Cass. ass. plén., 22 avril 1974, n° 71-13.450
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aydalot
Rapporteur :
M. Barbier
Avocat général :
M. Gegout
Avocat :
Me Chaisemartin
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 477 ancien du code de commerce, applicable en la cause ;
Attendu qu'il y a dation en paiement, au sens de ce texte, lorsqu'il est remis au créancier autre chose que l'objet même de la dette;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que, par acte sous seing privé du 21 septembre 1957, Cristini, promoteur-constructeur, avait vendu aux consorts x..., pour le prix de six millions d'anciens francs, payé comptant, un appartement dans un immeuble qui devait être bâti à Nice, rue du Grand-pin; qu'ayant renoncé par la suite à ce projet de construction, Cristini vendit auxdits consorts, suivant acte notarie du 13 juin 1958, pour le même prix, avec prise de possession à compter du 31 mars 1959, un appartement dans un immeuble en cours de construction à ...; que, la faillite de Cristini ayant été prononcée le 26 janvier 1959, avec fixation au 30 juin 1957 de la date de cessation des paiements, Pin, agissant en qualité de syndic, a demandé que l'acte notari¨é du 13 juin 1958 soit déclaré inopposable de droit à la masse;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énoncé que ledit acte, portant sur un logement en cours de construction, inhabitable et dont la livraison était assortie d'un terme, ne pouvait constituer une dation en paiement, que " cette vente constitue une opération absolument indépendante de celle constatée par le sous seing privé du 21 septembre 1957 que les parties avaient annulée "; " que l'acte authentique du 13 juin 1958 ne contient aucune référence à ce sous seing privé et à son objet "; " que le logement acheté par les consorts X... le 13 juin 1958 ne correspond pas exactement à celui qui leur avait été promis le 21 septembre 1957 "; " qu'on se trouve en présence de deux conventions indépendantes l'une de l'autre portant vente de choses futures et dont la première a été annulée ; qu'il y a eu substitution d'une obligation à une autre et non pas extinction définitive de la première obligation par la seconde au moyen d'un paiement ";
Attendu cependant que l'arrêt constate que le prix versé par les consorts X... en septembre 1957 avait été affecté à l'achat du logement acquis par eux le 13 juin 1958, et qu'il était stipulé dans l'acte notarié que les acquéreurs " seront propriétaires des parties d'immeuble présentement vendues à compter de ce jour "; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors qu'il résulte de ces énonciations que lesdits acquéreurs avaient, par l'acte du 13 juin 1958, reçu de Cristini, en contrepartie du prix verse en septembre 1957, une chose autre que celle qui leur était due en vertu de la convention initiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Montpellier, chambres réunies, le 17 mai 1971 ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.