis à néant à leur l'égard l'ordonnance critiquée et rejeté sa requête en revendication, alors, selon le moyen :

1°) que le gage ne porte que sur la chose remise au créancier pour sûreté de sa créance ; que le créancier gagiste ne peut opposer au propriétaire revendiquant la possession d'une marchandise qui ne lui a pas été donnée en gage et qui ne présente, avec la chose gagée, aucune fongibilité ; qu'en jugeant néanmoins que le gage consenti par la société Salaisons du Pays d'Oc portait sur les noix de jambons détenues par la société Eurogage, tandis que seuls des jambons en cours d'affinage avaient été donnés en gage, avec stipulation de substitution, la cour d'appel, qui a relevé que les deux catégories de marchandises n'étaient pas naturellement fongibles, a violé les articles 1134 et 2071 du code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;

2°) que la substitution de nouvelles marchandises aux marchandises gagées ne peut résulter que d'un accord de volontés des parties ; qu'à supposer que les parties puissent décider qu'une marchandise de nature et de qualité différentes puisse se substituer à la marchandise initialement gagée, une telle substitution doit résulter d'un accord exprès de volontés ; que la convention par laquelle la société Salaisons du Pays d'Oc a consenti un gage au Crédit lyonnais ne portait que sur des jambons en cours d'affinage et ne prévoyait que la substitution de marchandises de même nature et de même qualité ; qu'en jugeant néanmoins que les parties avaient stipulé la possibilité de substituer des noix de jambons aux jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2071 du code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;

3°) que, par ailleurs, en l'absence de fongibilité de la marchandise détenue par le créancier gagiste avec celle qui lui a été initialement donnée en gage, le créancier doit restituer la marchandise détenue au vendeur avec réserve de propriété qui n'a pas été réglé ; que pour débouter la société Toulze de son action en revendication des noix de jambons détenues par la société Eurogage pour le compte du Crédit lyonnais, la cour d'appel a considéré que ces marchandises n'étaient pas individualisées pièce par pièce mais seulement par lots ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que les noix de jambons n'étaient pas fongibles avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel qui, statuant par un motif inopérant, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 2071 du code civil, en sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;

4°) que l'autorisation, donnée à l'administrateur judiciaire du débiteur, de payer le créancier gagiste pour retirer les marchandises qu'il détient ne peut suffire à rendre fongibles les marchandises de nature et qualité différentes de celles données en gage, ni à constituer un gage sur ces marchandises ; que par ordonnance du 23 juin 2006, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société Salaisons du Pays d'Oc a autorisé l'administrateur judiciaire à payer Crédit lyonnais pour obtenir restitution des marchandises détenues par ce créancier ; qu'en déduisant de cette autorisation l'existence d'un gage sur les noix de jambons détenues et la fongibilité de ces noix de jambons avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé l'article 2071 du code civil en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles L. 624-16 et L. 622-7 du code de commerce ;

Mais attendu que, la substitution de nouvelles marchandises, de nature et de qualité différentes de celles initialement gagées, ne peut résulter que de l'exécution d'une clause de substitution conventionnelle, résultant d'un accord de volontés des parties, disposant que les biens substitués seront remplacés par le débiteur constituant par la même quantité de choses équivalentes ; qu'ayant relevé que la clause de substitution caractérisant le "gage tournant" de la banque était valable, dès lors qu'elle s'appliquait à des marchandises fongibles et qu'il ressortait, en outre, d'un accord antérieur aux livraisons revendiquées par la société Toulze, entre le gagiste et sa débitrice, que les deux produits litigieux, à savoir les noix de jambons livrées comme produits finis et les jambons livrés à affiner pouvaient être assimilés pourvu que la valeur de chaque pièce soit identique, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, en a exactement déduit que l'action en revendication intentée par la société Toulze se heurtait au principe énoncé à l'article 2279 du code civil autorisant le créancier gagiste, possesseur présumé de bonne foi, à invoquer son droit de rétention à l'égard du vendeur avec réserve de propriété ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.