Cass. crim., 24 mars 2010, n° 09-84.599
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Labrousse
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
Me Carbonnier
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Claude, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2008, qui, pour banqueroute, l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, a ordonné une mesure d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 654-1 et suivants du code de commerce, de l'article 328 du décret du 28 décembre 2005, de l'article préliminaire et des articles 609, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que Marie-Claude X..., épouse Y..., a été déclarée coupable de banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif, condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis, avec interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale pour une durée de cinq ans, et affichage du jugement sur l'immeuble exploité pendant une durée de trois mois, et, sur l'action civile de Me Z..., condamnée à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêt ;
"aux motifs "sur l'action publique : que, par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 21 juillet 2006, le redressement judiciaire de Marie-Claude X..., épouse Y..., a été ouvert, fixant la date de cessation de paiement au 21 juillet 2006 et la fin de la période d'observation au 22 septembre 2006 ; ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 15 janvier 2008, Me Z..., ès qualités de mandataire judiciaire, souligne que Marie-Claude X..., épouse Y..., est en état de cessation des paiements ; qu'elle ne produit aucun plan de redressement ; que le passif déclaré et admis s'élève à la somme de 100 878,23 euros ; que Marie-Claude X..., épouse Y..., conteste les créances mais Me Z... fait observer, à juste titre, que parmi ces créances contestées figure celle d'une société Fuchs Lubrifiants d'un montant de 25 640,60 euros d'ores et déjà incontestable puisque résultant du jugement aujourd'hui définitif du tribunal de commerce en date du 12 mai 2003 ; que Marie-Claude X..., épouse Y..., ne justifie d'aucun actif disponible, son patrimoine n'est ni évalué, ni précisé, son bénéfice imposable au titre de l'année 2006 s'élevait à 5 892 euros, sa situation de trésorerie est inconnue ; qu'elle ne justifie d'aucune liquidité ni soutien bancaire lui permettant de faire face au passif exigible ; que faute d'avoir présenté un plan de redressement, le tribunal de commerce de Poitiers a, par jugement du 16 mars 2007, prononcé la liquidation judiciaire de Marie-Claude X..., épouse Y... ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 11 décembre 2007 ; qu'il convient de rappeler que les jugements et ordonnances rendus en matière de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire ; que, par ordonnance du 29 mai 2007, le premier président de la cour d'appel de Poitiers a dit n'y avoir lieu à suspension de l'exécution provisoire assortissant le jugement du tribunal de commerce du 16 mars 2007 convertissant en liquidation judiciaire le redressement judiciaire précédemment ordonné ; que le jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire a pour conséquence le dessaisissement de plein droit pour Marie-Claude X..., épouse Y..., de l'administration et la disposition de ses biens ; qu'il est constant et reconnu par elle qu'elle a poursuivi son activité, en dépit des injonctions du liquidateur ; qu'elle s'est également opposée à la tenue d'un inventaire de ses biens ; qu'en poursuivant son activité, par son obstruction systématique au déroulement de la procédure de liquidation judiciaire, Marie-Claude X..., épouse Y..., a non seulement détourné volontairement la totalité de l'actif qui constitue le gage de ses créanciers, mais a aussi contribué à augmenter le passif, plusieurs factures d'un montant total de 29 501 euros toutes postérieures au prononcé de la liquidation judiciaire, ont été récapitulées par le liquidateur ; que la procédure collective était exécutoire au moment des détournements ; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts à intervenir de la Cour de cassation ; que les éléments constitutifs de la banqueroute sont caractérisés ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine qui constitue une juste application de la loi pénale ; sur l'action civile : qu'en matière de banqueroute, comme dans d'autres domaines, si les faits délictueux ont causé un dommage, le prévenu en doit réparation ; que le liquidateur peut demander la réparation du préjudice collectif subi par les créanciers, le tribunal, en prenant en compte l'aggravation du passif à hauteur de 30 000 euros, a fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour la partie civile, des agissements coupables de la prévenue ; qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué tant sur les dommages-intérêts alloués, que sur la condamnation au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, pour les frais irrépétibles exposés en première instance et d'y ajouter une somme de 650 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel" (arrêt, p. 4) ;
"1) alors que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, il est constant que, par deux arrêts en date du 24 mars 2009, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé les arrêts rendus par la cour d'appel de Poitiers le 15 janvier 2008 ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire de Marie-Claude X..., épouse Y..., et le 11 décembre 2007 ayant converti cette procédure en liquidation judiciaire ; que les arrêts précités des 11 décembre 2007 et 15 janvier 2008 se rattachant par un lien de dépendance nécessaire à l'arrêt attaqué du 19 décembre 2008, ce dernier doit être annulé par voie de conséquence ;
"2) alors que si les jugements rendus en matière de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, aucune condamnation pénale ne peut être prononcée sur la base d'une décision non encore définitive ; qu'en l'espèce, pour condamner Marie-Claude X..., épouse Y..., pour délit de banqueroute, la cour d'appel s'est appuyée sur les arrêts rendus par cette même cour le 15 janvier 2008 ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire de Marie-Claude X..., épouse Y..., et le 11 décembre 2007 ayant converti cette procédure en liquidation judiciaire, alors pourtant que chacune de ces décisions était frappée d'un pourvoi en cassation ; que les arrêts des 11 décembre 2007 et 15 janvier 2008 ont été cassés par deux arrêts rendus le 24 mars 2009 par la chambre commerciale de la Cour de cassation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
"3) alors, au surplus, que le délit de banqueroute par détournement ou dissimulation d'actif suppose l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément de patrimoine d'un débiteur en cessation des paiements ; que, pour dire que Marie-Claude X..., épouse Y..., était coupable de délit de banqueroute, la cour d'appel s'est bornée à relever que, malgré le dessaisissement de plein droit consécutif au prononcé du jugement de liquidation judiciaire, celle-ci « a poursuivi son activité, en dépit des injonctions du liquidateur et s'est également opposée à la tenue d'un inventaire de ses biens » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait aucune dissipation volontaire d'un élément de patrimoine, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Marie-Claude X..., exploitant en nom personnel un café restaurant, a été mise en redressement judiciaire, par un jugement du 21 juillet 2006, confirmé en appel par décision du 15 janvier 2008 ; que cette procédure a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par un arrêt confirmatif du 11 décembre 2007 ; que la demanderesse a formé un pourvoi contre ces deux arrêts ; que, parallèlement, elle a été poursuivie du chef de banqueroute par détournement ou dissimulation d'actifs ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de ce chef, l'arrêt relève que celle-ci a poursuivi son activité postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, en dépit des injonctions du liquidateur et s'est opposée à la tenue d'un inventaire de ses biens ; que les juges ajoutent qu'il importe peu que les pourvois formés par la demanderesse soient pendants devant la cour de cassation dès lors que la procédure collective était exécutoire au moment des détournements ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire n'est qu'une condition préalable à l'exercice de l'action publique, la cour d'appel qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, a justifié sa décision ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.