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Décisions

Cass. crim., 22 mai 1995, n° 94-82.018

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocat :

SCP Peignot et Garreau

Paris, du 22 mars 1994

22 mars 1994

LA COUR,

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... James, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 22 mars 1994, qui, après avoir condamné Michel Y... pour abus de confiance et Isabelle Z... pour recel, n'a pas entièrement fait droit à ses demandes.

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7, 33, alinéa 3, et 34, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a, par confirmation du jugement entrepris, ordonné la main-levée de l'ordonnance du 30 septembre 1991 et dit que la somme de 5 000 000 de francs consignée par ordonnance du juge d'instruction en date du 30 septembre 1991 devra être réintégrée dans les biens soumis au redressement judiciaire d'Isabelle Z... et de Michel Y... ;

" aux motifs que la créance de nature indemnitaire fixée en faveur de ladite partie civile ayant une origine antérieure au jugement de redressement judiciaire, la Cour, aux fins de satisfaire aux prescriptions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985 imposant à tous les bénéficiaires, fussent-ils privilégiés ou bénéficiant d'une sûreté de participer à la procédure de concours, confirmera le jugement déféré en ce qu'il a ordonné que les fonds litigieux, et ayant fait l'objet d'une consignation, retrouvent leur destination d'origine et soient remis, en conséquence, à la disposition de Maîtres A... et B... pris respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers, pour être par eux réintégrés dans la masse des créanciers ;

" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, seul le tribunal de commerce et le juge commissaire sont compétents pour statuer sur le sort des créances en matière de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises, dès lors que le débiteur a la qualité de commerçant ; que, dès lors, la cour d'appel a, en ordonnant la réintégration de la somme de 5 000 000 de francs, méconnu sa propre compétence ;

" et alors, d'autre part, que le créancier gagiste, partie à une procédure de redressement judiciaire, ne peut être contraint de se dessaisir de la chose gagée ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait ordonner la réintégration de la somme gagée de 5 000 000 de francs " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Michel Y... a détourné, au préjudice de la société X... James qui l'employait, une somme de 4 744 196 francs qui a servi à alimenter la trésorerie d'un fonds de commerce de vins et spiritueux qu'il exploitait en commun avec sa concubine, Isabelle Z... ; qu'au cours de l'information suivie contre eux des chefs, respectivement, d'abus de confiance et de recel, le juge d'instruction a, le 26 avril 1991, ordonné la mise sous scellés du stock de vins ; que le tribunal de commerce ayant, le 7 juin 1991, prononcé le redressement judiciaire d'Isabelle Z..., exploitante en titre dudit fonds, puis le 26 juillet suivant, de Michel Y..., co-exploitant de fait, le juge d'instruction a, par ordonnance du 30 septembre 1991, à la requête de ladministrateur judicaire, donné main-levée des scellés, afin de permettre la vente aux enchères du stock, et ordonné la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d'une somme de 5 000 000 francs sur le produit de la vente ;

Attendu qu'à l'audience de jugement, la société X... James, partie civile, a demandé, outre la fixation du montant de sa créance, la restitution des fonds déposés, sur simple signification de la décision à intervenir, soutenant que l'ordonnance de consignation rendue par le juge d'instruction avait eu pour effet de constituer ladite somme en gage de sa créance, conformément à l'article 2075-1 du Code civil ;

Attendu que, pour refuser la restitution et ordonner que la somme consignée soit réintégrée aux biens soumis à la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel énonce que les prescriptions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985 imposent à tous les créanciers dont la créance a une origine antérieure au jugement de redressement judiciaire, fussent-ils privilégiés ou bénéficiant d'une sûreté, de participer à la procédure collective ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors, en outre, que les dispositions des articles 97 et 99 du Code de procédure pénale, en vertu desquelles le juge d'instruction peut ordonner la saisie et la consignation de sommes d'argent afin de sauvegarder les droits des parties, sont étrangères à l'article 2075-1 du Code civil et ne sauraient engendrer aucun droit au profit de la partie civile, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles 7, 47 et suivants de la loi du 25 janvier 1985, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.