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Décisions

Cass. com., 3 octobre 2006, n° 05-15.150

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M.Tricot

Versailles, 13e ch., du 17 mars 2005

17 mars 2005

Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif déféré, que sa gérante, Mme X..., ayant déclaré la cessation des paiements le 3 avril 2002, la société Maisons et confort d'autrefois (MCA) a été mise en liquidation judiciaire le 10 avril 2002, la date de cessation des paiements étant reportée au 30 septembre 2001 ; que, sur la requête du liquidateur, M. Y... de Z..., le tribunal a condamné in solidum, respectivement en qualité de gérant de fait et gérante de droit, M. X... et Mme X... à supporter l'insuffisance d'actif à concurrence de 200 000 euros, a prononcé à l'encontre de M. X... une faillite personnelle d'une durée de dix ans et à l'encontre de Mme X... une interdiction de gérer pour une durée de cinq ans ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, ce dernier pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième branches, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé sa faillite personnelle pour une durée de dix ans, tandis que Mme X... lui reproche d'avoir prononcé à son encontre une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale pour une durée de cinq ans, alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel n'était pas liée par la date de cessation des paiements qui avait été antérieurement retenue par le tribunal dans son jugement de liquidation judiciaire ; qu'en se déterminant, sur ce point, en considération de ce jugement, elle a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, violant ainsi les articles L. 625-5 5 du code de commerce et 12 du nouveau code de procédure civile ;

2 / qu'en se bornant à faire état de l'existence de cotisations sociales impayées, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'impossibilité pour la société débitrice de faire face au passif exigible avec son actif disponible à la date qu'elle retenait comme étant celle de la cessation des paiements, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 et du code de commerce, ensemble l'article L. 625-5 5 du même code ;

3 / que le prononcé de la faillite personnelle d'un dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale ne peut intervenir que s'il a commis l'un des actes mentionnés à l'article L. 624-5 du code de commerce ; qu'il en va nécessairement de même du prononcé, à la place de la faillite personnelle de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ; qu'en estimant que "suivant les dispositions des articles L. 625-4 du code de commerce, la faillite personnelle de l'ancien dirigeant peut être prononcée lorsque sont notamment établis des faits de tenue irrégulière de comptabilité au sens de l'article L. 625-3 2 ", la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 du code de commerce et L. 625-8 du code commerce ;

4 / que le prononcé de la faillite personnelle d'un dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale ne peut intervenir que s'il a commis l'un des actes mentionnés à l'article L. 624-5 du code de commerce ; qu'il en va nécessairement de même du prononcé, à la place de la faillite personnelle de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci; qu'en estimant que "suivant les dispositions des articles L. 625-4 du code de commerce, la faillite personnelle de l'ancien dirigeant peut être prononcée lorsque sont notamment établis des faits de détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif social au sens de l'article L. 625-3 3 ", la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 et L. 625-8 du code de commerce ;

5 / que seuls des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ou de l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, "l'existence d'une lettre de change de 59 354,22 euros tirée sur la société Kaufman & Broad le 22 mai 2002, soit postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, dont la société MCA a la qualité de tireur, mais qui a été encaissée par une autre société ayant le même sigle, mais dont la dénomination exacte est la société Méthode de construction appliquée, nouvellement créée par M. Gian Carlo X... avec son fils", la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 et L. 625-8 du code de commerce ;

6 / qu'en relevant également que "M. Gian Carlo X... avait reconnu lors d'une enquête de police que le loyer de son pavillon au Plessis-Robinson avait été réglé le 15 mars 2002 par la société MCA, pour une somme de 2 186,74 euros", cependant que le procès-verbal d'audition du 15 décembre 2003 auquel l'arrêt se réfère précise, de façon extrêmement claire, s'agissant de ce paiement, que M. X... reconnaissait que "la société MCA 2 a payé le loyer du pavillon du Plessis-Robinson", ce dont il s'évinçait que le paiement avait été effectué par la société Méthode de construction appliquée, qui avait succédé à la société Maison et confort d'autrefois, et non par celle-ci, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal, violant ainsi l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, en dépit de la référence erronée à l'article L. 625-3 2 du code de commerce critiquée par les troisième et quatrième branches, a retenu, par motifs propres et adoptés, que la différence entre le passif mentionné dans la déclaration de cessation des paiements à concurrence de 432 698,44 euros et celui établi par le liquidateur pour 826 171,77 euros témoigne, pour l'exercice 2001, d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ; que ce fait, visé par l'article L. 624-5 7 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause, permet, par application combinée avec les articles L. 625-4 et L. 625-8 du même code, de prononcer à l'encontre d'un dirigeant social la faillite personnelle ou une interdiction de gérer, de sorte que la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants, critiqués par le moyen qui ne peut, en conséquence, être accueilli ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué, pris en sa cinquième branche :

Attendu que Mme X... fait encore reproche à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans, alors, selon le moyen, qu'en prononçant une telle mesure d'interdiction à son égard sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 625-8, L. 625-4 et L. 625-3 3 du code de commerce, sans relever l'existence de faits de détournement ou de dissimulation de tout ou partie de l'actif ou d'augmentation frauduleuse du passif pouvant lui être imputés, les détournements d'actifs retenus par l'arrêt n'étant imputables, aux termes de celui-ci, qu'à M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 625-8, L. 625-4 et L. 625-3 3 du code de commerce ;

Mais attendu que le prononcé à l'encontre de Mme X... d'une interdiction de gérer se trouve justifié par les seuls motifs relatifs à l'existence d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ; qu'un tel grief est imputable tant au gérant de fait que de droit de sorte que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à supporter les dettes de la société MCA, dont elle avait été dirigeante de droit, in solidum avec M. X... à concurrence de 50 000 euros, alors, selon le moyen, que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation n'est pas limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation au cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'il y a dépendance nécessaire entre deux dispositions du même arrêt dans le cas où l'un des motifs de la décision, dont le caractère erroné a entraîné la cassation d'une disposition dont il était le support, constitue également le soutien indispensable d'une autre disposition de l'arrêt ; que s'agissant des fautes de gestion, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation aura donc pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt ici attaqué ;

Mais attendu que le premier moyen du pourvoi provoqué étant rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est inopérant ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : 

Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. X... à supporter les dettes sociales à concurrence de 200 000 euros in solidum avec Mme X... dans la limite de 50 000 euros, pour cette dernière et caractériser le montant de l'insuffisance d'actif, l'arrêt se borne à retenir qu'en l'état actuel des opérations de liquidation, seule une somme totale de 125 000 euros a été effectivement rejetée par rapport à l'ensemble des déclarations de créances qui s'élevaient à 825 217,56 euros et que l'insuffisance d'actif ressort donc, en chiffres arrondis, à 825 000 euros moins 125 000 euros de créances rejetées moins 490,97 euros d'actif réalisé égalent 699 500 euros ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir que le passif dont le liquidateur se prévalait comprenait des déclarations effectuées à titre provisionnel et que la vérification du passif n'était pas achevée, de sorte que le montant du passif admis et vérifié n'était pas connu et, qu'en conséquence, le montant de l'insuffisance d'actif était indéterminé, au jour où elle statuait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi provoqué ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Y... de Z..., ès qualités, la somme de 200 000 euros au titre du comblement de l'insuffisance d'actif, l'arrêt rendu le 17 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.