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Décisions

Cass. crim., 12 décembre 2007, n° 07-80.799

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Avocats :

SCP Parmentier et Didier, SCP Piwnica et Molinié, SCP Vincent et Ohl

Metz, du 24 janv. 2007

24 janvier 2007

Statuant sur les pourvois formés par :

-X... Marcel,
-LA SOCIÉTÉ PONTICELLI FRÈRES, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2007, qui a condamné le premier, pour présentation de comptes annuels infidèles, banqueroute et escroquerie, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis,15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ; 

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la comptabilité de la société Chaudronnerie tuyauterie de l'est (CTE), dirigée par Marcel X..., était entachée d'écritures fictives et impropre à établir la véritable situation financière de l'entreprise ; que le commissaire aux comptes a révélé au procureur de la République les falsifications opérées par Jean-Marie Y..., comptable salarié, définitivement condamné des chefs de faux et usage pour avoir, notamment, majoré artificiellement le chiffre d'affaires réalisé en 1996 en comptabilisant indûment des factures " à venir ", d'un montant total de 870 000 francs, et, pour l'exercice clôturé le 31 décembre 1997, établi six factures fictives, pour une somme supérieure à deux millions de francs, deux autres factures étant falsifiées par majoration de leur montant ; que le bilan, présenté aux associés avec une perte nette comptable de 68 775 francs, aurait dû enregistrer un déficit de près de trois millions ;

Attendu que ces comptes annuels et des situations mensuelles de la société CTE ont été produits aux dirigeants de la société B... frères (B...) qui, aux termes de conventions du 20 février 1996, a souscrit à une augmentation du capital de la première et s'est engagée à acquérir la totalité de son capital ; qu'il a encore été stipulé que Marcel X... resterait le président de la société CTE et que les garants de cette dernière seraient progressivement déchargés de leurs obligations ; que la société CTE a été déclarée en redressement puis en liquidation judiciaire les 10 mars et 12 mai 1999, la date de la cessation des paiements étant fixée au 10 septembre 1997 ;

Attendu que Marcel X... est poursuivi pour avoir, de mars 1997 à août 2000, d'une part, par instruction, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir, provoqué à la confection, par Jean-Marie Y..., de fausses factures enregistrées en comptabilité et à l'usage de ces faux ; d'autre part, en sa qualité de président de la société CTE, présenté aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des résultats, des opérations, de la situation financière et du patrimoine de la société ; qu'il leur est également reproché en cette même qualité, la société faisant l'objet d'une procédure collective, d'avoir commis le délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ; qu'enfin, il leur est fait grief d'avoir tromper les dirigeants de la société B... pour les déterminer à signer des conventions d'apports de fonds et d'engagements financiers, en usant de manoeuvres frauduleuses notamment en faisant procéder à des manipulations comptables pour améliorer artificiellement les résultats de la société CTE ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Marcel X..., pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de présentation de comptes annuels inexacts, et a prononcé sur la répression et les réparations civiles ;

" aux motifs que s'agissant de la présentation par Marcel X... des comptes de l'année 1997, l'écart très significatif entre le chiffre d'affaires réel et le chiffre d'affaires présenté, entre le montant de la perte nette comptable réelle, soit – 2 900 517 francs et de celui de la perte nette comptable présentée, soit – 68 775 francs ne peut relever de la simple négligence mais postule nécessairement la conscience par Marcel X... de donner, aux actionnaires, une image infidèle du résultat des opérations de l'exercice et de la situation réelle de la société, alors en état de cessation des paiements ; qu'en effet, en qualité de président, nécessairement attaché aux comptes et à la situation financière globale de sa société mais aussi en homme de terrain, connaissant l'état des commandes, dont il avait la responsabilité et plus spécifique l'état de l'absence de commandes et de règlement alors surtout que la société n'avait en définitive qu'un seul gros client, soit Elf-Atochem, le prévenu savait, à l'évidence, que les comptes transmis par Jean-Marie Y..., eussent-ils été validés par l'expert-comptable chargé d'établir le bilan ainsi que par le commissaire aux comptes, étaient erronés et qu'une perte de 3 millions de francs avait été masquée d'une manière ou d'une autre, la société étant manifestement en état de cessation des paiements à cette date, circonstance connue de Marcel X... ; qu'une disparité d'une telle importance entre le montant approximatif des pertes auquel devait s'attendre le président et le faible montant des pertes officiellement enregistré, aurait dû, s'il avait été de bonne foi, conduire ce dernier à tout le moins, à solliciter des explications de son comptable salarié et à opérer les vérifications nécessaires avec l'expert-comptable de la Fiduciaire, alors surtout que la simple consultation du cahier des commandes et des paiements, tenu dans la société et dont il connaissait parfaitement l'existence, aurait suffit à rectifier les comptes manifestement erronés dans une proportion qui ne laisse aucun doute sur l'intention du prévenu de dissimuler aux actionnaires la véritable situation de la société ; que la décision déférée sera donc confirmée, mais seulement en ce qui concerne les comptes présentés aux actionnaires au mois de mars 1998 (arrêt, p. 13) ;

" alors que le délit de présentation de comptes inexacts suppose la connaissance de l'inexactitude des documents comptables et la volonté de son auteur de dissimuler la véritable situation de la société ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prévenu, demeuré président de la société pour la seule raison qu'il en était le fondateur historique, était un « homme de terrain » dépourvu de toute compétence comptable spécifique, et que les comptes inexacts qu'il lui est reproché d'avoir présentés lui ont été communiqués par le comptable salarié de la société CTE après avoir été validés par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes ; que la connaissance de l'inexactitude des documents comptables et la volonté du prévenu de dissimuler la véritable situation de la société étant démenties par ses propres constatations, la cour d'appel, qui n'en a pas tiré les conséquences légales utiles, a violé les textes susvisés " ; 

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Marcel X..., pris de la violation des articles L. 626-1, L. 626-2, L. 626-3 du code de commerce,121-1 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, et a prononcé sur la répression et les réparations civiles ;

" aux motifs qu'en toute connaissance de cause, Marcel X..., dirigeant de la société CTE, en état de cessation des paiements, a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel lié aux divers avantages consentis par la société B... dans le cadre du protocole d'accord du 20 février 1996, avantages dont l'existence et le montant dépendaient des résultats de l'entreprise, une exploitation déficitaire, masquée par des falsifications comptables qu'il a, sinon commanditées, à tout le moins délibérément avalisées, manifestant par là-même une intention affirmée de porter atteinte aux droits des créanciers de la société (arrêt, p. 14) ;

" et aux motifs que s'agissant de la présentation par Marcel X... des comptes de l'année 1997, l'écart très significatif entre le chiffre d'affaires réel et le chiffre d'affaires présenté, entre le montant de la perte nette comptable réelle, soit – 2 900 517 francs et de celui de la perte nette comptable présentée, soit – 68 775 francs ne peut relever de la simple négligence mais postule nécessairement la conscience par Marcel X... de donner, aux actionnaires, une image infidèle du résultat des opérations de l'exercice et de la situation réelle de la société, alors en état de cessation des paiements ; qu'en effet, en qualité de président, nécessairement attaché aux comptes et à la situation financière globale de sa société mais aussi en homme de terrain, connaissant l'état des commandes, dont il avait la responsabilité et plus spécifique l'état de l'absence de commandes et de règlement alors surtout que la société n'avait en définitive qu'un seul gros client, soit Elf-Atochem, le prévenu savait, à l'évidence, que les comptes transmis par Jean-Marie Y..., eussent-ils été validés par l'expert-comptable chargé d'établir le bilan ainsi que par le commissaire aux comptes, étaient erronés et qu'une perte de 3 millions de francs avait été masquée d'une manière ou d'une autre, la société étant manifestement en état de cessation des paiements à cette date, circonstance connue de Marcel X... ; qu'une disparité d'une telle importance entre le montant approximatif des pertes auquel devait s'attendre le président et le faible montant des pertes officiellement enregistré, aurait dû, s'il avait été de bonne foi, conduire ce dernier à tout le moins, à solliciter des explications de son comptable salarié et à opérer les vérifications nécessaires avec l'expert-comptable de la Fiduciaire, alors surtout que la simple consultation du cahier des commandes et des paiements, tenu dans la société et dont il connaissait parfaitement l'existence, aurait suffit à rectifier les comptes manifestement erronés dans une proportion qui ne laisse aucun doute sur l'intention du prévenu de dissimuler aux actionnaires la véritable situation de la société ; que la décision déférée sera donc confirmée, mais seulement en ce qui concerne les comptes présentés aux actionnaires au mois de mars 1998 (arrêt, p. 13) ; 

" 1°) alors que nul n'étant responsable pénalement que de son propre fait, se rend coupable de banqueroute l'intéressé qui a tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ; qu'ayant constaté que le prévenu n'est ni l'auteur, ni le commanditaire des falsifications comptables poursuivies, qu'il a tout au plus avalisées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations, et a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que le délit de banqueroute est constitué lorsque la comptabilité présente un caractère « manifestement » incomplet ou irrégulier ; que l'arrêt qui constate que les comptes erronés ont été transmis au prévenu par le comptable salarié de la société, après avoir été validés par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, qui n'y ont relevé aucune anomalie, a exclu par là-même que la comptabilité poursuivie ait été « manifestement » incomplète ou irrégulière ; que l'un des éléments constitutifs de l'infraction faisant défaut, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations, et a violé les textes susvisés ;

" 3°) alors que le délit de banqueroute par tenue irrégulière ou incomplète de comptabilité suppose l'intention de nuire aux créanciers de la société qui fait l'objet d'une procédure collective ; qu'en caractérisant l'intention frauduleuse du prévenu par des considérations inopérantes tirées de l'intérêt personnel qui aurait été le sien de voir perdurer les avantages consentis par la société B... dans le cadre du protocole d'accord du 20 février 1996, intérêt distinct de la volonté requise de se soustraire à ses obligations concernant l'établissement de la comptabilité, qu'il ne caractérise pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 4°) alors, en toute hypothèse, que la cassation à venir sur le fondement du premier moyen de cassation devra entraîner, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de banqueroute par tenue irrégulière ou incomplète de comptabilité, la cour d'appel ayant constaté, sans en tirer les conséquences légales requises s'agissant notamment de l'élément intentionnel des infractions poursuivies, que le prévenu, demeuré président de la société pour la seule raison qu'il en était le fondateur historique, était un homme de terrain dépourvu de toute compétence comptable spécifique, et que les documents comptables erronés lui ont été communiqués par le comptable salarié de la société après avoir été validés par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, sans qu'il soit établi que le prévenu ait eu connaissance des falsifications opérées, ni qu'il ait eu la volonté de dissimuler la véritable situation de la société " ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Marcel X..., pris de la violation des articles 313-1 du code pénal,388,512,591 et 593 du code de procédure pénale, du principe non bis in idem, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie, et a prononcé sur la répression et les réparations civiles ;

" aux motifs qu'en présentant délibérément en mars 1998 des comptes sociaux qu'il savait ne correspondre en rien à la situation financière réelle de la société, alors totalement exsangue, et dont il savait qu'ils n'avaient été obtenus que par voie de falsifications comptables, comptes eux-mêmes précédés de l'envoi à la société B..., à compter du mois de décembre 1997, de situations mensuelles accompagnées d'une lettre de présentation signée de sa main, et alors qu'il avait pleinement conscience du caractère mensonger de ces états, et en maintenant artificiellement en vie la société CTE dont il aurait déposé le bilan dès le mois d'octobre 1997, alors que le montant du prix des actions de la société CTE, que devait acheter la société B..., en exécution du protocole d'accord, dépendait des résultats de la société au vu des comptes du dernier exercice comptable, soit l'exercice 1997, le prévenu s'est en toute connaissance de cause rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ayant déterminé la société B... à régler le prix des actions acquises en 1998, à un prix largement surévalué par rapport au prix qui aurait dû être retenu, si tant est que le protocole d'accord n'ait pas été rendu caduc par la déclaration de cessation des paiements, qu'aurait dû déposer le dirigeant, auprès de la juridiction compétente, s'il avait respecté la loi commerciale (arrêt, p. 15) ;

" et aux motifs que s'agissant de la présentation par Marcel X... des comptes de l'année 1997, l'écart très significatif entre le chiffre d'affaires réel et le chiffre d'affaires présenté, entre le montant de la perte nette comptable réelle, soit — 2 900 517 francs et de celui de la perte nette comptable présentée, soit — 68 775 francs ne peut relever de la simple négligence mais postule nécessairement la conscience par Marcel X... de donner, aux actionnaires, une image infidèle du résultat des opérations de l'exercice et de la situation réelle de la société, alors en état de cessation des paiements ; qu'en effet, en qualité de président, nécessairement attaché aux comptes et à la situation financière globale de sa société mais aussi en homme de terrain, connaissant l'état des commandes, dont il avait la responsabilité et plus spécifique l'état de l'absence de commandes et de règlement alors surtout que la société n'avait en définitive qu'un seul gros client, soit Elf-Atochem, le prévenu savait, à l'évidence, que les comptes transmis par Jean-Marie Y..., eussent-ils été validés par l'expert-comptable chargé d'établir le bilan ainsi que par le commissaire aux comptes, étaient erronés et qu'une perte de 3 millions de francs avait été masquée d'une manière ou d'une autre, la société étant manifestement en état de cessation des paiements à cette date, circonstance connue de Marcel X... ; qu'une disparité d'une telle importance entre le montant approximatif des pertes auquel devait s'attendre le président et le faible montant des pertes officiellement enregistré, aurait dû, s'il avait été de bonne foi, conduire ce dernier à tout le moins, à solliciter des explications de son comptable salarié et à opérer les vérifications nécessaires avec l'expert-comptable de la Fiduciaire, alors surtout que la simple consultation du cahier des commandes et des paiements, tenu dans la société et dont il connaissait parfaitement l'existence, aurait suffit à rectifier les comptes manifestement erronés dans une proportion qui ne laisse aucun doute sur l'intention du prévenu de dissimuler aux actionnaires la véritable situation de la société ; que la décision déférée sera donc confirmée, mais seulement en ce qui concerne les comptes présentés aux actionnaires au mois de mars 1998 (arrêt, p. 13) ; 

" 1°) alors que les mêmes faits autrement qualifiés ne peuvent entraîner une double déclaration de culpabilité ; qu'en énonçant que la présentation en mars 1998 de comptes sociaux erronés incriminée sous la qualification de présentation de comptes annuels inexacts constitue également la manoeuvre frauduleuse constitutive de l'escroquerie commise au préjudice de la société B..., la cour d'appel a violé le principe non bis in idem et les textes susvisés ;

" 2°) alors que le juge répressif ne peut légalement statuer que sur les faits visés dans l'ordonnance de renvoi qui l'a saisi, sous réserve de l'accord exprès du prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans les poursuites ; qu'en déclarant constituée l'escroquerie du fait de l'envoi à la société B..., à compter du mois de décembre 1997, de situations mensuelles accompagnées d'une lettre de présentation signée de la main du prévenu, cependant que l'ordonnance de renvoi visait seulement au titre des manoeuvres frauduleuses l'amélioration fictive des résultats annuels de la société CTE, sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ces faits distincts de ceux exactement visés dans l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les textes susvisés ;

" 3°) alors que l'escroquerie ne peut résulter que d'un acte positif et non d'une simple omission ; qu'en qualifiant de manoeuvre frauduleuse l'omission du prévenu de déposer le bilan de la société CTE auprès de la juridiction commerciale compétente à compter du mois d'octobre 1997, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 4°) alors que la cassation à venir sur le fondement du premier moyen de cassation devra entraîner, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie, la cour d'appel ayant constaté, sans en tirer les conséquences légales requises s'agissant notamment de l'élément intentionnel des infractions poursuivies, que le prévenu, demeuré président de la société pour la seule raison qu'il en était le fondateur historique, était un homme de terrain dépourvu de toute compétence comptable spécifique, et que les documents comptables erronés lui ont été communiqués par le comptable salarié de la société après avoir été validés par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, sans qu'il soit établi que le prévenu ait eu connaissance des falsifications opérées, ni qu'il ait eu la volonté de dissimuler la véritable situation de la société " ;

Les moyens étant réunis ; 

Attendu que, pour déclarer Marcel X... coupable de présentation de comptes annuels infidèles, pour le seul exercice clôturé le 31 décembre 1997, de banqueroute, par tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière, et d'escroquerie, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, qui établissent la participation personnelle du prévenu et la connaissance qu'il avait des irrégularités affectant la comptabilité de la société CTE, et dès lors que les infractions retenues sanctionnent la violation d'intérêts distincts, ont des éléments constitutifs différents, et qu'une seule peine a été prononcée, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie et n'a pas excédé sa saisine, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ; 

Mais le premier moyen de cassation, proposé pour la société B... frères, pris de la violation des articles 121-7,441-1 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement et relaxé Marcel X... des chefs de complicité de faux et usage de faux ;

" aux motifs que les faits dont est saisie la cour sont circonscrits aux fausses factures et aux majorations de factures émises par Jean-Marie Y... et entrés en comptabilité au début de l'année 1998, au titre de l'exercice 1997 ; qu'en effet, il ressort de la procédure que la fausse facture éditée au titre de l'exercice 1996 (intégration de la marge du chantier « balan » pour l'exercice 1996 alors qu'elle aurait dû l'être pour l'exercice 1997) a été émise par Jean-Marie Y... en janvier 1997 et a été enregistrée en comptabilité à cette date ; que ces faits se trouvent donc hors prévention puisque Marcel X... est poursuivi pour ceux commis à compter de mars 1997 seulement ; que s'agissant des seuls faits dont est saisie la cour, il convient de relever que Jean-Marie Y... a rédigé une lettre d'aveux parfaitement circonstanciée dans laquelle il reconnaît avoir agi d'initiative et sans en référer à quiconque dans le but de pérenniser l'entreprise qui avait en vue la perspective de la conclusion de marchés importants ; que cette attitude a encore été la sienne lorsque, interrogé début 1999 par M.Z..., représentant de la société B..., auquel la lettre d'aveux avait été transmise et bien que ce dernier lui ait assuré qu'il conserverait son poste s'il acceptait de fournir l'identité de son éventuel donneur d'ordre, Jean-Marie Y... a confirmé avoir agi de son propre mouvement et sans avoir reçu aucune instruction de qui que ce soit ; que Jean-Marie Y... n'a pas non plus mis en cause Marcel X... lorsqu'il a rencontré M A..., expert-comptable, lors de la révélation des faits en janvier 1999, alors que ce dernier était l'une des rares personnes en laquelle il disait avoir confiance et alors même qu'il a reconnu n'avoir subi aucune pression morale lors de cet entretien et qu'au contraire M.A... l'avait mis en garde sur la portée juridique de la rédaction d'une lettre d'aveux ; qu'outre le fait que la dénonciation de Marcel X... par Jean-Marie Y... se trouve incontestablement affaiblie par son caractère tardif et outre le fait qu'il n'est pas exact de soutenir que Jean-Marie Y... n'avait aucun intérêt à commettre les faux litigieux alors que son emploi et celui de son épouse dépendaient de la poursuite de l'entreprise et que le couple avait un crédit immobilier à payer, il ne peut être sérieusement soutenu qu'en disant, début janvier 1998, à son comptable « débrouille-toi, je veux un bilan équilibré », ce qui ne constitue à aucun moment un ordre formel de commettre un délit quelconque, Marcel X... se soit rendu complice par instruction voire coauteur des agissements frauduleux, relativement sophistiqués et qui dépassent largement le cadre de l'enregistrement en comptabilité, par simple anticipation de factures réelles mais à venir, commis par Jean-Marie Y... qui n'a pas hésité, à l'insu de Marcel X..., comme il le reconnaît lui-même, à créer des documents purement fictifs tels que de faux ordres d'intervention comportant de fausses signatures et des factures tout aussi fictives, qu'il a enregistrées en comptabilité pour des sommes très importantes ; qu'estimant que les éléments de preuves nécessaires à établir les infractions reprochées à Marcel X... sont insuffisantes, la cour infirmera la décision déférée de ce chef et renverra Marcel X... des fins de la poursuite ; 

" 1°) alors que caractérise la complicité tout ordre duquel peut se déduire une incitation à commettre une infraction ; que la cour d'appel qui a constaté que le prévenu avait une analyse objective de la comptabilité, une parfaite connaissance des factures à établir, connaissait la situation de cessation des paiements de la société, et avait demandé au comptable de se « débrouiller » pour établir un bilan équilibré, ne pouvait pas en déduire qu'à aucun moment le prévenu n'a donné un ordre formel de commettre un délit quelconque ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

" 2°) alors qu'est complice toute personne qui abuse de son autorité ou de son pouvoir ; que la partie civile invoquait, dans ses conclusions régulièrement déposées, l'abus d'autorité et de pouvoir commis par le prévenu, en soulignant la pression psychologique subie par le comptable du fait de la personnalité dominatrice du prévenu, et l'obligation dans laquelle se trouvait le comptable d'obéir à son patron et établir un bilan équilibré par crainte de perdre son emploi ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cet élément constitutif de l'infraction de complicité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour la société B... frères, pris de la violation des articles L. 242-6 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement et relaxé Marcel X... du chef de présentation de comptes inexacts pour l'exercice de l'année 1996 ;

" aux motifs qu'il ressort des éléments de la procédure que Marcel X..., ès qualités de président de la SA CTE a présenté, courant mars 1997, aux actionnaires de cette société, le bilan de l'exercice 1996 et en mars 1998, le bilan relatif à l'exercice 1997 ; qu'en effet, le bilan de l'année 1996 n'était pas exact puisqu'avaient été intégrées en comptabilité et par anticipation, deux factures à venir (sur un total de 223 édictées pour l'exercice), pour la somme de 795 000 francs ; ce qui a eu pour effet une différence à déduire du chiffre d'affaires d'un montant de 305 000 francs ; que pour autant, si l'élément matériel est dès lors constitué, il reste que l'élément intentionnel n'est pas suffisamment caractérisé dès lors que, d'une part, la différence entre le bilan réel qui était de toute façon positif et le bilan présenté ne portait pas sur des sommes significatives qui auraient spécialement dû attirer l'attention du prévenu, et où, d'autre part, les accusations de Jean-Marie Y... qui a tardivement déclaré avoir reçu l'ordre de Marcel X... d'intégrer « la marge balan » ne sont étayées par aucun élément objectif ; qu'en revanche s'agissant de la présentation par Marcel X... des comptes de l'année 1997, l'écart très significatif entre le chiffre d'affaires réel et le chiffre d'affaires présenté entre le montant de la perte nette comptable réelle soit – 2 900 517 francs et celui de la perte nette comptable présentée, soit – 68 775 francs ne peut relever de la simple négligence mais postule nécessairement la conscience par Marcel X... de donner, aux actionnaires, une image infidèle du résultat des opérations de l'exercice et de la situation réelle de la société, alors en état de cessation des paiements ; qu'en effet, en qualité de président, nécessairement attaché aux comptes et à la situation financière globale de sa société mais aussi en homme de terrain, connaissant l'état des commandes dont il avait la responsabilité et plus spécifiquement l'état de l'absence de commandes et de règlement alors surtout que la société n'avait en définitive qu'un seul gros client, soit Elf-Atochem, le prévenu savait, à l'évidence, que les comptes transmis par Jean-Marie Y..., eussent-ils été validés par l'expert-comptable chargé d'établir le bilan ainsi que par le commissaire aux comptes, étaient erronés et qu'une perte de 3 millions de francs avait été masquée d'une manière ou d'une autre, la société étant manifestement en état de cessation des paiements à cette date, circonstance connue de Marcel X... ; qu'une disparité d'une telle importance entre le montant approximatif des pertes auquel devait s'attendre le président et le faible montant des pertes officiellement enregistré, aurait dû, s'il avait été de bonne foi, conduire ce dernier à tout le moins, à solliciter des explications de son comptable salarié et à opérer les vérifications nécessaires avec l'expert-comptable de la fiduciaire, alors surtout que la simple consultation du cahier des commandes et des paiements, tenu dans la société et dont il connaissait parfaitement l'existence, aurait suffi à rectifier les comptes manifestement erronés dans une proportion qui ne laisse aucun doute sur l'intention du prévenu de dissimuler aux actionnaires la véritable situation de la société ; que la décision déférée sera donc confirmée mais seulement en ce qui concerne les comptes présentés aux actionnaires au mois de mars 1998 ; 

" 1°) alors que la cour d'appel, loin de relaxer le prévenu pour le délit de présentation de comptes inexacts concernant le bilan de l'exercice 1996, a confirmé le jugement concernant la culpabilité du prévenu quant au délit de présentation de comptes inexacts pour l'exercice 1996 ; qu'en affirmant dans ses motifs qu'il n'y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qu'en ce qui concerne les comptes relatifs à l'exercice 1997, et en confirmant cependant la décision des premiers juges en ce qui concerne les comptes relatifs aux exercices 1996 et 1997, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision ;

" 2°) alors que, en tout état de cause, la cour d'appel ne peut, sans se contredire, retenir que l'élément intentionnel n'est pas caractérisé concernant le bilan de l'année 1996 aux motifs que la différence entre le bilan réel et le bilan présenté ne portait pas sur des sommes significatives, tout en énonçant que le prévenu, en qualité de président, était attaché aux comptes et à la situation financière de la société, et en qualité d'homme de terrain, connaissait l'état des commandes dont il avait la responsabilité, motifs dont il résulte que le prévenu était parfaitement informé des comptes et avait les connaissances suffisantes pour constater leur inexactitude ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" 3°) alors que, dans ses conclusions d'appel, la partie civile faisait valoir que le prévenu disposait d'un cahier de facturation interne qui constituait son outil de gestion et que le rapport de l'expert-comptable révélait qu'un simple rapprochement du chiffre d'affaires de ce cahier avec le chiffre d'affaires du bilan permettait de déceler une divergence et que Marcel X... n'avait pas pu ne rien remarquer ; qu'en considérant, cependant, que le prévenu ne pouvait rien remarquer concernant la sincérité du bilan, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ; 

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour relaxer Marcel X... des chefs de complicité de faux et d'usage et, pour l'exercice clôturé le 31 décembre 1996, de présentation de comptes annuels infidèles, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle relevait, par ailleurs, que le prévenu avait donné pour consignes que les comptes annuels soient équilibrés, sans qu'importent les méthodes comptables, puis constatait qu'il avait connaissance tant de l'état réel des commandes et de leur paiement que de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société CTE et, enfin, retenait qu'il avait sciemment présenté des comptes inexacts au cessionnaire des actions de cette dernière, la cour d'appel, qui a prononcé par des motifs contradictoires sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; 

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen de cassation proposé pour la société B... frères :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 24 janvier 2007, mais en ses seules dispositions ayant statué sur l'action civile de la société B... frères, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.