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Décisions

Cass. com., 12 juillet 1994, n° 92-10.761

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Defrénois et Levis, SCP Piwnica et Molinié

Rouen, du 21 nov. 1991

21 novembre 1991

Joint les pourvois n° 92-10.761 et n° 92-11.338, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Houvenaghel et Diesel Energie ont été mises, le 30 novembre 1989, en redressement judiciaire sans avoir réglé l'intégralité des matériels que leur avait livrés la société des Moteurs Leroy Somer (la société Leroy Somer) ; que le redressement a été déclaré commun aux deux sociétés le 17 janvier 1990 et la date de cessation des paiements fixée au 12 juillet 1988 ; que, se fondant tout à la fois sur une clause de réserve de propriété insérée dans une convention-cadre conclue avec chacune d'elles le 9 mars 1989 et sur deux conventions de dépôt-vente du 11 octobre 1989, aux termes desquelles les ventes avec réserve de propriété étaient amiablement résolues et les matériels laissés aux sociétés Houvenaghel et Diesel Energie en dépôt-consignation, la société Leroy Somer a demandé la restitution des matériels inventoriés par huissier de justice, le jour du redressement ; que l'administrateur judiciaire a appelé la société Houvenaghel Energie, repreneur des deux entreprises, en déclaration de jugement commun ;

Sur le premier moyen du premier pourvoi et sur la seconde branche du premier moyen du second pourvoi, réunis :

Vu l'article 1583 du Code civil et l'article 121, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour dire valable et opposable aux tiers la clause de réserve de propriété, l'arrêt relève que si les conditions générales d'achat invoquées par l'administrateur judiciaire peuvent être interprétées comme excluant implicitement l'application d'une telle clause, il convient de souligner que la société Leroy Somer a toujours accusé réception des commandes sur ses propres documents, aux recto et verso desquels figure la clause de réserve de propriété, identique à celle figurant dans les conventions signées le 9 mars 1989, et retient que les acheteurs n'ont émis aucune protestation ou réserve et ont donné suite à la commande, renonçant de la sorte à faire jouer les conditions générales d'achat et, a fortiori, à les faire prévaloir sur les conditions générales de vente ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution de la vente par l'acheteur n'impliquait pas l'abandon de ses conditions générales d'achat, et que la vente faite purement et simplement opère transfert immédiat et inconditionnel de la propriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du premier pourvoi :

Vu l'article 107, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour dire valables les contrats de dépôt-vente conclus le 11 octobre 1989, l'arrêt énonce que l'opération consistant pour la société Leroy Somer, toujours propriétaire par le jeu de la clause de réserve de propriété des marchandises, à établir un avoir tout en maintenant lesdites marchandises à la disposition des sociétés Diesel Energie et Houvenaghel s'analyse en une résolution amiable de la vente et que si une telle résolution en période suspecte et la restitution de la chose sont des opérations nulles dans le cas d'une vente ordinaire, il ne saurait y avoir lieu à nullité lorsque le contrat contient, comme en l'espèce, une clause de réserve de propriété, la reprise des marchandises ne constituant dans ce cas que l'exécution de la clause ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que les ventes avaient été faites purement et simplement, sans la condition suspensive du paiement du prix, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'opération constituait, telle quelle, un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires considérées, n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.