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Décisions

Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-12.825

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Ortscheidt

Versailles, du 15 janv. 2019

15 janvier 2019

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-12.825 et T 19-17.066 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 janvier 2019), la société ACE et trois de ses filiales, les sociétés Airwell France, Airwell industrie France et Wesper industrie France ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires les 1er avril et 15 juillet 2014, la société ML Conseils étant désignée liquidateur dans chacune des procédures.

3. Le liquidateur a assigné M. F..., dirigeant des sociétés, et la société Aig Europe limited aux droits de laquelle vient la société Aig Europe (la société Aig Europ), auprès de laquelle la société ACE avait souscrit au profit de son dirigeant une assurance - responsabilité, en condamnation solidaire au paiement de l'insuffisance d'actif des sociétés sur le fondement des articles L. 651-2 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° G 19-12.825 et sur les trois moyens du pourvoi n° T 19-17.066 , ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen du pourvoi n° G 19-12.825

Enoncé du moyen

5. La société Aig fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action directe exercée contre elle par le liquidateur, alors :

« 1°/ que le liquidateur, qui agit contre un dirigeant dans le cadre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif, exerce une action attitrée dont l'objet est le prononcé d'une sanction patrimoniale du dirigeant de droit ou de fait, et ne peut, dans le cadre de cette action, exercer contre l'assureur du dirigeant l'action directe, laquelle tend à poursuivre l'exécution de l'obligation de l'assureur en application du contrat d'assurance ; qu'en retenant néanmoins que la société ML Conseils était recevable à exercer, ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, l'action directe de l'article L. 124-3 du code des assurances à l'encontre de la société Aig Europe, motif pris que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l'existence du contrat d'assurance souscrit et la responsabilité de l'assuré, et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au liquidateur d'agir dans le cadre d'une action distincte de celle exercée contre le dirigeant, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances ;

2°/ que les sommes versées par le dirigeant condamné au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif entrent dans le patrimoine du débiteur ; que le liquidateur, qui agit à la fois dans l'intérêt collectif des créanciers et en tant que représentant du débiteur, pour les droits et actions concernant son patrimoine, ne peut exercer l'action directe en qualité de représentant de ce dernier, lorsqu'il est à la fois le souscripteur du contrat d'assurance de responsabilité des dirigeants et tiers lésé ; qu'en considérant que la société ML Conseils, prise en la personne de M. G..., ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, avait agi dans le cadre de l'action directe formée par le tiers lésé, sans prendre en compte la circonstance qu'elle intervenait également dans l'intérêt patrimonial de la société ACE SAS, souscripteur du contrat d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. N'ayant pas à relever d'office l'incompétence du tribunal saisi de la procédure de liquidation judiciaire pour connaître de l'action directe exercée contre l'assureur, par application des dispositions de l'article R. 662-3 du code de commerce, c'est à bon droit qu'après avoir énoncé que l'article L. 124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, et relevé que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l'existence du contrat d'assurance souscrit et la responsabilité de l'assuré, l'arrêt retient que, la garantie des conséquences de la responsabilité pour insuffisance d'actif des dirigeants n'étant pas exclue par le contrat, les conditions sont réunies pour que l'action directe exercée par le liquidateur contre l'assureur soit recevable sans qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdise au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l'assureur.

7. Ayant exactement retenu que le liquidateur des sociétés avait agi en qualité d'organe de chacune des procédures et en représentation de l'intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte, la cour d'appel n'avait pas à prendre en considération la personnalité de la société ACE, souscripteur du contrat d'assurance pour examiner la recevabilité de l'action du liquidateur.

8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.