Livv
Décisions

Cass. com., 17 avril 2019, n° 18-11.685

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Piwnica et Molinié

Colmar, du 6 déc. 2017

6 décembre 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 décembre 2017) et les productions, que le 9 janvier 2012, la SARL SER Nord-Est, dont M. M... était le gérant, a été mise en liquidation judiciaire ; que le 19 décembre 2014, le ministère public a assigné M. M... en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, en lui reprochant la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, et le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours ; qu'un jugement correctionnel du 17 juin 2016 a condamné M. M... à des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende pour des faits de fraude fiscale commis en sa qualité de gérant ;

Attendu que M. M... fait grief à l'arrêt de prononcer contre lui une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de huit années, assortie d'une inscription au casier judiciaire et au registre du commerce, et d'une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d'annonces légales alors, selon le moyen :

1°/ que le juge peut prononcer des peines à l'égard du dirigeant qui a commis des manquements de nature à accroître le passif social, qu'il doit apprécier le comportement du dirigeant, et examiner la proportionnalité de la peine et des mesures accessoires de publicité aux faits fautifs retenus ; que la cour d'appel, pour prononcer la peine d'interdiction de gérer à l'encontre de M. M... et l'assortir des mesures accessoires de publicité, s'est bornée à énoncer que la réalité des faits était établie ; qu'en s'abstenant de tout examen de la gravité des faits retenus et du comportement de M. M... comme d'apprécier la portée de l'avis du juge commissaire s'étant prononcé contre l'engagement de toute poursuite personnelle contre lui, la cour d'appel a violé les articles L. 653-5 et L. 653-8 du code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité ;

2°/ que, dans ses conclusions, M. M... a fait valoir que le juge pénal avait écarté tout élément intentionnel de l'infraction retenue et n'avait ordonné aucune mesure de publicité, tandis que le juge commissaire s'était, pour sa part, prononcé en défaveur de l'engagement de toutes poursuites personnelles contre lui ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la dispense de mesure de publicité par le juge correctionnel et d'inscription au casier judiciaire ne justifiait pas qu'elle ne prononçât pas la peine d'interdiction de gérer ; que, méconnaissant les écritures dont elle était saisie, la cour d'appel s'est abstenue d'apprécier si les motifs ayant conduit le juge correctionnel à limiter les peines prononcées n'étaient pas de nature à la conduire à la même modération ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 653-5 et L. 653-8 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que, par motifs adoptés, l'arrêt relève, d'abord, qu'il résulte du rapport établi par le liquidateur de la société débitrice et d'une vérification de comptabilité effectuée par l'inspection des finances publiques, à l'occasion d'un contrôle fiscal, que la comptabilité tenue par M. M... présente de graves irrégularités consistant, notamment, en une absence de factures de vente et d'achat et un défaut d'écritures de sorties d'actif concernant les cessions d'immobilisation, en des encaissements de créances de clients effectués sur le compte personnel de M. M..., ainsi qu'en des encaissements enregistrés sur les comptes bancaires de la société non identifiés et supérieurs aux montants facturés ; que l'arrêt en déduit que la comptabilité tenue par M. M..., dépourvue de toute valeur probante, est fictive, manifestement incomplète ou irrégulière ; que l'arrêt relève, ensuite, qu'il résulte du rapport du liquidateur qu'aucune déclaration de cessation des paiements n'a été effectuée par M. M..., la procédure collective ayant été ouverte sur une requête du ministère public du 4 août 2011, cependant que la date de cessation des paiements a été fixée au 9 juillet 2010 et que la société débitrice avait cessé toute activité dès le mois d'octobre 2010 ; qu'il en déduit que M. M... a omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours ; que l'arrêt retient que ces éléments justifient le prononcé d'une interdiction de gérer de huit ans et ordonne les mesures de publicité de sa décision prévues par l'article R. 653-3 susvisé ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que le principe et le quantum de l'interdiction de gérer ont été appréciés au regard de la gravité des fautes commises par M. M..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se référer au rapport du juge-commissaire, a souverainement apprécié cette sanction, laquelle devait nécessairement être assortie des mesures de publicité prévues par le texte précité ;

Et attendu, d'autre part, que l'autorité des décisions de la juridiction pénale sur le juge civil est limitée à ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de celui auquel le fait est imputé ; qu'il en résulte que le tribunal de la procédure collective qui prononce une mesure d'interdiction de gérer n'est pas tenu de se déterminer par référence aux motifs retenus par le juge correctionnel pour limiter la peine ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;