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Décisions

CJUE, 7e ch., 29 avril 2021, n° C-19/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Bank BPH S.A., Rzecznik Praw Obywatelskich

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

A. Kumin

Juges :

P. G. Xuereb, I. Ziemele (rapporteure)

Avocat général :

H. Saugmandsgaard Øe

Avocats :

A. Sienkiewicz, B. Krużewski, A. Prokop

CJUE n° C-19/20

29 avril 2021

LA COUR (septième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), notamment de ses articles 6 et 7.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant I.W. et R.W. à Bank BPH S.A. au sujet des conséquences du caractère abusif de certaines clauses d’un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces parties.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 2, sous a), de la directive 93/13, la notion de « clauses abusives » doit s’entendre comme étant « les clauses d’un contrat telles qu’elles sont définies à l’article 3 ».

4 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5 Aux termes de l’article 4 de la directive 93/13 :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

6 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

7 L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 Le droit polonais

8 L’article 58 du Kodeks cywilny (code civil) est ainsi libellé :

« 1. Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement, notamment qu’elle prévoie que les dispositions invalides de l’acte juridique soient remplacées par les dispositions pertinentes de la loi.

2. Un acte juridique contraire aux règles de la vie en société est nul.

3 Si une partie seulement de l’acte juridique est frappée de nullité, les autres parties de l’acte restent en vigueur, à moins qu’il ne ressorte des circonstances que l’acte n’aurait pas été exécuté en l’absence des dispositions frappées de nullité. »

9 Aux termes de l’article 120, paragraphe 1, de ce code :

« Le délai de prescription commence à courir le jour où la créance est devenue exigible. Si l’exigibilité d’une créance dépend de l’adoption d’un acte spécifique par le titulaire du droit, le délai commence à courir à partir de la date à laquelle la créance serait devenue exigible si le titulaire du droit avait adopté l’acte le plus tôt possible. »

10 L’article 3531 dudit code dispose :

« Les parties au contrat sont libres de déterminer leur rapport juridique pourvu que son contenu et son objectif n’aillent pas à l’encontre de la spécificité (nature) du rapport, des lois ni des règles de vie en société. »

11 L’article 358 du même code prévoit :

« 1. Si l’objet de l’obligation est une somme d’argent exprimée dans une devise étrangère, le débiteur peut exécuter la prestation en monnaie polonaise, à moins que la loi, une décision de justice à l’origine de l’obligation ou un acte juridique prévoie l’exécution de la prestation dans une devise étrangère.

2. La valeur de la devise étrangère est calculée selon le cours moyen fixé par la Banque nationale de Pologne à la date de l’exigibilité de la créance, sauf disposition contraire d’une loi, d’une décision de justice ou d’un acte juridique.

3. En cas de retard du débiteur, le créancier peut réclamer la prestation en monnaie polonaise au cours moyen fixé par la Banque nationale de Pologne le jour où le paiement est effectué. »

12 L’article 3851 du code civil énonce :

« 1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui définissent les obligations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.

2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres dispositions du contrat.

3. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle sont des clauses contractuelles sur le contenu desquelles le consommateur n’a pu avoir d’influence concrète. Il s’agit en particulier des clauses contractuelles reprises d’un modèle de contrat proposé au consommateur par le contractant.

[...] »

13 L’article 3852 de ce code est ainsi libellé :

« La compatibilité des clauses d’un contrat avec les bonnes mœurs est appréciée au regard de la situation au moment de la conclusion du contrat, en tenant compte de son contenu, des circonstances qui entourent sa conclusion ainsi que des autres contrats liés au contrat dans lequel figurent les dispositions qui font l’objet de l’appréciation. »

14 L’ustawa o zmianie ustawy – Prawo bankowe oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi bancaire), du 29 juillet 2011 (Dz. U. no 165 de 2011, position 984, ci-après la « loi du 29 juillet 2011 »), est entrée en vigueur le 26 août 2011.

15 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi du 29 juillet 2011 :

« Les modifications suivantes sont apportées à [l’ustawa – Prawo bankowe (loi relative au droit bancaire), du 29 août 1997 (Dz. U. no 72 de 2002, position 665), telle que modifiée] :

1) à l’article 69 :

a) au paragraphe 2, le point 4a suivant est inséré après le point 4 :

“4a) en cas de contrat de crédit libellé en, ou indexé sur, une devise autre que la monnaie polonaise, des règles détaillées fixant les modalités et les dates de la fixation du cours des devises sur la base duquel sont notamment calculés le montant du prêt, ses tranches et mensualités (capital et intérêts) ainsi que les règles de conversion en devise de la mise à disposition ou du remboursement du prêt [sont précisées],” ;

b) un nouveau paragraphe 3, libellé comme suit, est ajouté après le paragraphe 2 :

“3. Dans le cas d’un contrat de crédit libellé en, ou indexé sur, une devise autre que la monnaie polonaise, l’emprunteur peut rembourser les mensualités (capital et intérêts) et effectuer un remboursement anticipé de la totalité ou d’une partie du montant du crédit directement dans cette devise. Dans ce cas, le contrat de crédit fixe également les règles d’ouverture et de tenue d’un compte pour la collecte des fonds destinés au remboursement du crédit ainsi que les règles de remboursement au moyen de ce compte.” »

16 L’article 4 de ladite loi dispose :

« Dans le cas de crédits ou prêts d’argent contractés par un emprunteur avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’article 69, paragraphe 2, point 4a), et l’article 75b de la loi visée à l’article 1er s’appliquent aux crédits ou prêts d’argent qui n’ont pas été intégralement remboursés – à concurrence de la partie du crédit ou du prêt qui reste à rembourser. À cet égard, la banque modifie gratuitement le contrat de crédit ou le contrat de prêt en conséquence. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 Au cours de l’année 2008, I.W. et R.W. ont conclu, en tant que consommateurs, un contrat de prêt hypothécaire avec le prédécesseur en droit de Bank BPH, la durée de ce prêt étant de 360 mois (30 ans). Le contrat était libellé en zloty polonais (PNL), mais indexé sur une devise étrangère, à savoir le franc suisse (CHF).

18 Il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que ces emprunteurs ont été informés du fait que le cours de change du franc suisse pouvait augmenter, ce qui aurait une incidence sur le montant des mensualités de remboursement dudit prêt. Suivant une demande de la banque en ce sens, lesdits emprunteurs ont déposé une déclaration selon laquelle ils souhaitaient opter pour l’indexation de leur prêt sur le cours du franc suisse, cela quand bien même ils auraient été dûment informés des risques encourus par un prêt consenti en devise étrangère.

19 En vertu des stipulations de ce contrat, le remboursement du prêt s’effectuait en zlotys polonais, le solde du crédit ainsi que les mensualités étant calculés sur le fondement du cours de vente de la devise CHF, majorés de la marge de vente de la devise par la banque. La méthode de détermination de la marge de la banque n’était pas précisée dans ledit contrat.

20 L’article 1er, paragraphe 1, du contrat de prêt stipule :

« La banque accorde à l’emprunteur un prêt d’un montant de [...] PLN, indexé sur le cours du [franc suisse] [...], et l’emprunteur s’engage à utiliser le prêt conformément aux dispositions du contrat, à restituer le montant du prêt utilisé, majoré des intérêts, aux dates spécifiées dans le contrat et à payer à la banque les commissions, taxes et autres droits spécifiés dans le contrat. [...]

À la date de la mise à disposition, le solde du prêt est exprimé dans la devise sur laquelle le prêt est indexé selon le cours d’achat de la devise sur laquelle le prêt est indexé, spécifié dans le tableau des cours d’achat/de vente pour les prêts hypothécaires accordés par la banque, décrit en détail à l’article 17 ; ensuite, le solde en devise est converti quotidiennement en zlotys polonais selon le cours de vente de la devise sur laquelle le prêt est indexé, spécifié dans le tableau des cours d’achat/de vente pour les prêts hypothécaires accordés par la banque, décrit en détail à l’article 17. »

21 L’article 7, paragraphe 2, de ce contrat prévoit :

« La mise à disposition du montant du prêt indiqué dans la demande de libération des fonds sera effectuée par virement sur le compte bancaire tenu auprès d’une banque polonaise et indiqué dans la demande. La date du virement sera considérée comme la date du décaissement du prêt utilisé. Chaque montant versé en zlotys polonais est converti dans la devise sur laquelle le prêt est indexé, au cours d’achat/de vente pour les prêts hypothécaires accordés par la banque, en vigueur le jour de la mise à disposition par la banque. »

22 L’article 10, paragraphe 6, dudit contrat est ainsi rédigé :

« Chaque versement effectué par l’emprunteur est calculé au cours de vente de la devise sur laquelle le prêt est indexé, comme indiqué dans le tableau des cours d’achat/de vente des prêts hypothécaires accordés par la banque, en vigueur le jour de la [réception] des fonds à la banque. [...] »

23 L’article 17 du contrat de prêt stipule :

« 1. Sont appliqués au calcul des opérations, respectivement, de mise à disposition et de remboursement de crédits, les cours d’achat/de vente des prêts hypothécaires accordés par la banque dans les devises proposées par la banque, en vigueur à la date de l’opération.

2. Les cours d’achat sont définis comme les taux de change moyens du [zloty polonais] par rapport aux devises en cause indiqués dans le tableau des cours moyens de la Banque nationale de Pologne, diminués de la marge d’achat.

3. Les cours de vente sont définis comme les taux de change moyens du [zloty polonais] par rapport aux devises en cause indiqués dans le tableau des cours moyens de la Banque nationale de Pologne, augmentés de la marge de vente.

4. Pour calculer les cours d’achat/de vente des prêts hypothécaires accordés par la banque, on applique le cours du [zloty polonais] par rapport aux devises en cause, indiqué dans le tableau des cours moyens de la Banque nationale de Pologne pour le jour ouvrable en cause, ajusté de la marge d’achat/de vente de la banque.

5. Les taux d’achat/de vente applicables un jour ouvrable donné pour les prêts hypothécaires accordés par la banque aux devises incluses dans son offre sont déterminés par la banque après 15 h 00 le jour ouvrable précédent et sont affichés au siège de la banque et publiés sur son site internet [...] »

24 Ce contrat de prêt a fait l’objet d’un avenant signé par les parties en date du 7 mars 2011 (ci-après l’« avenant »), lequel contenait, d’une part, des dispositions fixant les modalités de détermination de la marge de Bank BPH. D’autre part, cet avenant prévoyait que les emprunteurs étaient désormais habilités à rembourser leur prêt dans la devise d’indexation choisie, à savoir le franc suisse, qu’ils pouvaient se procurer également sur le marché libre.

25 Confrontés à la hausse du cours du franc suisse, I.W. et R.W. ont excipé du caractère abusif de l’indexation du prêt sur le franc suisse devant la juridiction de renvoi, réclamant l’annulation du contrat et la restitution de tous les montants versés au titre du paiement des intérêts et des frais liés audit contrat.

26 Pour la juridiction de renvoi, les clauses relatives à l’indexation du prêt accordé ainsi qu’au mode de détermination du cours de la devise dans laquelle le prêt est remboursable portent sur l’objet principal du contrat. Dans la mesure où elle considère que ces clauses ont été rédigées en termes compréhensibles et clairs et que les débiteurs en ont saisi la portée et les conséquences, ce qu’ils ont confirmé à Bank BPH par écrit, le caractère abusif de ces clauses ne pourrait être invoqué.

27 En revanche, cette même juridiction juge abusives ces clauses, en tant qu’elles permettent à Bank BPH de percevoir une marge liée à l’opération d’achat et de vente de la devise. La méthode de fixation de cette marge n’étant pas précisée dans le contrat de prêt initial, la juridiction de renvoi en a déduit que ladite marge créait un déséquilibre important au détriment du consommateur.

28 Si, selon elle, le caractère abusif des dispositions contractuelles relatives à la marge de Bank BPH pour l’achat/la vente de la devise étrangère a disparu avec la conclusion entre les parties de l’avenant qui définit les modalités de fixation d’une telle marge de la banque, la juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, dans quelle mesure le caractère abusif initial de ces stipulations est susceptible d’avoir un effet sur la validité de la clause d’indexation, voire du contrat de prêt dans son intégralité.

29 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il lui est possible d’écarter les seules stipulations contractuelles relatives à la marge de la banque en maintenant la validité de la clause d’indexation et du contrat, alors même qu’une intervention judiciaire à cet égard aurait pour effet une modification du sens de cette clause.

30 En troisième lieu, cette juridiction relève que la loi du 29 juillet 2011 fixe désormais les règles de détermination des modalités de conversion de devise pour les prêts libellés en devises étrangères. Elle en conclut que l’objectif de dissuasion de l’usage des clauses abusives ne justifie plus l’interdiction de la modération ou du remplacement d’une clause abusive par le juge national qui constate la présence de telles clauses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en particulier lorsqu’un tel constat est susceptible d’entraîner l’invalidité du contrat dans son ensemble.

31 En quatrième lieu, la juridiction de renvoi se demande si le droit à restitution né dans le chef du consommateur à la suite de l’invalidation d’une clause abusive est inhérent à la décision du juge national constatant ce caractère abusif ou si sa reconnaissance nécessite une demande expresse du consommateur dans le cadre d’une procédure distincte susceptible d’être soumise à des délais de prescription.

32 En cinquième et dernier lieu, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la portée de l’obligation d’information qui pourrait lui incomber à l’égard du consommateur, dès lors que ce dernier devrait être mis en mesure de décider s’il souhaite renoncer à faire valoir le caractère abusif d’une clause d’un contrat auquel il est partie.

33 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Gdańsku XV Wydział Cywilny (tribunal régional de Gdańsk, XVe division civile, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions combinées de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 [...] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’une juridiction nationale est tenue de constater le caractère abusif (au sens de l’article 3, paragraphe 1, de [cette] directive) d’une clause contractuelle conclue avec un consommateur même lorsque, à la date du prononcé de l’arrêt, suite à la modification du contenu du contrat par les parties, sous la forme d’un avenant, la clause a été modifiée de telle sorte qu’elle n’a pas un caractère abusif et que la constatation du caractère abusif de la clause dans son libellé initial peut entraîner l’annulation (l’invalidation) de l’ensemble du contrat ?

2) Les dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 3, [paragraphe 1 et paragraphe 2], deuxième phrase, et de l’article 2 de la directive 93/13 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles permettent à une juridiction nationale de constater le caractère abusif uniquement de certains éléments de la clause contractuelle relative au taux de change, fixé par la banque, d’une devise sur laquelle est indexé le prêt octroyé au consommateur (comme dans l’affaire au principal), c’est-à-dire en supprimant la disposition relative à la marge de la banque, qui est déterminée unilatéralement et de manière peu claire, en tant que composante du taux de change, et en maintenant une disposition claire se référant au cours moyen de la banque centrale (Banque nationale de Pologne), ce qui n’exige pas de substituer au contenu supprimé quelque disposition légale que ce soit et aura pour effet de rétablir un équilibre effectif entre le consommateur et le professionnel, bien que cela modifie l’essence de la disposition relative à l’exécution de la prestation par le consommateur au bénéfice de ce dernier ?

3) Les dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent-elles être interprétées en ce sens que, même lorsque le législateur national a introduit des mesures visant à faire cesser l’utilisation de clauses contractuelles abusives, telles que celles examinées au principal, en introduisant des dispositions imposant aux banques de préciser de manière détaillée les modalités et les dates [de référence] pour la fixation du cours des devises sur la base duquel sont calculés le montant du crédit, les mensualités (capital et intérêts) ainsi que les règles de conversion, dans la devise, de la mise à disposition ou du remboursement du crédit, l’intérêt général s’oppose à la constatation du caractère abusif de certains éléments seulement d’une clause contractuelle de la manière décrite dans la deuxième question ?

4) La non-subsistance du contrat dont il est question à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, qui est la conséquence de la suppression des clauses contractuelles abusives définies à l’article 2, sous a), combiné à l’article 3 de [ladite] directive, doit-elle être interprétée en ce sens qu’il s’agit d’une sanction qui peut intervenir en tant que conséquence d’une décision à caractère constitutif d’une juridiction, rendue sur une demande explicite du consommateur et produisant des effets à dater de la conclusion du contrat, c’est-à-dire ex tunc, et en ce sens que les demandes de restitution du consommateur et du professionnel deviennent exigibles lorsque la décision acquiert force de chose jugée ?

5) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du 30 mars 2010 (JO 2010, C 83, p. 389), doit-il être interprété en ce sens qu’il impose à la juridiction nationale une obligation d’informer le consommateur qui a introduit un recours en annulation du contrat à la suite de la suppression des clauses abusives des effets juridiques d’une telle décision, en ce compris d’éventuelles demandes de restitution du professionnel (la banque), même des effets non relevés dans la procédure, et donc ceux dont le bien-fondé n’apparaît pas clairement, même lorsque le consommateur est représenté par un mandataire professionnel ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

34 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national est tenu de constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, même si le vice affectant cette clause a été écarté à la suite de la conclusion entre ces parties d’un avenant à ce contrat et que le constat du caractère abusif de la clause dans sa version initiale est susceptible d’entraîner la nullité du contrat.

 Sur la recevabilité

35 I.W. et R.W. excipent de l’irrecevabilité de cette question au motif que la présentation des faits dans la décision de renvoi ne correspond pas à la réalité des faits de l’espèce au principal. En particulier, ils contestent le fait que l’avenant ait permis de remédier au caractère abusif de la clause d’indexation initiale, dès lors que le mécanisme d’indexation dans son ensemble est abusif. Or, la juridiction de renvoi considérerait à tort que seul l’élément relatif à la marge de Bank BPH liée aux opérations de change est abusif.

36 À cet égard, il convient de relever que la juridiction de renvoi considère que, en vertu de l’article 3851, paragraphes 1 et 3, du code civil, les clauses du contrat en cause au principal concernant l’indexation du montant du prêt ainsi que les clauses relatives aux règles de détermination du cours portent sur l’objet principal du contrat, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. En outre, selon cette juridiction, seuls les éléments distincts des clauses relatives au mécanisme d’indexation se rapportant à la marge de la banque n’étaient pas rédigés de manière claire et compréhensive. Ainsi, elle en a conclu que les autres éléments des clauses relatives au mécanisme d’indexation n’étaient pas abusifs.

37 Or, il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C 698/18 et C 699/18, EU:C:2020:537, point 46).

38 Partant, la Cour est liée par la constatation et l’appréciation des faits auxquelles a procédé la juridiction de renvoi, de sorte que I.W. et R.W. ne sauraient les remettre en cause dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle.

39 En outre, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth, C 34/18, EU:C:2019:764, point 40 et jurisprudence citée).

40 Dès lors que, en l’occurrence, la juridiction de renvoi a défini le cadre réglementaire et factuel permettant à la Cour de répondre à la première question posée et qu’il n’incombe pas à la Cour de vérifier l’exactitude de ce cadre, il convient de constater que cette question est recevable.

41 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle.

 Sur le fond

42 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 22 et jurisprudence citée).

43 Ainsi, une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de telle sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 23 et jurisprudence citée).

44 Par conséquent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose (arrêts du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 24 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 novembre 2020, Banca B., C 269/19, EU:C:2020:954, point 29).

45 Selon la juridiction de renvoi, la modification contractuelle par l’avenant dont ont fait l’objet les clauses d’indexation initiales a permis d’écarter le vice qui les affectait et a rétabli l’équilibre entre les obligations et les droits du professionnel et des consommateurs. Partant, les clauses d’indexation dans leur version initiale ne liaient plus les parties au contrat de prêt à partir de la signature de l’avenant.

46 Dans ce contexte, il convient de souligner que le droit à une protection effective du consommateur englobe sa faculté de renoncer à faire valoir ses droits, de telle sorte qu’il doit être tenu compte, le cas échéant, de la volonté exprimée par le consommateur lorsque, conscient du caractère non contraignant d’une clause abusive, ce dernier indique, néanmoins, qu’il s’oppose à ce qu’elle soit écartée, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 25).

47 En effet, la directive 93/13 ne va pas jusqu’à rendre obligatoire le système de protection contre l’utilisation de clauses abusives par les professionnels qu’elle a instauré au bénéfice des consommateurs. Par conséquent, lorsqu’un consommateur préfère ne pas se prévaloir de ce système de protection, celui-ci n’est pas appliqué (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 26 et jurisprudence citée).

48 De manière analogue, un consommateur peut renoncer à se prévaloir du caractère abusif d’une clause au moyen d’un contrat de novation qui a pour conséquence que celui-ci renonce aux effets qu’entraînerait la déclaration du caractère abusif d’une telle clause, sous réserve que cette renonciation procède d’un consentement libre et éclairé (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C 452/18, EU:C:2020:536, point 28).

49 Il résulte de ce qui précède que le système prévu par la directive 93/13 ne saurait faire obstacle à ce que les parties à un contrat remédient au caractère abusif d’une clause qu’il contient en la modifiant par voie contractuelle, pour autant que, d’une part, la renonciation par le consommateur à se prévaloir du caractère abusif procède de son consentement libre et éclairé et, d’autre part, la nouvelle clause modificatrice n’est pas elle-même abusive, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier.

50 Si la juridiction de renvoi devait considérer que, en l’occurrence, les consommateurs n’avaient pas conscience des conséquences juridiques résultant pour eux d’une telle renonciation, il conviendrait de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 43 du présent arrêt, qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur, avec, comme conséquence, le rétablissement de la situation en droit et en fait dans laquelle celui-ci se serait trouvé en l’absence de ladite clause (arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C 118/17, EU:C:2019:207, point 41 et jurisprudence citée).

51 En effet, l’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard de ces mêmes sommes (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C 154/15, C 307/15 et C 308/15, EU:C:2016:980, point 62).

52 Partant, il appartient à la juridiction de renvoi de rétablir la situation qui aurait été celle de I.W. et de R.W. en l’absence de la clause initiale dont elle constate le caractère abusif.

53 S’agissant de l’incidence d’une constatation du caractère abusif des clauses contractuelles sur la validité du contrat concerné, il importe de souligner, tout d’abord, que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13, le « contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

54 Ensuite, selon une jurisprudence constante de la Cour, la directive 93/13 n’exige pas que le juge national écarte, outre la clause déclarée abusive, celles qui n’ont pas été qualifiées comme telles. En effet, il convient de rappeler que l’objectif poursuivi par cette directive consiste à protéger le consommateur et à rétablir l’équilibre entre les parties en écartant les clauses considérées comme étant abusives, tout en maintenant, en principe, la validité des autres clauses du contrat en cause (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C 96/16 et C 94/17, EU:C:2018:643, point 75).

55 À cet égard, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de ladite directive n’est pas d’annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C 453/10, EU:C:2012:144, point 31).

56 Enfin, s’agissant des critères qui permettent d’apprécier si un contrat peut effectivement subsister sans les clauses abusives, il y a lieu de relever que tant le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que les exigences relatives à la sécurité juridique des activités économiques militent en faveur d’une approche objective lors de l’interprétation de cette disposition de sorte que la situation de l’une des parties au contrat ne saurait être considérée comme le critère déterminant réglant le sort futur du contrat (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C 453/10, EU:C:2012:144, point 32).

57 Ainsi, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux, pour le consommateur, de l’annulation dudit contrat dans son ensemble (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C 453/10, EU:C:2012:144, point 33).

58 En l’occurrence, la juridiction de renvoi considère que, par la conclusion de l’avenant, les parties au contrat ont écarté le vice qui affectait les clauses initiales abusives et rétabli l’équilibre entre les obligations et les droits de ces parties découlant du contrat.

59 Or, il est pleinement satisfait aux objectifs de la directive 93/13, tels que rappelés au point 54 du présent arrêt, lorsque la situation en droit et en fait dans laquelle le consommateur se serait trouvé en l’absence de la clause abusive est rétablie et que le vice qui entachait le contrat a été écarté par les parties par la conclusion d’un avenant, pour autant que, lors de cette conclusion, ce consommateur ait été conscient du caractère non contraignant de cette clause et des conséquences qui en découlent.

60 Partant, il ne résulte pas de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que, dans une situation dans laquelle la renonciation par le consommateur à se prévaloir du caractère abusif procède du consentement libre et éclairé de celui-ci, le constat du caractère abusif des clauses initiales du contrat concerné aurait pour effet l’annulation du contrat tel que modifié par l’avenant, quand bien même, d’une part, la suppression de ces clauses aurait entraîné l’annulation dans son ensemble du contrat tel que conclu initialement et, d’autre part, une telle invalidation serait à l’avantage du consommateur.

61 Eu égard aux considérations qui précèdent il convient de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national de constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, même si celle-ci a été modifiée par la voie contractuelle par ces parties. Un tel constat entraîne le rétablissement de la situation qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause dont le caractère abusif aurait été constaté, excepté si ce dernier a renoncé au moyen de la modification de ladite clause abusive à un tel rétablissement par un consentement libre et éclairé, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Toutefois, il ne résulte pas de cette disposition que le constat du caractère abusif de la clause initiale aurait, en principe, pour effet l’annulation du contrat, dès lors que la modification de cette clause a permis de rétablir l’équilibre entre les obligations et les droits de ces parties découlant du contrat et d’écarter le vice qui l’entachait.

 Sur les deuxième et troisième questions

62 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que le juge national supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en particulier lorsque l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive est assuré par des dispositions législatives nationales qui en réglementent l’utilisation.

63 À titre liminaire, il convient de relever que I.W. et R.W. remettent en cause la recevabilité de la troisième question, dès lors que, par cette question, la juridiction de renvoi requerrait de la part de la Cour une interprétation du droit national.

64 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Par conséquent, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

65 La troisième question portant sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, la Cour est dès lors compétente pour en connaître.

66 Il importe de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, le juge national saisi d’une clause contractuelle abusive est uniquement tenu d’écarter l’application de celle-ci afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sans qu’il soit habilité à réviser, en principe, le contenu de cette clause. En effet, ce contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression de ladite clause, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C 96/16 et C 94/17, EU:C:2018:643, point 73).

67 Ainsi, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le juge national puisse compléter ce contrat en révisant le contenu de cette clause (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C 70/17 et C 179/17, EU:C:2019:250, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

68 En effet, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. De fait, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si ces dernières devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C 70/17 et C 179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

69 En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que la suppression de l’élément de la clause d’indexation du prêt hypothécaire en cause dans l’affaire au principal relatif à la marge de la banque n’entraîne aucune lacune qui nécessiterait une intervention positive de sa part. Toutefois, elle souligne que cette suppression modifie l’essence de la clause dans sa rédaction originale.

70 Or, la Cour a jugé que les dispositions de la directive 93/13 s’opposent à ce qu’une clause jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C 70/17 et C 179/17, EU:C:2019:250, point 64).

71 Ce n’est que si l’élément de la clause d’indexation du prêt hypothécaire en cause dans l’affaire au principal relatif à la marge de Bank BPH consistait en une obligation contractuelle distincte des autres stipulations contractuelles, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif, que le juge national pourrait le supprimer.

72 En effet, la directive 93/13 n’exige pas que le juge national écarte, outre la clause déclarée abusive, celles qui n’ont pas été qualifiées comme telles, l’objectif poursuivi par le législateur dans le cadre de cette directive consistant à protéger le consommateur et à rétablir l’équilibre entre les parties en écartant l’application des clauses considérées comme abusives, tout en maintenant, en principe, la validité des autres clauses du contrat en cause (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C 96/16 et C 94/17, EU:C:2018:643, point 75).

73 Ainsi, la Cour a jugé, s’agissant de clauses d’un contrat de prêt relatives respectivement à des intérêts ordinaires et à des intérêts moratoires, que l’annulation de la clause d’un contrat de prêt fixant le taux des intérêts moratoires, en raison de son caractère abusif, ne saurait également entraîner celle de la clause de ce contrat fixant le taux des intérêts ordinaires, et ce d’autant que ces différentes clauses doivent être clairement distinguées (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C 96/16 et C 94/17, EU:C:2018:643, point 76).

74 Ces considérations s’appliquent quelle que soit la manière dont sont rédigées la clause contractuelle déterminant le taux des intérêts moratoires et celle fixant le taux des intérêts ordinaires. En particulier, elles valent non seulement lorsque le taux des intérêts moratoires est défini indépendamment du taux des intérêts ordinaires, dans une clause distincte, mais également lorsque le taux des intérêts moratoires est déterminé sous la forme d’une majoration du taux des intérêts ordinaires par un certain nombre de points de pourcentage. Dans ce dernier cas, la clause abusive consistant en cette majoration, la directive 93/13 exige uniquement que ladite majoration soit annulée (arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C 96/16 et C 94/17, EU:C:2018:643, point 77).

75 Par ailleurs, la faculté reconnue au juge national à titre exceptionnel de supprimer l’élément abusif d’une clause d’un contrat liant un professionnel et un consommateur ne saurait être remise en cause par l’existence de dispositions nationales qui, en réglementant l’utilisation d’une telle clause, garantissent l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive, tel que rappelé au point 68 du présent arrêt.

76 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, depuis l’adoption de la loi du 29 juillet 2011, intervenue après la conclusion du contrat et de l’avenant en cause au principal, les banques ne pourraient plus utiliser de clauses d’indexation dans une forme telle que celle prévue dans le cadre du cas d’espèce. En vertu des dispositions de cette loi, un contrat de prêt libellé en devises étrangères doit désormais contenir les informations relatives aux méthodes et aux dates de fixation du taux de change sur le fondement duquel sont calculés le montant du crédit et les mensualités de remboursement, ainsi que les règles de conversion des devises.

77 Or, la Cour a déjà jugé que, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne fait pas obstacle à ce que les États fassent cesser par une législation l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel, il n’en reste pas moins que le législateur doit, dans ce contexte, respecter les exigences qui découlent de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C 118/17, EU:C:2019:207, point 42).

78 En effet, le fait qu’une clause contractuelle a, sur le fondement d’une législation nationale, été déclarée abusive et nulle ainsi que remplacée par une nouvelle clause ne saurait avoir pour effet d’affaiblir la protection garantie aux consommateurs, telle que rappelée au point 54 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C 118/17, EU:C:2019:207, point 43).

79 Dans ces conditions, l’adoption par le législateur de dispositions qui encadrent l’utilisation d’une clause contractuelle et contribuent à assurer l’effet dissuasif poursuivi par la directive 93/13 en ce qui concerne le comportement des professionnels est sans préjudice des droits reconnus au consommateur par cette directive.

80 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsque l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive est assuré par des dispositions législatives nationales qui en réglementent l’utilisation, pour autant que cet élément consiste en une obligation contractuelle distincte, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif. D’autre part, ces dispositions s’opposent à ce que la juridiction de renvoi supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance, ce qu’il appartiendra à cette juridiction de vérifier.

 Sur la quatrième question

81 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’invalidation d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en raison du constat du caractère abusif d’une clause de ce contrat constitue une sanction prévue par cette directive qui résulte d’une décision de justice rendue à la demande expresse du consommateur et fait naître dans le chef de ce dernier un droit à la restitution des sommes indûment perçues par le professionnel ou si elle intervient de plein droit, indépendamment de la volonté dudit consommateur.

82 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par les droits nationaux des États membres, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives.

83 Ainsi, cette disposition, et notamment son second membre de phrase, a pour objectif non pas d’annuler tous les contrats contenant des clauses abusives, mais de substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers, étant précisé que le contrat en cause doit, en principe, subsister sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives. Pourvu que cette dernière condition soit satisfaite, le contrat en cause peut, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, être maintenu pour autant que, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat sans les clauses abusives est juridiquement possible, ce qu’il convient de vérifier selon une approche objective (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C 260/18, EU:C:2019:819, point 39 et jurisprudence citée).

84 Il s’ensuit que l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13 n’énonce pas lui-même les critères régissant la possibilité pour un contrat de subsister sans les clauses abusives, mais laisse à l’ordre juridique national le soin de les établir dans le respect du droit de l’Union. Ainsi, il appartient aux États membres, au moyen de leur droit national, de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés. En tout état de cause, un tel constat doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C 154/15, C 307/15 et C 308/15, EU:C:2016:980, point 66).

85 Il résulte des éléments qui précèdent que, premièrement, si une juridiction nationale estime que, en application des dispositions pertinentes de son droit interne, le maintien d’un contrat sans les clauses abusives qu’il comporte n’est pas possible, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose en principe pas à ce qu’il soit invalidé (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C 260/18, EU:C:2019:819, point 43).

86 Ainsi, l’invalidation du contrat dont le caractère abusif de l’une des clauses a été constaté ne saurait constituer une sanction prévue par la directive 93/13.

87 Au demeurant, s’agissant, en particulier, des délais de prescription, la Cour a déjà jugé que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique est compatible avec le droit de l’Union (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C 154/15, C 307/15 et C 308/15, EU:C:2016:980, point 69).

88 Deuxièmement, la question de savoir à partir de quand l’invalidation du contrat en cause au principal produit ses effets dépend exclusivement du droit national, pour autant que soit assurée la protection garantie aux consommateurs par les dispositions de la directive 93/13.

89 Troisièmement, l’invalidation du contrat dans l’affaire au principal ne saurait dépendre d’une demande expresse en ce sens des consommateurs, mais relève d’une application objective par le juge national des critères établis en vertu du droit national.

90 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les conséquences du constat judiciaire de la présence d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur relèvent des dispositions du droit national, la question de la persistance d’un tel contrat devant être appréciée d’office par le juge national selon une approche objective sur le fondement de ces dispositions.

 Sur la cinquième question

91 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national, constatant le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, d’informer ce dernier des conséquences juridiques qu’est susceptible d’entraîner l’annulation d’un tel contrat, indépendamment du fait que le consommateur soit représenté par un mandataire professionnel.

92 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il incombe au juge national, qui a constaté le caractère abusif d’une clause et doit en tirer les conséquences juridiques, de respecter les exigences d’une protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, telle qu’elle est garantie à l’article 47 de la Charte. Parmi ces exigences figure le principe du contradictoire, qui fait partie des droits de la défense et qui s’impose au juge notamment lorsqu’il tranche un litige sur la base d’un motif retenu d’office (arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C 472/11, EU:C:2013:88, point 29 et jurisprudence citée).

93 En outre, la Cour a jugé que, dans l’hypothèse où le juge national, qui a établi sur la base des éléments de fait et de droit dont il dispose, qu’une clause relève du champ d’application de la directive 93/13, constate que cette clause présente un caractère abusif, il est, en règle générale, tenu d’en informer les parties au litige et de les inviter à en débattre contradictoirement selon les formes prévues à cet égard par les règles nationales de procédure (arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C 472/11, EU:C:2013:88, point 31).

94 Partant, dans la mesure où ledit système de protection contre les clauses abusives ne trouve pas à s’appliquer si le consommateur s’y oppose, ce consommateur doit a fortiori avoir le droit de s’opposer à être, en application de ce même système, protégé contre les conséquences préjudiciables provoquées par l’invalidation du contrat dans son ensemble lorsqu’il ne souhaite pas invoquer cette protection (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C 260/18, EU:C:2019:819, point 55).

95 Dans ce contexte, le consommateur peut, après avoir été avisé par le juge national, ne pas faire valoir le caractère abusif et non contraignant d’une clause, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C 260/18, EU:C:2019:819, point 66).

96 Il résulte de ce qui précède que les informations dont est susceptible de disposer le juge national sur le fondement des règles nationales de procédure apparaissent d’autant plus importantes qu’elles permettent au consommateur de décider s’il souhaite renoncer à la protection qui lui est garantie conformément à la directive 93/13.

97 Or, afin que le consommateur puisse donner son consentement libre et éclairé, il appartient au juge national d’indiquer aux parties, dans le cadre des règles nationales de procédure et au regard du principe d’équité dans les procédures civiles, de manière objective et exhaustive les conséquences juridiques qu’est susceptible d’entraîner la suppression de la clause abusive, et cela indépendamment du fait qu’elles sont représentées par un mandataire professionnel ou non.

98 Une telle information est, en particulier, d’autant plus importante, lorsque la non-application de la clause abusive est susceptible d’entraîner l’invalidation de l’ensemble du contrat, exposant éventuellement le consommateur à des demandes de restitution, comme l’envisage la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal.

99 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national, constatant le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, d’informer ce dernier, dans le cadre des règles nationales de procédure et à la suite d’un débat contradictoire, des conséquences juridiques qu’est susceptible d’entraîner l’annulation d’un tel contrat, indépendamment du fait que le consommateur soit représenté par un mandataire professionnel.

 Sur les dépens

100    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national de constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, même si celle-ci a été modifiée par la voie contractuelle par ces parties. Un tel constat entraîne le rétablissement de la situation qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause dont le caractère abusif aurait été constaté, excepté si ce dernier a renoncé au moyen de la modification de ladite clause abusive à un tel rétablissement par un consentement libre et éclairé, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Toutefois, il ne résulte pas de cette disposition que le constat du caractère abusif de la clause initiale aurait, en principe, pour effet l’annulation du contrat, dès lors que la modification de cette clause a permis de rétablir l’équilibre entre les obligations et les droits de ces parties découlant du contrat et d’écarter le vice qui l’entachait.

2) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsque l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive est assuré par des dispositions législatives nationales qui en réglementent l’utilisation, pour autant que cet élément consiste en une obligation contractuelle distincte, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif. D’autre part, ces dispositions s’opposent à ce que la juridiction de renvoi supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance, ce qu’il appartiendra à cette juridiction de vérifier.

3) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les conséquences du constat judiciaire de la présence d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur relèvent des dispositions du droit national, la question de la persistance d’un tel contrat devant être appréciée d’office par le juge national selon une approche objective sur le fondement de ces dispositions.

4) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il appartient au juge national, constatant le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, d’informer ce dernier, dans le cadre des règles nationales de procédure et à la suite d’un débat contradictoire, des conséquences juridiques qu’est susceptible d’entraîner l’annulation d’un tel contrat, indépendamment du fait que le consommateur soit représenté par un mandataire professionnel.