Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-25.925
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocat :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mai 2012), que MM. X... et Y..., associés de la société à responsabilité limitée BBS, exploitant un salon de coiffure à Nîmes, le premier ayant été, en outre, son cogérant, ont obtenu, le 23 mars 2005, le remboursement du solde créditeur de leur compte « courant » d'associé ; qu'après que la société BBS eut été mise en liquidation judiciaire le 24 janvier 2006 et la date de la cessation de ses paiements fixée au 25 juillet 2004, le liquidateur judiciaire a demandé l'annulation des paiements reçus par MM. X... et Y..., faisant valoir qu'ils avaient eu connaissance de l'état de cessation des paiements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande à l'égard de M. X..., alors, selon le moyen :
1°) que le dirigeant d'une société est réputé connaître l'état de cessation des paiements de la société ; qu'ainsi, l'annulation du paiement d'une dette échue survenu en période suspecte n'est pas subordonné à la preuve d'une connaissance personnelle par le bénéficiaire du paiement de l'état de cessation des paiements lorsque le bénéficiaire du paiement n'est autre que le dirigeant de la société ; qu'au cas présent, pour débouter le liquidateur de sa demande d'annulation du remboursement de compte courant d'associé de M. X..., gérant de la SARL BBS, la cour d'appel a affirmé qu'il n'était pas prouvé que M. X... aurait eu personnellement connaissance de l'état de cessation des paiements de la société au jour du remboursement de son compte courant d'associé ; qu'en exigeant ainsi une preuve non nécessaire en raison de la qualité de dirigeant de M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce ;
2°) que le paiement d'une dette échue survenu en période suspecte encourt l'annulation lorsque son bénéficiaire savait ou aurait dû savoir que la société était en état de cessation des paiements ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... était gérant de la SARL BBS et que la société était, depuis le mois d'août 2004 dans une situation déficitaire qui avait donné lieu à des rejets de chèques sans provision ; qu'en déboutant le liquidateur de sa demande d'annulation du remboursement du compte courant de M. X... au motif qu'il n'était pas établi que M. X... aurait eu connaissance de l'état de cessation des paiements de la société lors du remboursement de son compte courant, cependant qu'elle devait rechercher si, au regard de ces éléments, M. X..., en sa qualité de dirigeant, n'aurait pas dû savoir que la société était en état de cessation de paiements, ce qui suffisait à prononcer l'annulation du remboursement de son compte courant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-2 du code de commerce ;
3°) que le dirigeant d'une société doit, en toutes circonstances, s'informer personnellement et directement de la situation financière de son entreprise ; qu'au cas présent, pour considérer que la connaissance par M. X..., gérant de la SARL BBS, de l'état de cessation des paiements de la SARL BBS n'était pas établie, la cour d'appel a relevé que M. X... soutenait qu'il n'aurait pas eu connaissance des rejets de chèque sans provision et d'impayés de cotisations URSSAF, éléments qui n'auraient été connus que de son cogérant, M. Z... ; qu'en faisant droit à de tels arguments, la cour d'appel, qui est partie du postulat qu'un dirigeant pourrait s'abstenir de s'informer par lui-même de la situation financière de son entreprise, a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;
Mais attendu que l'article L. 632-2 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même code, subordonne l'annulation d'un paiement pour dettes échues reçu en période suspecte à la connaissance personnelle par son bénéficiaire de la cessation des paiements du débiteur, sans que cette connaissance résulte nécessairement, lorsque celui-ci est une personne morale, de la qualité de dirigeant du bénéficiaire ; qu'ayant relevé que, bien qu'il ait été cogérant de la société BBS, M. X..., qui exploitait personnellement un salon de coiffure à Lyon, n'était pas présent à Nîmes, seul M. Z..., autre cogérant, ayant la gestion du salon exploité en ce lieu, que MM. X... et Z... étaient en conflit et que, sans être contesté, M. X... faisait valoir qu'en raison de ce conflit et de son absence, il n'était pas informé du rejet de chèques et du non-paiement de cotisations sociales, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et par une décision motivée, estimer que M. X... n'avait pas connaissance de l'état de cessation des paiements de la société BBS au moment du remboursement de son compte courant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait le même grief à l'arrêt en ce qui concerne M. Y..., alors, selon le moyen, qu'en présence de remboursements de comptes courants scellant le départ concomitant de deux associés, la connaissance par l'un d'eux de l'état de cessation des paiements de la société ne peut être appréciée sans prendre en compte la connaissance dont dispose l'autre associé de la situation de la société ; qu'en appréciant la connaissance par M. Y... de l'état de cessation des paiements de la SARL BBS en prenant en compte sa seule qualité d'associé, cependant que, du fait de la concomitance des deux opérations, la connaissance par M. Y... de l'état de cessation des paiements de la SARL BBS ne pouvait être appréciée sans prendre en compte celle dont disposait M. X..., associé et gérant de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce ;
Mais attendu que la connaissance de l'état de cessation des paiements exigée par l'article L. 632-2 du code de commerce est personnelle à chaque bénéficiaire d'un paiement annulable ; que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel n'était, dès lors, pas tenue, même en présence de paiements concomitants, d'apprécier la connaissance par M. Y... de l'état de cessation des paiements de la société BBS en fonction de celle que pouvait en avoir M. X... et qu'elle a, au surplus, écartée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.