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Décisions

Cass. crim., 18 novembre 1991, n° 91-81.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Hecquard

Avocat général :

Mme Pradain

Avocats :

Me Bouthors, Me Copper-Royer

Nancy, ch. corr., du 18 janv. 1991

18 janvier 1991

REJET du pourvoi formé par :

- X... Richard,

- X... Gilbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 1991 qui les a condamnés, le premier pour abus de biens sociaux, présentation et publication de comptes annuels infidèles, faux en écriture de commerce et usage de faux, banqueroute, à 28 mois d'emprisonnement dont 24 mois avec sursis et 300 000 francs d'amende et a prononcé sa faillite personnelle pendant 10 ans, le second pour complicité de banqueroute à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 60 000 francs d'amende.

LA COUR, 

Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 425. 4° de la loi du 24 juillet 1966, 196, 197, 198 et 199 de la loi du 25 janvier 1985, 60, 402 et 403 du Code pénal, 147, 150 et 151 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Richard X... coupable d'abus de biens sociaux, faux en écriture de commerce et banqueroute, et Gilbert X... coupable de complicité du délit de banqueroute commis par son fils, et les a condamnés à diverses peines ;

" alors que le délit visé à l'article 425. 4° de la loi du 24 juillet 1966, celui de faux et celui de banqueroute, supposent l'existence d'un élément intentionnel ; qu'à défaut de constater l'existence de cet élément moral des infractions, les juges du fond ont privé leur décision de base légale " :

Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 197 de la loi du 25 janvier 1985, 60, 402 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Richard X... coupable de banqueroute et Gilbert X... complice du délit ainsi retenu contre son fils ;

" aux motifs propres que le tribunal correctionnel avait parfaitement le droit de choisir la date de cessation des paiements et de la fixer au 28 juin 1986 ; que la loi du 25 janvier 1985 ne lui en fait pas l'interdiction (arrêt p. 4, paragraphe 8) ;

" et aux motifs propres des premiers juges que... les infractions commises, leurs motivations et le rôle joué par Gilbert X... et Pierre Y... sont matérialisés par le compte rendu écrit de la main de Y... (père de l'épouse d'Alain X...) lors de la réunion déjà évoquée qui s'est tenue le 28 juin 1986 dans les locaux d'OPN à Jarville, réunion à laquelle participaient Richard X..., son père Gilbert, Pierre Y... (beau-père de son frère Alain) et Marcel A..., l'expert-comptable de la société, ce dernier quittant les lieux en cours de réunion ;... que la teneur de cette réunion a été confirmée y compris au cours de l'audience par Pierre Y... appelé comme conseiller pour tenter de sauver ce qui pouvait l'être avant le 5 / 6 juillet la marchandise qui plausiblement vis-à-vis de vos gens peut appartenir à la NEP... ; que cette réunion, alors que la société était en état de cessation des paiements, a donc été l'occasion pour Richard X..., avec les conseils de son père Gilbert et de M. Y... de mettre au point le plan d'action défini plus haut et ce faisant de commettre le délit de banqueroute tel que défini plus haut ; ... que le délit de complicité reproché à Gilbert X... (qui a été bénéficiaire de l'opération en premier chef puisqu'il est actuellement le gérant de droit de la nouvelle société), et à M. Y... est ainsi parfaitement caractérisé, c'est-à-dire suivant les termes employés : - sauver les engagements donnés par Richard sous forme de caution (ce qui a été en partie fait) ; - la poursuite de l'activité d'OPN (ce qui a été fait en présentant de faux bilans) ; - sauver la SCI (ce qui a été fait en la payant prioritairement) ; - ne pas planter NEP (entreprise d'Alain X...) ; - écarter T. Z... de la poursuite de l'activité OPN ; - essayer de sauver tout ou partie du compte courant Richard constitué en vue de l'augmentation de capital envisagé (ce qui a été fait comme cela a déjà été vu) " ; que ce document, essentiel, relate les dispositions destinées de toute évidence à préserver au maximum les intérêts de Richard X... et de sa famille au détriment de ses créanciers et de son associé et à permettre la reprise des activités dans le cadre d'un plan de cession au profit d'une nouvelle société dirigée par Gilbert X... et dénommée Le Prêt à décorer (SARL au capital de 100 000 francs), but qui s'est d'ailleurs malheureusement réalisé ; que la lecture des plans de trésorerie pour les mois de juillet et août établis par M. Y... dans sa note est significative puisqu'ils ne prévoient aucun règlement des fournisseurs à l'exception de la NEP et d'une réserve de 200 000 francs sur août destinée exclusivement à permettre un paiement comptant pour ceux qui en feraient un préalable à la livraison (cf. p. 5) ; qu'il est nettement indiqué page 9 de ce document : j'ai l'impression qu'ils (les fournisseurs) vont être plantés de tout ce qu'ils auront livré ; " que cette même note envisage même (p. 8) le déménagement de la camelote pour lequel manifestement d'ailleurs M. Y... formule son désaccord mais pour lequel il conseille de très discrètement et sans l'aide de qui que ce soit... rapatrier sur Vitry, immédiatement (jugement p. 9, paragraphes 7 et s., p. 10, paragraphes 1 à 4) ;

" alors que le délit de banqueroute ne pouvant être retenu qu'en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la seule date de cessation des paiements à prendre en compte était celle du 31 août 1986 fixée par les juridictions civiles ; qu'en déclarant Gilbert X... complice d'un délit de banqueroute en retenant contre lui des faits du 28 juin 1986, donc antérieurs à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond ont caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et de faux en écriture de commerce retenus à la charge de Richard X... ainsi que celui de banqueroute dont ils ont déclaré ce prévenu coupable et Gilbert X... complice ;

Que les demandeurs font vainement grief à la cour d'appel d'avoir retenu comme constitutif du délit de banqueroute certains détournements d'actif qui auraient été commis antérieurement à la date de cessation des paiements, telle que fixée par le jugement ordonnant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Qu'en effet, pour déclarer constitué le délit de banqueroute, le juge répressif a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction consulaire ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.