Cass. crim., 21 juin 2000, n° 99-85.778
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme de La Lance
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier et de la Varde, SCP Piwnica et Molinié
LA COUR :
- Statuant sur les pourvois formés par :
- la société Finance Culture Loisirs, partie civile,
- le procureur général près la cour d'appel de Metz,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 21 juillet 1999, qui, après relaxe de Nicolas X... du chef d'infraction à la législation sur les sociétés, a débouté la partie civile de ses demandes.
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Finance Culture Loisirs, pris de la violation des articles 441 de la loi du 24 juillet 1966, 31-3° de la loi du 25 janvier 1985 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Nicolas X... de la prévention de défaut de convocation de l'assemblée générale des actionnaires dans les 6 mois de la clôture de l'exercice et a déclaré irrecevable l'action civile de la société Finance Culture Loisirs ;
" aux motifs que la loi pénale étant d'interprétation stricte, il convient de constater que l'infraction visée par l'article 441 de la loi du 24 juillet 1966 ne peut être imputée à l'administrateur judiciaire dès lors que ce dernier n'est ni président ni administrateur de la société, seules personnes désignées par ce texte ; en outre, les pouvoirs de l'administrateur judiciaire, notamment chargé d'assurer seul et entièrement l'administration de l'entreprise en application de l'article 31-3 de la loi du 25 janvier 1985, concernent exclusivement les actes relevant de l'activité externe de la société et non ceux relatifs au fonctionnement interne de la vie de la société lesquels n'ont aucune incidence patrimoniale ; que si l'administrateur judiciaire est tenu, aux termes de l'article 31 de la loi précitée, dans sa mission, au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d'entreprise, il n'en devient pas pour autant dirigeant social mais doit, comme chef d'entreprise, dans le fonctionnement de la société vis-à-vis des tiers, respecter la réglementation, notamment fiscale et du travail ; que, dès lors, le prévenu n'avait pas le pouvoir et ainsi l'obligation de convoquer l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes de l'exercice comptable clos ;
" alors que, tenue en vertu de l'article 31-3° de la loi du 25 janvier 1985 des obligations incombant au chef d'entreprise dans l'administration de la société, l'administrateur judiciaire est passible de la sanction édictée par l'article 441 de la loi du 24 juillet 1966 s'il omet de convoquer l'assemblée des actionnaires dans les 6 mois de la clôture de l'exercice ; qu'ainsi, en considérant que l'administrateur n'avait le pouvoir que d'effectuer les actes relevant de l'activité externe de la société et non ceux relatifs au fonctionnement interne, tel que la convocation de l'assemblée générale, la Cour a distingué là où la loi ne le fait pas et violé par refus d'application les textes précités " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général près la cour d'appel de Metz, pris de la violation des articles 441 de la loi du 24 juillet 1966 et 31 de la loi du 25 janvier 1985 :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 31 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 441 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'administrateur judiciaire est tenu, dans sa mission, au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d'entreprise ; que ce texte n'apporte aucune restriction à l'étendue de ces obligations ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société anonyme Européenne d'exploitation hôtelière a été mise en redressement judiciaire par jugement du 6 avril 1994, Nicolas X... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et chargé d'assurer seul et entièrement l'administration de l'entreprise en application de l'article L. 31 du Livre des procédures collectives, et que la liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 14 décembre 1994 ;
Attendu que Nicolas X... est poursuivi pour avoir omis de réunir l'assemblée générale ordinaire des actionnaires dans les 6 mois de la clôture de l'exercice, clos le 31 décembre 1993, aux fins d'approbation des comptes ; que, pour le relaxer de ce chef, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'avant l'expiration du délai de 6 mois précité, le prévenu, seul investi des obligations incombant au chef d'entreprise, devait convoquer l'assemblée générale ordinaire des actionnaires, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 21 juillet 1999 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.