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Décisions

Cass. com., 3 janvier 1995, n° 93-11.093

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. de Goutte

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Le Bret et Laugier, Me Blondel

Rennes, du 2 déc. 1992

2 décembre 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Rennes, 2 décembre 1992) que la Société de mécanique et de machines agricoles (la SMMS) a été mise en redressement judiciaire sans avoir payé une machine livrée par la société TCHP, qu'elle avait montée sur une chaîne d'assemblage automatique, commandée par la société Saunier-Duval ; qu'excipant d'une clause de réserve de propriété, la société TCHP a revendiqué la partie du prix de la machine non encore payée par la société Saunier-Duval à la SMMS ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Saunier-Duval fait grief à l'arrêt d'avoir admis la validité de la clause de réserve de propriété, alors, selon le pourvoi d'une part, qu'en énonçant que le devis n° 360 du 10 novembre 1988 avait été " annoté par le client " sans relever aucun élément, autre que la seule signature du devis par le directeur des ventes de la société TCHP, lui permettant d'attribuer à la SMMS les notes manuscrites anonymes apposées sur ce document, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, qu'en présence d'un bon de commande émanant de la SMMS et adressé le 8 juin 1989 à la société TCHP, qui, après avoir fait référence à " l'offre du 10 novembre 1988 " renvoyait aux seules conditions générales de l'acheteur sans faire la moindre allusion aux conditions générales de vente, parmi lesquelles la clause de réserve de propriété figurant dans le devis initial établi 7 mois auparavant, la cour d'appel ne pouvait décider au vu de ces seuls documents qu'une telle clause était entrée dans le champ contractuel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le devis du 10 novembre 1988 portait mention de la clause de réserve de propriété et que la SMMS n'avait émis sur le bon de commande du 8 juin 1989, qui s'y référait, aucune réserve sur celle-ci, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé, abstraction faite du motif surabondant visé par la première branche que cette clause remplissait les conditions requises pour être opposable à la procédure collective, dès lors, que stipulée par écrit par le vendeur et adressée à l'acheteur, elle avait été acceptée par ce dernier par l'exécution du contrat en connaissance de cause ; que le moyen ne peut être, en aucune de ses branches, accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Saunier-Duval fait grief aussi à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de revendication, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seules les marchandises restées en nature dans le patrimoine du débiteur au jour du jugement de redressement judiciaire peuvent faire l'objet d'une revendication ; qu'ayant relevé que les matériels demeurés impayés avaient été intégrés dans la chaîne d'assemblage et livrés à la société Saunier-Duval dès janvier 1990, la procédure de redressement judiciaire n'ayant été ouverte à l'égard de la SMMS que le 31 janvier 1990, la cour d'appel ne pouvait dès lors faire droit à l'action en revendication exercée par la société TCHP ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher si le retrait de la machine revendiquée de la ligne d'assemblage spécialement conçue pour intégrer celle-ci n'avait pas pour effet d'interrompre nécessairement le fonctionnement de cette chaîne qui devait être considérée comme un tout indissociable commandé comme tel par la société Saunier-Duval, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que la marchandise dont le prix est revendiqué doit exister en son état initial, non à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective mais à celle de sa délivrance au sous-acquéreur ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a relevé que le cahier des charges prévoyait " qu'en cas d'arrêt de la ligne, la machine pourra exécuter des entretoises déconnectées du restant de la machine d'assemblage... évacuées dans un bac par une goulotte " ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a établi que cette machine se retrouvait en nature et a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Saunier-Duval fait grief enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, rejeter l'exception d'inexécution en raison de la postériorité de sa cause au jugement de redressement judiciaire et relever que la société Saunier-Duval ne justifiait pas avoir déclaré sa créance au passif de la SMMS, ce qui impliquait nécessairement son antériorité audit jugement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors d'autre part, que sont opposables au vendeur initial exerçant l'action en revendication du prix des marchandises impayées, les exceptions que le sous-acquéreur est en droit d'opposer à son propre vendeur en raison des malfaçons affectant le matériel vendu ; qu'en décidant que la société Saunier-Duval n'était pas en droit d'opposer au fournisseur initial l'exception d'inexécution fondée sur les malfaçons dont était atteinte la ligne d'assemblage acquise de la société SMMS, la cour d'appel a violé l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a, sans se contredire, décidé, dès lors que l'ouverture de cette procédure emportait subrogation de la créance du prix à la chose, que le vendeur était fondé à revendiquer, entre les mains du sous-acquéreur, la partie du prix encore impayée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.