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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 16 avril 2021, n° 17/07426

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chevrolet Deutschland (GmbH)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

M. Pothier, Mme Barthe-Nari

Avocat :

Selarl CVS

TGI Lorient, du 23 juin 2015

23 juin 2015

Le 19 décembre 2009 M. Gilles R. a vendu à M. Carlos O. un véhicule d'occasion de marque Chevrolet Captiva présentant un kilométrage de 45 000 km.

Le véhicule est tombé en panne le 6 mai 2014.

Une expertise amiable imputant la panne à un défaut d'injection, M. O. assignait par acte des 16 et 19 mai 2015 M. R. et la société Chevrolet devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lorient qui par ordonnance du 23 Juin 2015, ordonnait une mesure d'expertise et désignait à cet effet M. Yves T..

L'expert judiciaire déposait son rapport le 21 Janvier 2016 et concluait au caractère défectueux des injecteurs des cylindres 3 et 4.

Par actes d'huissier des 8 et 12 avril 2016, M. O. a fait assigner M. R. et la société Chevrolet France aux fins d'obtenir au visa des articles 1641 et suivants du code civil la réparation de ses préjudices.

Par jugement en date du 6 septembre 2017, le Tribunal de grande instance de Lorient a mis hors de cause M. R. et condamné la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France à verser à M. O. la somme de 12 292,30 euros à titre de dommages et intérêts outre 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Chevrolet Deutschland a interjeté appel de ce jugement le 24 octobre 2017.

Par dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2018, elle demande de :

- Dire et juger que le véhicule ayant été mis en circulation en novembre 2007, toute action en réclamation contre la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France est prescrite depuis le 19 juin 2013 ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 6 septembre 2017 en ce qu'il a jugé que l'action intentée par M. O. à l'encontre de la société Chevrolet Deutschland n'était pas prescrite ;

- Débouter M. O. et M. R. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France ;

- Condamner M. O. à restituer à la société Chevrolet Deutschland la totalité des fonds perçus, soit la somme de 16 292,30 euros, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

A titre subsidiaire,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

- Dire et juger que la preuve de l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, antérieur à la vente du véhicule par la société Chevrolet France, n'est pas rapportée ;

- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 6 septembre en ce qu'il a jugé que la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil imputable à la société Chevrolet Deutschland était rapportée ;

- Débouter M. O. de l'intégralité de ses demandes au titre de la garantie légale des vices cachés ;

- Débouter M. R. de l'intégralité de ses demandes contre la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France ;

- Condamner M. O. à restituer à la société Chevrolet Deutschland la totalité des fonds perçus, soit la somme de 16 292,30 euros, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

A titre très subsidiaire,

- Dire et juger que les demandes d'indemnisation ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 6 septembre 2017 en ce qu'il a condamné la société Chevrolet Deutschland à payer à M. O. la somme de 12 292,30 euros à titre de dommages et intérêts outre 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 6 septembre 2017 en ce qu'il a débouté M. O. de ses demandes au titre du coût du turbo neuf, du remplacement du filtre à particules, de la décote du véhicule et des frais d'assurance ;

- Débouter M. O. de l'intégralité de ses demandes contre la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France ;

- Débouter M. R. de l'intégralité de ses demandes contre la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France ;

- Condamner M. O. à restituer à la société Chevrolet Deutschland la totalité des fonds perçus, soit la somme de 16 292,30 euros, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause,

- Condamner M. O. à payer à la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- Condamner M. O. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce notamment compris les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions signifiées le 19 avril 2018, M. O. demande de :

- Voir confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a déclaré non prescrite la procédure intentée par M. O. à l'égard de la société Chevrolet Deutschland ;

- Par contre, en cause d'appel, réformer la décision dont appel en ce qu'elle a mis hors de cause M. R. et dire que ce dernier devra être condamné in solidum avec la société Chevrolet Deutschland en application des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil à garantir M. O. des désordres en raison des vices cachés décrits dans le rapport de M. T. ;

En conséquence,

- Condamner in solidum la S.A.R.L. Chevrolet Deutschland et M. R. au titre des travaux de remise en état à la somme globale de 17 562,13 euros au profit de M. O. et ce avec intérêts de droit à compter de l'assignation délivrée le 8 avril 2016 ;

- Au titre de ses préjudices complémentaires, la somme de 5 311,76 euros TTC et ce avec intérêts de droit à compter de l'assignation en date du 8 avril 2016 ;

- Débouter la S.A.R.L. Chevrolet Deutschland de toutes ses demandes contraires et reconventionnelles tant en principal qu'accessoires, ainsi que M. R. de ses demandes contraires ;

- Débouter la S.A.R.L. Chevrolet Deutschland de ses demandes d'article 700 et dépens formées en cause d'appel ;

- Débouter M. Gilles R. de sa demande reconventionnelle et incidente en cause d'appel de condamnation de M. Carlos O. à lui verser 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Débouter également M. R. de sa demande de condamnation de M. O. au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de la condamnation aux entiers dépens.

A titre reconventionnel,

- Faire droit à la demande de M. O. et condamner in solidum la S.A.R.L. Chevrolet Deutschland et M. R. à une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel et dépens de première instance dans lesquels seront compris les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions signifiées le 10 novembre 2020, M. R. demande de :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Prononcé la mise hors de cause de M. Gilles R. ;

- Débouté M. Carlos O. de toutes ses demandes, fins et conclusions, formulée à l'encontre de M. Gilles R. ;

- Condamné la SAS Chevrolet France à garantir M. Gilles R. de toutes sommes susceptibles d'être mises à sa charge, en principal, intérêts, frais et dépens ;

- Limité à la somme de 12 292,30 euros le montant du préjudice subi par M. O. ;

- Infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau :

- Condamner M. O. à verser à M. R. la somme de 5 000 euros à titre de préjudice pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- Débouter M. Carlos O. et la SAS Chevrolet Deutschland de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. Gilles R. en principal, intérêts, frais et dépens,

- Condamner solidairement et in solidum M. Carlos O. et la SAS Chevrolet France, où l'un à défaut de l'autre, à payer à M. Gilles R. la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription de l'action exercée contre la société Chevrolet :

Il est constant que M. O. a exercé son action indemnitaire sur le fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil.

La société Chevrolet Deutschland, venant aux droits de la société Chevrolet France, fait valoir à l'appui de son moyen de prescription que le véhicule a été importé et mis en circulation le 6 novembre 2007 et que l'action a été engagée de manière tardive.

M. R. et M. O. demandent confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que le point de départ du délai pour agir était la date de révélation du vice par l'expertise amiable du 7 novembre 2014 et que ce délai avait été interrompu par l'assignation devant le juge des référés, la connaissance précise du vice résultant du dépôt du rapport le 21 janvier 2016.

Mais la garantie des vices cachés doit être mise en œuvre dans le délai de la prescription extinctive de droit commun qui à l'égard de l'importateur a couru, en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, à compter de la vente initiale intervenue 6 novembre 2007. Le délai de 10 ans initialement prévu par ces dispositions ayant été réduits à 5 ans par l'effet de la loi du 17 juin 2008, c'est à bon droit que la société Chevrolet fait valoir que la prescription extinctive de l'article L. 110-4 du code [de commerce] était acquise depuis le 19 juin 2013 de sorte que l'action engagée postérieurement à son encontre est prescrite. (1re Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-14.720).

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable à l'encontre de la société Chevrolet Deutschland venant aux droits de la société Chevrolet France.

L'obligation à restitution de M. O. des sommes versées en exécution du jugement dont appel assorti de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation du jugement sans qu'il y ait lieu de l'ordonner spécialement.

Sur les demandes formées par M. O. à l'encontre de M. R. :

Au terme de son appel incident, M. O. sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause M. R..

Il soutient que la responsabilité de M. R. pour vice caché en application de l'article 1641 et suivants du code civil peut être retenue en ce qu'il résulte très clairement des rapports de M. T. que l'origine de la panne en cause est bien antérieure à la vente R. / O. et que de ce fait, en application des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, M. R. doit garantir M. O. de tous les préjudices liés à ces vices cachés préexistants à la vente.

Mais il convient de constater que l'action engagée par M. O. sur le fondement des articles 1641 et suivants code civil est une action exclusivement indemnitaire.

S'il est constant que sur le fondement de la garantie des vices cachés l'acquéreur dispose, en sus de l'action rédhibitoire et de l'action estimatoire, d'une action autonome en réparation de ses préjudices, il lui appartient dans ce cas en application des dispositions de l'article 1645 du code civil d'établir non seulement que le vice préexistait à la vente mais également que le vendeur connaissait les vices de la chose.

M. R., vendeur particulier, ne saurait à la différence de la société Chevrolet, être considéré comme un professionnel de l'automobile présumé avoir connaissance des vices affectant le véhicule.

Le rapport d'expertise judiciaire dressé par M. T. a constaté que le moteur ne présente aucun signe de fatigue, d'usure prématurée provenant d'un mauvais traitement, d'un manque de lubrification ou d'une surchauffe ; que les dommages causés au moteur sont la conséquence d'une montée en température due à un emballement du moteur causé par l'agrandissement des orifices des injecteurs de cylindres 3 et 4.

Il a également constaté que le véhicule a toujours été entretenu dans le réseau constructeur et l'expert n'a pas noté de défaut d'entretien pouvant être à l'origine de la défaillance.

Aucune faute de négligence de l'entretien de l'injection du carburant ne pouvant être retenue, et en l'absence de signes de « maltraitance » mécanique, l'expert a conclu que la dégradation des injecteurs n'était pas imputable à M. R..

Il sera en outre observé que la défaillance des injecteurs à l'origine de la détérioration du moteur est intervenue au mois de mai 2014 soit plus de quatre années après la vente du véhicule par M. R. à M. O..

Si l'expertise judiciaire impute la panne à une mauvaise qualité des injecteurs équipant le véhicule dès l'origine, il ne ressort d'aucun élément que M. R. avait connaissance de ce vice affectant le véhicule au moment de la vente à M. O..

Ce dernier ne saurait en conséquence obtenir la condamnation de M. R. au paiement de dommages-intérêts et il sera débouté de ses demandes.

Le fait que le rapport d'expertise judiciaire impute la défaillance du véhicule à un défaut de construction est insuffisant à établir le caractère abusif de l'action en garantie engagée par M. O. à l'encontre de son vendeur et M. R. sera débouté de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

M. O. qui succombe sera condamné à payer à M. R. une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Chevrolet Deutschland.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 6 septembre 2017 ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. Carlos O. prescrit en ses demandes formées contre la société Chevrolet Deutschland ;

Déboute M. Carlos O. de ses demandes à l'encontre de M. Gilles R. ;

Condamne M. Carlos O. à payer à M. Gilles R. la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Chevrolet Deutschland ;

Condamne M. Carlos O. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes.