Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18.850
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Guillou
Avocat général :
M. Bonnet
Avocat :
Me Foussard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 mars 2010), que la caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire (la caisse) a consenti à M. et Mme X... deux prêts pour l'acquisition d'un fonds de commerce ; que le 13 avril 2005, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; qu'après avoir adressé le 12 mai 2005 à Mme X... une mise en demeure, la caisse a déclaré au passif de M. X... sa créance qui a été admise par ordonnance du 28 novembre 2007 et a assigné Mme X... en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes dirigées contre Mme X..., alors, selon le moyen :
1°) qu'en raison de la représentation mutuelle des coobligés solidaires, la résiliation du contrat opérée par le créancier à l'égard de l'un produit son effet à l'égard de l'autre ; qu'au cas d'espèce, en estimant que la déchéance du terme prononcée à l'encontre de M. X..., en raison de son placement en liquidation judiciaire, ne valait pas à l'égard de Mme X... faute qu'elle-même ait été placée en liquidation judiciaire, quand ils relevaient par ailleurs que le prêt avait été souscrit solidairement par les deux époux, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1184 et 1208 du code civil ;
2°) que la chose jugée à l'égard d'un coobligé solidaire vaut à l'égard de l'autre ; qu'en particulier, la décision du juge commissaire admettant une créance dans le cadre de la procédure collective ouverte contre un codébiteur solidaire est opposable à l'autre en ce qui concerne l'existence et le montant de la créance ; qu'au cas d'espèce, il était constant que la créance de la caisse à l'égard de M. X... avait été admise par une ordonnance du juge commissaire de la procédure collective de celui-ci en date du 28 novembre 2007, décision devenue irrévocable ; qu'il en résultait dès lors que l'autorité de chose jugée attachée à cette décision était opposable à Mme X... en tant que codébiteur solidaire, de sorte que la caisse était fondée à solliciter le paiement de la somme due au titre du prêt ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que Mme X... n'avait pas elle-même fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que la lettre notifiant la déchéance du terme adressée par le prêteur le 12 mai 2005 ne faisait pas référence à d'autres causes que le placement en liquidation judiciaire de M. X..., les juges du fond ont à cet égard violé les articles L. 624-2 du code de commerce et 1351 du code civil, ensemble l'article 1208 du même code ;
Mais attendu, en premier lieu, que si la décision d'admission des créances, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire en ce qui concerne l'existence et le montant des créances, elle n'a pas d'effet sur l'exigibilité de la dette à l'égard des coobligés ;
Et attendu, en second lieu, que la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et reste sans incidence sur la situation de ses coobligés solidaires poursuivis en paiement ; qu'ayant relevé que la mise en demeure du 12 mai 2005 ne faisait référence à aucune autre cause d'exigibilité anticipée que la déchéance du terme intervenue contre M. X... en raison de sa liquidation judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que celle-ci était inopposable à Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la caisse fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'action en justice exercée par le prêteur contre l'emprunteur aux fins d'obtenir le paiement des sommes dues au titre du contrat de prêt vaut nécessairement résiliation de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, étant constant que la caisse agissait contre Mme X... aux fins d'obtenir le paiement des sommes restant dues au titre des deux prêts qu'elle avait souscrits solidairement avec son époux, une telle demande en justice emportait nécessairement déchéance du terme du prêt, peu important que la lettre du 12 mai 2005 portant notification de cette déchéance à Mme X... ne visât pas un autre cas de résiliation que le placement en liquidation judiciaire de son époux ; qu'en repoussant la demande de la banque sur le fondement de l'inadéquation de cette lettre à la résiliation prononcée, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu que contrairement à l'affirmation de principe du moyen, l'assignation n'entraîne pas, par elle-même, déchéance du terme ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.