Livv
Décisions

Cass. crim., 19 octobre 2011, n° 11-80.509

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocat :

SCP Lyon-Caen et Thiriez

Amiens, du 15 déc. 2010

15 décembre 2010

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Blondine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2010, qui, pour banqueroute, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende et à cinq ans d'interdiction de gérer toute entreprise commerciale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du code pénal, 339 de la loi du 16 décembre 1992, L. 123-12 et L. 123-13, L. 654-2 du code de commerce, 459 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de banqueroute et l'a condamnée à payer une amende de 3 000 euros et a prononcé, à titre de peine complémentaire, une mesure d'interdiction de gérer, diriger, contrôler toute entreprise commerciale pendant une durée de cinq ans ;

" aux motifs qu'il est constant, ainsi qu'en a convenu Mme X... que la comptabilité sociale n'a pas été tenue conformément aux prescriptions légales pour les exercices 2006 et 2007 ; qu'elle n'a pu présenter ni au tribunal de commerce ni au liquidateur, les bilans et les comptes annuels afférents à ces deux exercices ; que la tenue de comptabilité sociale incombait personnellement au gérant de la société concernée et, si ce dernier avait constaté être dans l'impossibilité d'assumer ses fonctions, il lui appartenait de provoquer son remplacement par la désignation d'un nouveau gérant ou d'un administrateur provisoire ; que, de même, s'agissant d'une obligation qui lui était personnelle, le gérant ne pouvait se décharger de ses obligations en matière de tenue des comptes sociaux sur un prestataire de service, tel un expert comptable ; qu'aussi est-ce à bon droit que le premier juge a retenu Mme X... dans les liens de la prévention du chef de banqueroute par absence de comptabilité ; qu'eu égard à sa personnalité, non défavorablement connue, son casier judiciaire ne portant mention d'aucune condamnation et aux circonstances ayant présidé à la réalisation des agissements incriminés, ceux-ci s'étant déroulés dans un contexte de gestion commerciale aventureuse, mettant en exergue plus d'incompétence qu'une malhonnêteté avérée, tandis que, devant la cour, la prévenue a convenu ne pas avoir consacré tout le soin attendu de ses fonctions de gérante de société commerciale, à raison de difficultés personnelles, ce que ne l'avait toutefois pas empêché de se consacrer avec une certaine diligence du démarrage d'une autre société poursuivant le même objet, laissant alors s'instaurer une certaine ambiguïté dans la conclusion de marchés de travaux, et ce au détriment de la loyauté et de la transparence devant présider tant aux relations commerciales qu'au déroulement des opérations d'apurement des passifs commerciaux, il sera prononcé au lieu et place de la peine d'emprisonnement, une peine d'amende et à titre de peine complémentaire une mesure d'interdiction de gérer ; 

" 1) alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, selon l'article L. 654-2, modifié, du code de commerce, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé le fait d'avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ; qu'en considérant que la prévenue n'avait pu présenter le bilan et les comptes annuels afférents aux années 2006 et 2007, alors que la comptabilité comprend également le livre journal, voire le grand livre reprenant les mentions du livre journal en fonction du plan comptable, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ces documents comptables n'avaient pas non plus été tenus par la gérante de la société renvoyée devant elle, a privé son arrêt de base légale en retenant pourtant à son encontre la banqueroute pour absence de comptabilité ;

" 2) alors que la banqueroute par absence de comptabilité suppose qu'il soit constaté que l'absence de comptabilité est le résultat d'un comportement délibéré et non seulement de la négligence de la personne responsable de la tenue d'une telle comptabilité ; que, dès lors, faute d'avoir constaté aucun élément permettant d'en déduire le caractère délibéré de l'absence de bilan et de comptes annuels, l'absence de comptabilité ne suffisant pas à établir cette intention coupable, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ;

" 3) alors que, pour retenir la culpabilité de la prévenue, la cour d'appel constate que celle-ci n'établit pas l'impossibilité d'assurer la tenue régulière de la comptabilité en raison de son état de santé, en considérant que cette personne pouvait procéder à la désignation d'un autre gérant si elle n'était pas apte à assurer ses fonctions ; qu'en l'état de tels motifs, la cour d'appel constate au mieux un comportement pouvant être considéré comme négligent, sans qu'il s'en déduise aucune volonté de ne pas tenir une comptabilité et notamment le bilan et les comptes annuels, qui plus est, alors que la gérante poursuivie soutenait que l'expert comptable qu'elle avait choisi avait lui-même manqué à la mission qu'elle lui avait confiée, ce que ne niait pas la cour d'appel ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs de la banqueroute ;

" 4) alors que, en constatant, pour déterminer la peine à prononcer, que le comportement de la prévenue s'expliquait plus par son incompétence que par une malhonnêteté avérée, qui plus est, non caractérisée, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire, considérer que la banqueroute était établie après avoir admis que le comportement de la gérante n'était pas à l'évidence délibéré " ;

Attendu que, d'une part, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ; que le moyen, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus ;

Attendu que, d'autre part, en prononçant comme elle l'a fait, en vertu de son pouvoir d'appréciation des faits et circonstances de la cause, à l'encontre de la prévenue reconnue coupable, une amende pénale et une peine complémentaire d'interdiction fixée à cinq ans, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.