Cass. com., 12 juin 2019, n° 16-25.025
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Richard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Q..., dirigeant du groupe Pronobo, a été le dirigeant de la société Résidéa de mars 2006 à octobre 2010 ; qu'à la fin de l'année 2010, il a cédé les actions détenues par la société Pronobo dans le capital de la société Résidéa à M. B... qui en est devenu le dirigeant le 22 octobre 2010 ; que M. B... a déclaré la cessation des paiements de la société Résidéa le 1er juin 2011 ; qu'un jugement du 14 juin 2011 a mis la société Résidéa en liquidation judiciaire, fixé la date de la cessation des paiements au 30 avril 2010, et désigné la société EMJ liquidateur ; que le 2 juin 2014, le liquidateur a assigné M. Q... en responsabilité pour insuffisance d'actif, tandis que le procureur de la République l'a assigné le 24 juin 2015 pour voir prononcer contre lui une sanction personnelle ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 225-216 et L. 651-2 du code de commerce ;
Attendu que pour condamner M. Q... à payer une partie de l'insuffisance d'actif de la société Résidéa, l'arrêt retient que le prix de cession à un tiers de l'immeuble dont était propriétaire la société Holihome, filiale de la société Résidéa, a été perçu par cette dernière et que l'opération ainsi menée contrevient aux dispositions de l'article L. 225-216 du code de commerce, lequel prévoit qu'une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'opération litigieuse ne constituait pas une avance de fonds faite par la société Résidéa, ni un prêt par elle accordé en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions, de sorte qu'elle ne pouvait, à ce titre, constituer une faute de gestion commise par M. Q..., en qualité de dirigeant de la société Résidéa, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce ;
Attendu que pour prononcer la faillite personnelle de M. Q... pour une durée de douze ans, l'arrêt retient, entre autres faits, le défaut de déclaration par ce dirigeant de la cessation des paiements de la société Résidéa dans le délai de quarante-cinq jours ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le dirigeant qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ne peut être condamné qu'à une mesure d'interdiction de gérer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la faillite personnelle ayant été prononcée en considération de plusieurs faits, la cassation encourue à raison de l'un d'eux entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des instances numéros 15/14684 et 15/14697, dit recevable et fondée l'intervention volontaire de la société EMJ dans l'instance n° 15/14684 et, confirmant le jugement RG n° 2014034224, dit recevables les demandes de la société EMJ et rejette les demandes de la société EMJ contre M. B..., l'arrêt rendu le 20 septembre 2016 (RG n° 15/14684), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.