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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. instance, 20 avril 2021, n° 20/01375

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pety

Conseillers :

Mme Lefevre, Mme Magnard

TJ Troyes, du 13 juill. 2020

13 juillet 2020

Le 27 mai 2017, M. Francis P. a acquis auprès de M. Mickaël E. un véhicule d'occasion de marque Mitsubishi modèle Pajero immatriculé AJ-505-XY, au prix de 4 900 euros.

A la suite d'un contrôle technique effectué le 6 décembre 2018, ayant relevé diverses défaillances du véhicule, M. P. fait diligenter une expertise amiable par son assureur, confiée au cabinet Ciszewicz.

M. P. a ensuite fait assigner M. E. devant le tribunal d'instance de Troyes par acte du 16 septembre 2019, en résolution judiciaire du contrat, condamnation de M. E. à lui restituer la somme de 4 900 euros, contre restitution du véhicule, outre demande indemnitaire.

M. E. a reconventionnellement conclu au débouté, et à titre subsidiaire, à la commission d'un expert.

Par jugement en date du 13 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Troyes a débouté M. P. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné, outre aux dépens, à payer à M. E. la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles.

M. P. a régulièrement interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 14 octobre 2020, recours portant sur l'entier dispositif du jugement.

Aux termes de ses conclusions du 20 novembre 2020, M. P. demande à la cour :

- de le dire recevable et bien fondé en son appel,

- d'infirmer en sa totalité le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes le 13 juillet 2020,

En conséquence et statuant de nouveau,

- dire qu'au moment de la vente intervenue le 27 mai 2017 entre M. P. et M. E., le véhicule de marque Mitsubishi immatriculé AJ-505-XY était atteint de vices cachés conformément à l'article 1641 du code civil,

En conséquence,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente intervenu le 27 mai 2017,

- condamner M. E. à lui payer la somme de 4 900 euros en restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2017 et jusqu'à parfait paiement,

- lui donner acte de ce qu'il restituera le véhicule aux frais de M. E. dès paiement des sommes correspondant au prix de vente,

- dire M. E. responsable des préjudices par lui subis du fait des dysfonctionnements et de la dangerosité du véhicule,

En conséquence,

- le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- la condamner au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Suivant écritures du 25 janvier 2021, M. E. poursuit la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant, outre aux dépens, à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2021.

Sur ce, la cour,

I- Sur l'action au titre des vices cachés

Par application des articles 1641 et 1644 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus et l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L'article 1646 ajoute que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il est constant, en application de ces textes que l'appréciation de la gravité du défaut s'effectue en relation avec la destination attendue selon les caractéristiques du produit, de sorte que, s'agissant de la vente de véhicules d'occasion, il doit être tenu compte de l'ancienneté du véhicule vendu et de son kilométrage. En outre, une survenance rapide du vice après l'acquisition du véhicule est souvent le signe d'une pré-existence du vice à la vente.

Il sera ici rappelé, à titre préalable, que, lors de la vente, le véhicule affichait 225 138 kilomètres.

Sa première mise en circulation datait de 1992, de sorte que le véhicule (voiture break cinq places) avait 25 ans.

Un contrôle technique avait été réalisé la veille de la vente (26 mai 2017), mentionnant des défauts mineurs sans obligation de contre-visite, en ce compris un défaut d'étanchéité du moteur (pièce n°1).

M. P., acquéreur du véhicule, indique avoir constaté des dysfonctionnements « très rapidement après l'acquisition du véhicule » en date du 27 mai 2017.

Pour autant, il se prévaut d'éléments largement postérieurs à la vente, essentiellement du contrôle technique en date du 6 décembre 2018, effectué par conséquent 18 mois plus tard, alors que le véhicule affichait un kilométrage de 238 102 km, soit 12 964 km de plus que lors de la vente.

Il ne produit en effet aucune pièce significative concernant des dysfonctionnements à une période plus proche de l'achat. La seule facture de la SARL Garage d'Auxon, en date du 16 juillet 2018 (14 mois après la vente), mentionne des interventions mineures (vidange, purge, etc.), sans lien avec les désordres aujourd'hui allégués (pièce n°3).

Le contrôle technique du 6 décembre 2018 mentionne cinq "défaillances majeures" (pièce n°2) :

- Etat du boîtier de la crémaillère de direction : manque d'étanchéité, formation de goutelettes,

- Roulement de roues : jeu ou bruit excessif,

- Ressorts et stabilisateurs : un élement de ressort ou de stabilisateur est endommagé ou fendu,

- Fixation de la cabine et de la carosserie : fixation mauvaise ou manquante de la carrosserie sur le châssis ou sur les traverses,

- Pertes de liquides : fuite excessive de liquide autre que de l'eau susceptible de porter atteinte à l'environnement ou constituant un risque pour la sécurité des autres usagers de la route.

M. P. a ensuite fait diligenter une expertise amiable, réalisée le 3 avril 2019, qui met en avant deux points :

- d'une part, un défaut d'étanchéité de l'ensemble moteur boîte de vitesses en soulignant toutefois que ces désordres ne sont pas inhabituels et n'ont rien d'exceptionnel sur ce type de véhicule, surtout à ce kilométrage, et que ces désordres étaient déjà présents lors de la transaction puisqu'ils avaient d'ailleurs été relevés lors du contrôle technique du 26 mai 2017 réalisé avant la vente. M. P. ne fait d'ailleurs pas valoir ce point à l'appui de sa demande de résolution de la vente,

- d'autre part, une corrosion perforante des planchers, en indiquant que ces anomalies ne sont pas mentionnées sur le procès-verbal de contrôle technique remis lors de la transaction et que, « compte tenu de nos constatations, il apparaît que le processus de dégradation des planchers était déjà entamé lors de la vente du véhicule. L'usage du véhicule depuis l'achat n'a fait qu'augmenter les fissures déjà présentes ». Il est encore précisé que « ces désordres sont la conséquence des conditions d'utilisation liées à l'usage du véhicule depuis sa mise en circulation. Un défaut d'entretien et de nettoyage régulier du soubassement a provoqué une agglomération des boues entre le châssis et la caisse et a généré une corrosion accélérée des éléments ».

C'est sur ce point que l'appelant s'appuie pour solliciter la résolution de la vente, considérant que la source de cette corrosion est bien antérieure à la vente, qu'il n'a pu alors s'en rendre compte alors que de son côté M. E. est un professionnel de l'automobile, et que ce vice est particulièrement grave puisqu'il rend impossible l'utilisation du véhicule en raison de son caractère dangereux.

Pour autant, l'expert est assurément très modéré dans ses conclusions puisque, s'il mentionne un processus de dégradation certes déjà entamé avant la vente, il insiste surtout sur les conditions d'utilisation du véhicule depuis sa mise en circulation qui date de 1992.

En tout état de cause, en juillet 2018, 14 mois après la vente, date à laquelle le véhicule a été vu par le garage d'Auxon, cette corrosion dangereuse n'a nullement été signalée (pièce n°3). De même, le contrôle technique du 26 mai préalable à la vente ne mentionne pas non plus cette corrosion, pas plus que celui du 4 février 2016 produit par M. E..

En outre, la dangerosité du véhicule dont se prévaut l'appelant mérite d'être relativisée dans la mesure où, après le contrôle technique du 6 décembre 2018, M. P. a encore parcouru 2 882 km avant l'expertise amiable.

Par conséquent, s'agissant d'un véhicule d'occasion, les défauts constatés 18 mois après l'achat ne revêtent pas d'anormalité au regard tant de l'ancienneté que du kilométrage, deux éléments majeurs et à l'aune desquels la demande doit s'apprécier, et dont l'acquéreur avait forcément connaissance.

C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a estimé qu'en l'absence de preuve suffisante de l'antériorité des défauts et du caractère rédhibitoire de ceux-ci, il y avait lieu de rejeter la demande de M. P. fondée sur la garantie des vices cachés et toute demande indemnitaire subséquente.

Le jugement est confirmé.

II- Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. P. succombe en son recours. Il est tenu aux dépens d'appel et le jugement est confirmé en ce que les dépens de première instance ont été mis à sa charge.

La décision est encore confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles, et l'équité commande que l'appelant soit tenu à ce titre à une somme complémentaire de 500 euros au titre des frais que M. E. a dû engager en cause d'appel.

Par ces motifs,

Confirme le jugement rendu le 13 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Troyes en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. Francis P. de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. Francis P. à payer à M. Mickaël E. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Francis P. aux dépens d'appel et accorde à la SCP inter barreaux H. avocats associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.