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Décisions

Cass. crim., 26 septembre 1996, n° 95-82.745

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culie

Agen, ch. corr., du 23 mars 1995

23 mars 1995

Statuant sur les pourvois formés par X... Pierre, - A... Georges, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 23 mars 1995, qui a condamné le premier, pour abus de confiance et banqueroute, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende et 5 ans de privation des droits d'éligibilité, le second, pour banqueroute, à 3 mois d' emprisonnement avec sursis;

Joignant les pourvois en raison de la connexité;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour X et pris de la violation des articles 408 ancien du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir, de l'année 1983 à 1991, commis un abus de confiance relativement à la subvention régionale versée au titre de l'indemnisation des frais de déplacement des apprentis;

"aux motifs que la chambre de métiers avait détourné les excédents de subventions versées pour l'indemnisation des frais de déplacement des apprentis à la fin de chaque période annuelle, et ce, au moins depuis 1986; que, depuis au moins l'année 1985 et jusqu'en 1990 compris, à l'exception de l'année 1988, seule une faible partie des apprentis du CFA avait pu bénéficier desdites primes; que X avait pris l'initiative de donner à la plus grande partie des primes de transport une destination non prévue, en les immobilisant de deux manières, soit en plaçant une partie à court terme sous forme de bons de sociétés financières ou bons de caisse, soit en affectant une autre partie à des travaux d'équipement du centre de formation des métiers de 1983 à 1991, au fonctionnement dudit centre (en 1982 et 1983), à l'animation socioculturelle effectuée au profit du public accueilli et notamment les apprentis et à la mise à disposition d'un service de ramassage scolaire fonctionnant entre le centre de formation et la gare d'Agen; que l'intention frauduleuse du prévenu résultait de ce qu'il avait agi en toute connaissance de cause, au moins de 1986 à 1990, y compris pendant l'année 1988 en ce qui concernait les excédents non distribuables; que l'existence d'un contrôle, voire d'un aval de l'autorité administrative de tutelle, et l'absence de profit personnel n'étaient pas de nature à exonérer X de sa responsabilité;

"alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent connaître d'autres faits que ceux dont ils ont été saisis par l'ordonnance de renvoi; que la prévention avait limité la saisine des juges correctionnels aux seuls éventuels détournements commis de 1989 à 1991; que, dès lors, en aucun cas la cour d'appel ne pouvait fonder la déclaration de culpabilité sur le fait que les subventions de transport des apprentis versées annuellement depuis 1982 par le conseil régional ne leur avaient pas été versées et qu'elles avaient été immobilisées, entre 1983 et 1989, soit dans les placements à court terme, soit à des fins d'équipement ou de fonctionnement du centre de formation des apprentis; qu'en se déterminant par les motifs sus rapportés, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et prononcé une déclaration de culpabilité illégale; 

"alors, d'autre part, que l'abus de confiance n'est constitué que si son auteur a détourné ou dissipé les fonds remis; qu'en aucun de ces motifs la Cour ne s'explique sur les sommes qui auraient été prétendument détournées entre 1989 et 1991, seule période visée par la prévention; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale;

"alors, de troisième part, que la simple impossibilité de restituer à première demande, dès lors que cette impossibilité n'est pas absolue, ne caractérise pas un détournement constitutif de l'abus de confiance; qu'en déclarant le prévenu coupable d'abus de confiance sans constater que la restitution des fonds était purement et simplement impossible, la cour d'appel a violé l'article 408 ancien du Code pénal et prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors de quatrième part, que le contrôle ou l'aval de l'autorité de tutelle pour donner aux fonds remis une affectation différente de celle qui avait été initialement prévue exclut qu'une telle affectation soit constitutive d'un détournement punissable; que cette circonstance était de nature à exonérer le prévenu de sa responsabilité et qu'en déclarant le contraire la cour d'appel a derechef violé le texte susvisé et prononcé une déclaration de culpabilité illégale; 

"alors, enfin, que l'abus de confiance suppose une intention frauduleuse; que l'arrêt attaqué constate que les fonds non distribués avaient été soit placés au nom de la chambre de métiers, c'est-à-dire dans un but collectif, soit utilisés à des travaux d'intérêt collectif pour le centre de formation des apprentis ou pour l'organisation d'un service de ramassage scolaire (arrêt p. 15), ce qui est, dans l'un et l'autre cas, exclusif de toute intention frauduleuse ; qu'en tout état de cause la Cour, qui constate que cette intention n'existait que de 1986 à 1990, ne pouvait, sans violer le texte susvisé, déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance pour des faits commis de 1983 à 1986";

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour X et pris de la violation des articles 408 ancien du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance pour avoir apporté des aides au CADAB;

"aux motifs qu'une avance de trésorerie de 90 000 francs de la chambre de métiers en date du 10 décembre 1986 a été créditée au bénéfice du CADAB pour l'achat d'un véhicule trafic Renault sans qu'il soit justifié d'une décision de l'assemblée générale ou du bureau ; que des frais ont été supportés à partir de 1984 au profit du CADAB pour un montant de 56 114,61 francs à des titres divers; que ces aides accordées à une société morale de droit privé étaient manifestement hors du champ d'action d'une chambre de métiers; que ces détournements injustifiés ont été commis pendant plusieurs années, démontrant une volonté réitérée de leur auteur dont l'intention frauduleuse est ainsi manifeste; que la circonstance que le véhicule trafic Renault ait été récupéré par la chambre trois ans après ne faisait pas disparaître le caractère délictueux du détournement;

"alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits qui leur sont déférés par le titre de la saisine ; que la prévention visant exclusivement des faits commis entre 1989 et 1991, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en entrant en voie de condamnation sur le fondement de faits commis antérieurement à 1989;

"alors, d'autre part, que, faute d'avoir constaté qu'aucune des aides apportées au CADAB l'avait été à compter de 1989, la cour d'appel n'a donné aucune base légale à la déclaration de culpabilité";

Les moyens étant réunis ;

Sur le premier moyen pris en sa première branche et sur le troisième moyen;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au cours de l'année 1991, le trésorier de la chambre de métiers du Lot-et-Garonne a porté à la connaissance de cette dernière, puis des autorités de tutelle et du ministère public, les détournements commis depuis 1982 par X, président de cet établissement public, qui a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour divers abus de confiance commis "de 1989 à 1991 et depuis temps non couvert par la prescription";

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que ces faits avaient donné lieu, dès 1991, à une enquête préliminaire et à une information, énonce que, malgré l' ancienneté de certains d'entre eux, les détournements reprochés ne sont pas couverts par la prescription;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que la prescription de l'abus de confiance ne commence à courir que du jour où les détournements sont apparus et ont pu être constatés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués;

Sur le premier moyen pris en ses autres branches ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en application d'une convention du 25 novembre 1985, la région Aquitaine verse à la chambre de métiers du Lot-et-Garonne une subvention en vue de rembourser, suivant des critères définis, les frais de transport, d'hébergement et de repas exposés par les apprentis du centre de formation dépendant d'elle; que cette subvention fait l'objet d'avances et que l'excédent versé doit être restitué mais peut, sur décision du président du Conseil régional, être considéré comme une avance de subvention pour l'année à venir; que, X, président de la chambre de métiers, a substitué ses propres critères de versement personnels à ceux retenus pas le Conseil régional et qu'ainsi, depuis 1985, la chambre de métiers n'a réellement payé à des apprentis que 5% environ de la subvention annuelle, le surplus étant affecté par lui à des placements à court terme, à des travaux d'équipement, à de l'animation socio-culturelle ou à du ramassage scolaire;

Attendu que pour déclarer X coupable d'abus de confiance, les juges retiennent que la subvention annuelle était versée à la chambre de métiers, organisme gestionnaire, pour une destination prédéterminée avec le mandat exprès du conseil régional de recevoir les fonds et de les distribuer aux personnes dans l'intérêt desquelles la demande de subvention avait été présentée; que, faute d'avoir obtenu une décision du président du conseil régional valant avance pour l'année à venir, l'excédent de subvention aurait dû être restitué sans mise en demeure ; qu'ils relèvent que la responsabilité des détournements incombe à X, représentant légal et statutaire de la chambre de métiers, qui, en sa qualité d'ordonnateur, était seul habilité à engager les dépenses de cet établissement public; qu' ils concluent qu'en donnant aux fonds une destination autre que celle prévue, X, en toute connaissance de cause, les a détournés sans qu'il puisse se prévaloir ni de l'absence de profit personnel ni d'une approbation tacite du conseil régional qui n'a jamais été avisé de l'existence de fonds non distribués;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit d' abus de confiance retenu à la charge du prévenu;

Que, dès lors, le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne peut être admis;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour X et pris de la violation des articles 408 ancien du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance pour avoir abusé de ses fonctions en percevant, pour les années 1988, 1989 et 1990, un treizième mois;

"alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent, sans commettre un excès de pouvoir, connaître d'autres faits que ceux qui leur sont déférés par le titre de la saisine; que la prévention ne visait que les années 1989 à 1991; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, la perception d'un treizième mois pour l'année 1988, la cour d'appel a excédé sa saisine;

"alors, d'autre part, que, faute d'avoir constaté que l'allocation d'un treizième mois était un détournement ou une dissipation des fonds de la chambre de métiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité;

"alors, enfin, que l'abus de confiance suppose une intention frauduleuse; que le fait d'avoir commis une négligence en omettant de vérifier la régularité des dépenses engagées même à son profit n'implique nullement que le prévenu ait voulu causer une préjudice à la chambre de métiers; que, faute d'avoir caractérisé l'intention frauduleuse du prévenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X a perçu de 1988 à 1990 une indemnité de fin d'année dite de treizième mois prévue pour les membres du personnel administratif de la chambre de métiers;

Attendu que, pour le condamner encore du chef d' abus de confiance, les juges relèvent que, selon les dispositions du décret du 16 juillet 1952 réglementant les chambres de métiers, ses fonctions étaient gratuites et ne pouvaient donner lieu qu'à l'attribution d'indemnités de mandat et au remboursement de frais de déplacement ou de représentation ; qu'ils énoncent que X ne saurait invoquer une inadvertance ou une erreur de droit et qu'en sa qualité d'ordonnateur des dépenses, il avait d'autant plus le devoir de vérifier la régularité de celles-ci qu'il s'agissait en l'espèce de sommes versées à son profit;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que X a sciemment détourné des fonds qu'il détenait comme mandataire, la cour d'appel a, sans excéder les limites de sa saisine, justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté;

Attendu que, la peine se trouvant ainsi justifiée par cette déclaration de culpabilité, il n'y a pas lieu d'examiner les quatrième et cinquième moyens proposés relatifs à d'autres abus de confiance et au délit de banqueroute dont le demandeur a été également déclaré coupable;

Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour Georges A... et pris de la violation des articles 121-1, 121-2, 121-3, 121-4 nouveaux, 402 et 403 anciens du Code pénal, 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de banqueroute pour avoir, en 1989, employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds;

"aux motifs que, le 22 mars 1989 alors qu'il connaissait parfaitement la situation financière du CADAB, il avait sciemment participé à la décision de recours à une nouvelle avance de trésorerie alors qu'il était encore le dirigeant de fait de cette société; 

"alors, d'une part, que le juge correctionnel ne peut statuer sur d'autres faits que ceux visés dans le titre de la saisine; que la prévention ne reprochait pas au prévenu d'avoir, le 22 mars 1989, pris part à la décision, prise à l'unanimité de ses membres, du bureau de la chambre de métiers autorisant le gage, au bénéfice du CADAB, de 500 000 francs de bons de caisse de la chambre des métiers ni le fait que le 11 mai 1989 la BPQA ait viré la somme de 200 000 francs au CADAB avant le nantissement de bon de caisse effectué le 13 juillet suivant; que, dès lors, en se fondant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu sur des faits qui n'étaient pas visés par la prévention, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, d'autre part, et subsidiairement, que seule peut être recherchée la responsabilité pénale des dirigeants de droit ou de fait qui ont pris et exécuté personnellement la décision de procurer des fonds à une entreprise en difficulté par des moyens ruineux; qu'en l'espèce il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la décision du bureau de la chambre de métiers, en date du 22 mars 1989, d'autoriser la mise en gage de bons de caisse de la chambre de métiers au bénéfice du CADAB a été prise à l'unanimité de ses membres et que l'avance de trésorerie de 200 000 francs a été effectuée par la banque le 11 mai 1989, jour où le prévenu s'est démis de ses fonctions; qu'il n'est pas constaté et d'ailleurs nullement établi que le prévenu avait lui-même demandé à la banque l'avance de trésorerie; que, par ailleurs, il résulte des énonciations du jugement que, selon les déclarations de X, de M. B... et de Me Z..., mandataire liquidateur, M. Y... assumait depuis mai 1989 la direction de fait du CADAB, que lors de l'assemblée générale du 14 juin 1989 il apparaissait comme le responsable de fait de cette structure et présentait personnellement un plan de restructuration de celle-ci devant permettre la poursuite de son activité et qu'en sollicitant le 13 juillet 1989 l'extension des bons de caisse sur le compte de la chambre des métiers auprès de la BPQA, il obtenait la poursuite du découvert du CADAB 47 et contribuait par là même à accroître un passif auquel il était dans l'incapacité de faire face; que, faute d'une part de s'être expliquée sur ces motifs du jugement qui établissaient que Georges A... était étranger au nantissement des bons de caisse de la chambre de métiers du 13 juillet 1989, et d'autre part d'avoir constaté un fait personnel du prévenu dans l'obtention de l'avance consentie le 11 mai 1989, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité;

"alors, de troisième part, que les dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale en redressement judiciaire ne peuvent être déclarés coupables de banqueroute qu'à la double condition d'avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds; que le fait de consentir à une entreprise une avance de trésorerie sans frais ne constitue pas un moyen ruineux de lui procurer des fonds; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, à relever qu'au regard de sa situation obérée le CADAB n'était pas en mesure de pouvoir rembourser l'avance supplémentaire de 200 000 francs consentie par le BPQA grâce au nantissement d'un bon de caisse de la chambre de métiers cependant que le nantissement consenti jusqu'au 31 août 1989 ne constituait pas un moyen ruineux de se procurer des fonds, la cour d'appel a violé les articles 197 de la loi du 25 janvier 1985 et 402 du Code pénal et prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, enfin, qu'il est constant que la cessation des paiements a été fixée par le tribunal de commerce au 19 juin 1990; que c'est donc à cette date que la situation du CADAB s'est trouvée irrémédiablement compromise; qu'ainsi, en l'absence d'un état de cessation des paiements caractérisé dès 1989, qui, seul, eût pu permettre de considérer que l'avance de fonds avait été destinée à retarder le redressement judiciaire, l'avance supplémentaire de 200 000 francs consentie le 13 juillet 1989 jusqu'au 31 août 1989 n'a pas été destinée à retarder l'ouverture de la procédure du redressement judiciaire et ne constituait nullement un moyen ruineux de se procurer des fonds; qu'il s'ensuit qu'à supposer qu'il puisse lui être imputé d'avoir sollicité cette avance en participant, plus de 15 mois avant la date de cessation des paiements, à la décision du 22 mars 1989, le prévenu n'a nullement commis le délit qui lui est reproché et que la déclaration de culpabilité est illégale"; 

Vu lesdits articles ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société CADAB 47, dont Georges A... était dirigeant de fait, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 22 juin 1990, puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 juillet 1990; que le prévenu avait sollicité et obtenu d'une banque, en mars 1989, une avance de 200 000 francs, garantie par un nantissement de bons de caisse consenti par la chambre de métiers du Lot-et-Garonne;

Attendu que, pour déclarer Georges A... coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds, les juges énoncent que la société, qui se trouvait en état de cessation des paiements depuis la fin de l'exercice 1986, n'était manifestement pas en mesure de rembourser ce prêt, lequel avait permis de retarder l'ouverture d'une procédure collective;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si l'emprunt contracté par le prévenu, dont les conditions ne sont pas précisées, avait constitué un moyen ruineux de se procurer des fonds, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision; Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE l' arrêt de la cour d' appel d'Agen, en date du 23 mars 1995, mais en ses seules dispositions ayant condamné Georges A... du chef de banqueroute, toutes autres dispositions dudit arrêt demeurant expressément maintenues;

Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.