Cass. com., 3 avril 2019, n° 17-28.359
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Brahic-Lambrey
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Foussard et Froger
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2017), que la société par actions simplifiée RBMH Holding (la société), dont M. P... était le président, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 29 avril 2013, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 7 novembre 2012 ; que M. M..., désigné en qualité de liquidateur a demandé le report de la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, puis, après dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire portant sur la gestion et la comptabilité de la société, au 30 avril 2012 ;
Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de reporter au 11 juin 2012 la date de cessation des paiements de la société alors, selon le moyen :
1°) que le juge, qui ne peut se saisir d'office du report de la date de cessation des paiements, ne peut s'arroger le droit de fixer une autre date que celle invoquée par les personnes habilitées à exercer l'action en report ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant qu'elle avait exclusivement été saisie d'une demande de M. M..., ès qualités de liquidateur, tendant à voir reporter la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, comme préconisée par l'expert, la cour d'appel, qui ne pouvait d'office reporter la date de cessation à une autre date que celle invoquée par le liquidateur, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;
2°) que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 13 avril 2017, M. M..., ès qualités, sollicitait uniquement le report de la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, la cour d'appel a statué sur une demande qui n'était pas formulée par les parties, en méconnaissance des termes du litige et en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) que pour établir que la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, le juge doit préciser quel était l'actif disponible ou le passif exigible à la date à laquelle il fixe la cessation des paiements ; qu'en se contenant de relever, pour reporter la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, que les remontées de dividendes faisaient défaut "à partir de l'exercice 2012", sans en préciser la date, et que le passif au 1er janvier 2012, constitué de découverts bancaires, n'avait pas été compensé par "un actif disponible concomitant", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société, en l'absence de toute précision sur l'actif disponible à cette date, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
4°) qu'en se contentant de relever que l'expert conclut que l'examen des comptes annuels faisait ressortir un niveau de résultat d'exploitation structurellement négatif devant être compensé par les remontées de dividendes des filiales, qui ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et comme cela ressortait des conclusions de l'expert, qu'en dépit d'impayés, la société avait encaissé d'importantes sommes de la part de ses filiales, pour un montant total de 811 000 euros, ce qui lui avait permis de procéder au paiement d'un nombre significatif de charges pour un montant total de 661 000 euros, les recettes avaient été supérieures de 150 000 euros aux dépenses, ce dont il s'inférait que la société bénéficiait de réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, saisie de demandes tendant l'une au maintien de la date de cessation des paiements de la société au 7 novembre 2012, fixée provisoirement par le jugement l'ayant mise en liquidation judiciaire, et l'autre au report de cette date au 30 avril 2012, a, sans excéder ses pouvoirs, ni méconnu l'objet du litige, fixé cette date au 11 juin 2012 ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société bénéficiait de recettes propres correspondant à des facturations de prestations de services à ses filiales, lesquelles ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, ces sociétés étant presque toutes en procédure collective ; qu'analysant le rapport d'expertise il retient que les investigations menées sur la période postérieure au 1er janvier 2012 n'ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant aux non-paiements constatés ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de fixer la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, au regard de l'absence d'actif disponible qu'elle caractérisait à la date retenue et du passif exigible non contesté, à cette même date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.