Cass. com., 16 octobre 2019, n° 17-87.196
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société BC Groupe,
- M. J... M...,
- M. U... M...,
- Mme Y... M...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 6 octobre 2017 qui a condamné, pour banqueroute, la première à 50 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de placement sous surveillance judiciaire, et pour recel, le deuxième à dix mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction de gérer une entreprise commerciale, le troisième à dix mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer une entreprise commerciale et la quatrième à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en février 2003, M. U... M... a constitué la société Bati central, ayant pour activité la commercialisation en gros ou en détail de matériel de construction et de rénovation, et dont le siège était situé à Kingersheim ; que M. J... M... a exercé les fonctions de gérant de cette société jusqu'à son interdiction de diriger une société, en 2006 ; que les fonctions de gérant de l'entreprise ont, à compter de cette date, été confiées à M. U... M... ; que par jugement du 14 mars 2012, le tribunal de grande instance de Mulhouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Bati central, désigné Maître X... en qualité d'administrateur pour le période d'observation, et désigné Maître O... en qualité de mandataire judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er février 2012 ; que parallèlement, en mars 2011, a été constituée la société BC Groupe, ayant une activité similaire à celle de la société Bati central, M. J... M... et sa fille, Mme Y... M..., détenant des parts du capital de cette société ; que le 1er juillet 2012, Mme Y... M... est devenue gérante de cette société ; que le 1er juillet 2014, à l'issue de la période d'interdiction de gérer une société, M. J... M... lui a succédé ; que le mandataire liquidateur de la société Bati central, Maître O..., dans un rapport du 10 avril 2013 adressé au juge commissaire, dont copie était adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse le 6 septembre 2013, dans un autre rapport adressé le 14 mai 2013 au procureur de la République, puis dans son audition le 2 juillet 2013 par les enquêteurs, a indiqué qu'il existait un faisceau d'indices concordants révélant un détournement des actifs de la société Bati central ayant consisté à transférer le fonds de commerce, l'activité mulhousienne, le stock, le compte clients, de d'argent au profit de la société BC Groupe ; qu'à la suite d'une enquête préliminaire, M. U... M... a été poursuivi du chef de banqueroute, M. J... M... a été poursuivi du chef de recel de banqueroute par détournement d'actif, tandis que la société BC Groupe, présentée par M. J... M... a été poursuivie du même chef de prévention, tout comme Mme Y... M... ; que les juges du premier degré les en ont relaxés ; que le ministère public et la partie civile, Maître O..., ont relevé appel de ce jugement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 406, 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société BC Groupe, M. J... M..., Mme Y... M... et M. U... M... coupables des faits visés à la prévention ;
"alors qu'en application de l'article 406 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, devant la chambre des appels correctionnels, le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de cette obligation fait nécessairement grief au prévenu et entraîne la nullité de la décision entreprise ; qu'en cas de poursuites dirigées contre plusieurs prévenus, et au regard du principe selon lequel toute décision de justice doit faire preuve par elle-même de sa régularité formelle, il doit résulter des mentions de la décision la preuve que chaque prévenu a effectivement bénéficié, nominativement et à titre individuel, des garanties prévues à l'article 406 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, bien que plusieurs prévenus aient comparu à l'audience des débats en date du 6 octobre 2017, l'arrêt se borne à indiquer à cet égard que : « la cour, après avoir à son audience publique du 6 octobre 2017, informé du droit au cours des débats de faire des déclarations, de répondre aux questions qui sont posées ou de se taire, sur le rapport de M. Seguy, président de la chambre des appels correctionnels, accompli dans l'ordre légal les formalités prescrites par l'article 513 du code de procédure pénale, les prévenus interrogés, le ministère public entendu, les prévenus ayant eu la parole en dernier, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué comme suit » ; qu'en l'état de ces énonciations imprécises, qui n'indiquent ni l'identité du magistrat ayant donné l'information prévue par l'article 406 du code de procédure pénale, ni celle du ou des prévenus ayant reçu cette information et, partant, ne permettent pas de savoir si cette information a été expressément portée à la connaissance de chacun des prévenus, nominativement et séparément les uns des autres, la décision attaquée ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir à son audience publique du 6 octobre 2017, informé du droit au cours des débats de faire des déclarations, de répondre aux questions qui sont posées ou de se taire, sur le rapport de M. Seguy, président de la chambre des appels correctionnels, accompli dans l'ordre légal les formalités prescrites par l'article 513 du code de procédure pénale, les prévenus interrogés, le ministère public entendu, les prévenus ayant eu la parole en dernier, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que les mentions de l'arrêt ne permettent pas de savoir si chaque prévenu a reçu, nominativement et séparément, l'information prévue à l'article 406 du code de procédure pénale, dès lors qu'une information collective suffit, ces dispositions n'exigeant pas qu'elle soit donnée à chacun des prévenus de manière distincte et individuelle ;
Qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 21-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. U... M... coupable de banqueroute par détournement d'actif ;
"1°) alors qu'en déclarant M. U... M... coupable de banqueroute par détournement d'actif, au motif qu'il avait dissipé le stock de la société Bati central, pour l'avoir mélangé à celui de la société BC Groupe, tout en relevant que le mandataire judiciaire avait accepté amiablement la vente de ce stock à cette dernière, ce dont il résulte qu'aucune dissipation frauduleuse n'était caractérisée et que la cession du stock litigieux n'avait pas été opérée sans contrepartie, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences de ses propres constatations et violé l'article L. 654-2 du code de commerce ;
"2°) alors qu'aux termes d'un courrier du 3 juillet 2013 adressé à la société exposante et qui figure au dossier de la procédure, Maître O... a expressément pris l'initiative de proposer à la société BC Groupe de procéder à l'acquisition amiable du stock de la société Bati central, en invitant l'intéressée à lui adresser une offre décente pour cette acquisition ; que, dès lors, en estimant que cette vente n'avait été acceptée par le mandataire judiciaire que parce que celui-ci y avait été contraint et placé devant le fait accompli, pour en déduire que cette cession n'était pas de nature à exclure l'existence d'un détournement d'actif, la cour d'appel, qui dénature cet élément de preuve, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du code de procédure pénale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Mme Y... M..., M. J... M... et la société BC Groupe coupables de recel de banqueroute par détournement d'actif ;
"alors que le recel supposant la détention d'une chose ayant une origine frauduleuse, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen, contestant la déclaration de culpabilité de M. U... M... du chef de banqueroute, entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les exposants coupables de recel de cette infraction" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire établis les délits de banqueroute par détournement d'actifs et recels, l'arrêt énonce qu'au bilan comptable de la société Bati Central, pour la période clôturée le 31 décembre 2011, le stock de marchandises était porté pour une valeur de deux cent vingt-sept mille trois cent soixante-dix euros et qu'à l'issue de la période d'observation, le stock qui avait pu être inventorié était seulement de trois mille deux cent vingt euros suivant la prisée du 4 juin 2013 de l'huissier mandaté à cet effet ; que les juges ajoutent que l'élément matériel de l'infraction de détournement ou dissimulation de l'actif constitué par le stock est bien caractérisé puisqu'au cours de la période de prévention du 1er février 2012 au 20 octobre 2014, le gérant de droit de la société Bati central, M. U... M..., avait disséminé l'essentiel du stock de sa société avec celui de la société BC Groupe ; que les juges retiennent que l'élément moral de cette infraction est également constitué en ce qu'en détournant ce stock pendant la période de prévention, dont une partie est antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire, le gérant avait voulu sciemment affecter la consistance de l'actif dans des conditions de nature à placer sa société dans l'impossibilité de payer son passif exigible ; qu'ils relèvent que pendant près d'une année M. U... M... n'avait pas déclaré à l'administrateur judiciaire de sa société, l'existence et la localisation de ce stock et ne l'avait pas non plus déclaré spontanément au mandataire judiciaire et qu'il ne l'avait fait que lorsque celui-ci lui avait demandé des comptes sur l'incohérence entre la situation comptable et la situation matériellement constatée lors de l'inventaire par huissier ; que les juges concluent qu'en raison des liens familiaux étroits entre les dirigeants de droit et de fait de la société BC Groupe dans les locaux de laquelle le stock avait été dissimulé, l'acte par lequel ce dernier avait été physiquement détourné pour être confié à la société BC Groupe ne devait rien au hasard mais avait été sciemment exécuté d'un commun accord entre les prévenus et que si M. J... M... et Mme Y... M... avaient reconnu que le stock de la société Bati central était entreposé dans l'enceinte des locaux occupés par leur propre société BC Groupe, ils s'étaient opposés à ce qu'il soit procédé à l'inventaire physique de ce stock et à sa mise en vente aux enchères sur place dans le cadre de la liquidation de sorte que le mandataire judiciaire s'était donc trouvé devant le fait accompli et avait accepté amiablement la vente du stock à la société BC Groupe pour le prix de dix mille euros pour éviter une perte totale de cet actif ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société BC Groupe coupable de recel de banqueroute par détournement d'actif ;
"alors que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement et déclarer l'exposante coupable de recel de banqueroute par détournement d'actif, la cour d'appel s'est bornée à relever que la personne morale et sa gérante connaissaient l'origine frauduleuse du stock ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi les manquements relevés résultaient de l'action de l'un des organes ou représentants de la société prévenue, ni s'ils avaient été commis pour le compte de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 121-2 du code pénal" ;
Attendu que pour déclarer la société BC Groupe coupable de recel de détournement d'actif, l'arrêt énonce que les refus réitérés de présenter le stock de la société BC Groupe et de ses représentants de droit et de fait démontrent la volonté des prévenus de tout mettre en oeuvre pour accaparer ce stock dans l'intérêt de leur propre société ; que les juges ajoutent que la responsabilité pénale de la personne morale est engagée par les agissements de sa représentante légale Mme Y... M... ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 121-2 du code pénal ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24, 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, qui a déclaré M. J... M... coupable de recel de banqueroute par détournement d'actif, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement ferme ;
"alors que s'il décide de ne pas aménager la peine d'emprisonnement ferme qu'il prononce, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; qu'en l'espèce, après avoir infligé à l'exposant une peine de dix mois d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a énoncé qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants sur la situation actuelle de M. J... M... pour envisager une mesure d'aménagement immédiat de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre ; qu'en statuant ainsi, par une motivation lapidaire et générale, qui se borne à paraphraser la loi, sans vérifier en quoi la situation du condamné ou une impossibilité matérielle faisaient concrètement obstacle à un tel aménagement, la cour d'appel a violé les article 132-19 et 132-24 du code pénal ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24, 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, qui a déclaré M. U... M... coupable de banqueroute par détournement d'actif, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement dont deux mois d'emprisonnement ferme ;
"alors que s'il décide de ne pas aménager la peine d'emprisonnement ferme qu'il prononce, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; qu'en l'espèce, après avoir infligé à l'exposant une peine de dix mois d'emprisonnement dont deux mois d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a énoncé qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants sur la situation actuelle de M. U... M... pour envisager une mesure d'aménagement immédiat de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre ; qu'en statuant ainsi, par une motivation lapidaire et générale, qui se borne à paraphraser la loi, sans vérifier en quoi la situation du condamné ou une impossibilité matérielle faisaient concrètement obstacle à un tel aménagement, la cour d'appel a violé les article 132-19 et 132-24 du code pénal" ;
Les moyens étant réunis ; Vu les articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que, si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ;
Attendu que selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour refuser d'aménager les peines, l'arrêt énonce que la cour est dans l'impossibilité de prononcer une telle mesure d'aménagement en l'absence d'éléments suffisants sur la situation matérielle, familiale et sociale des prévenus ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les prévenus présents à l'audience, pouvaient répondre à toutes les questions des juges leur permettant d'apprécier la faisabilité d'une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le septième moyen de cassation, pour M. U... M..., pris de la violation des articles 111-3, 121-2, 321-1, 321-12, 321-3, 321-9, 131-38 et 131-39 du code pénal, L. 654-2-2°, L. 654-1, L. 654-3, L. 654-5, L. 654-6 et L. 653-8 du code de commerce, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 61-1 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé à l'encontre de MM. J... M... et U... M... une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise commerciale, agricole ou artisanale ou une société ;
"alors que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que les dispositions de l'article L. 654-6 du code de commerce prévoyant, en matière de banqueroute, la peine complémentaire d'interdiction de gérer et de diriger visée à l'article L. 653-8 du même code ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2016 prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 1er octobre 2016 ; que, dès lors, en infligeant une telle peine à M. J... M... d'une part, à M. U... M..., la cour d'appel a méconnu le principe de la légalité criminelle" ;
Vu les articles 61 et 62 de la Constitution et 111-3 du code pénal ;
Attendu que, d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;
Attendu que, d'autre part, nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu que l'arrêt a prononcé une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise commerciale, agricole ou artisanale ou une société pendant une durée de cinq années en application des articles L. 653-8 alinéa 1, L. 653-11 alinéa 1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 654-6 du code de commerce ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2016, prenant effet à la date de sa publication au journal officiel de la République française le 1er octobre 2016 et rendant ainsi impossible le prononcé d'une mesure d'interdiction prévue à l'article L. 653-8 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le dernier moyen proposé pour M. J... M... :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 6 octobre 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.