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Décisions

Cass. crim., 30 juin 2004, n° 03-87.427

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Agen, ch. corr., du 23 oct. 2003

23 octobre 2003

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... René,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 2003, qui, pour complicité d'abus de biens sociaux et de banqueroute, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, à 5 ans d'interdiction professionnelle, a prononcé contre lui la faillite personnelle et a statué sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3-4, L. 241-9 du Code de commerce, 121-6 et 121-7 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René X... coupable de complicité d'abus de biens sociaux et l'a condamné à diverses peines ;

"aux motifs que René X... ne conteste pas avoir participé aux assemblées générales de la SARL X... et avoir signé les procès-verbaux de la société, qu'il reconnaît avoir payé une partie des animaux acquis par lui en liquide, sans pouvoir alors ignorer l'origine des fonds ainsi remis ; qu'ainsi sa complicité se trouve établie dans la mesure où ses actions personnelles ont permis aux dirigeants de droit ou de fait de commettre les infractions qui leurs sont reprochées ;

"et, aux motifs adoptés, qu'au courant de tout, René X... n'a jamais fait la moindre observation sur la gestion de la SARL, ni à son frère, ni à son neveu, sa qualité de salarié de la SARL Lacombe étant à l'origine du détournement de l'actif de la SARL X... au profit de cette autre société ;

"alors que, d'une part, après la cessation des paiements, le délit d'abus de biens sociaux ne peut plus être retenu à l'encontre du dirigeant social ; que la cour d'appel ayant elle-même fixé cette date au 31 décembre 1996, cette infraction ne pouvait être retenue à l'égard de Franck et Jean X... postérieurement à cette date ; qu'en imputant néanmoins au prévenu la complicité de cette infraction pour des faits postérieurs à la date de cessation des paiements et donc en l'absence de fait principal punissable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

"alors que, d'autre part, la complicité suppose l'accomplissement d'un acte positif antérieur ou concomitant de la réalisation de l'abus de biens sociaux ou résultant, à tout le moins, d'un accord antérieur à la réalisation de celui-ci ; qu'en retenant la complicité de René X... à partir de faits n'induisant de sa part qu'un comportement passif, la cour d'appel n'a pas caractérisé matériellement la complicité reprochée et a violé les textes visés au moyen ;

"alors qu'enfin, le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en retenant la complicité de René X... par les seuls faits de sa participation aux assemblées générales de la société, de sa signature en cette occasion des procès-verbaux et de certains paiements effectués en liquide auprès d'éleveurs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, faute de caractériser l'intention du prévenu de se rendre complice de l'abus de biens sociaux reproché aux auteurs principaux, privant ainsi la Cour de Cassation de la possibilité d'exercer son contrôle sur l'application des textes susvisés" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche: Vu l'article L.241-3-4 du Code de commerce ;

Attendu que la qualification d'abus de biens sociaux ne peut être appliquée aux détournements commis après la date de cessation des paiements par les dirigeants d'une société placée en redressement judiciaire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Franck X... et son père, Jean X..., respectivement gérants de droit et de fait de la société X..., ayant pour objet le négoce de bestiaux, ont procédé, du 1er janvier 1998 au 30 mars 1999, en toute connaissance de cause et de façon persistante, à des ventes à perte, qui, si elles avaient été réalisées dans des conditions normales, auraient dégagé une marge brute de 2.068.605 francs ; que les animaux vendus en Italie étaient partiellement payés en espèces et que les sommes ainsi perçues n'ont pas été retrouvées ;

Attendu que, pour déclarer René X..., associé et salarié de la société, coupable de complicité d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué relève notamment que, participant aux assemblées générales, signant les procès-verbaux et chargé de procéder aux achats d'animaux, réglés pour partie en liquide, il a contribué à la commission des agissements frauduleux reprochés à son frère et à son neveu en tant qu'auteurs principaux ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir rappelé qu'en droit, l'abus de biens sociaux se trouve caractérisé lorsque l'appropriation frauduleuse est commise par un dirigeant de droit ou de fait d'une société qui est encore en mesure d'assurer ses paiements et en fixant au 31 décembre 1996 l'état de cessation des paiements de la SARL X..., de sorte que les faits poursuivis, à les supposer établis, constituaient le délit de banqueroute, les juges, qui n'ont pas tirés les conséquences légales de leurs propres constatations, ont méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue sans qu'il soit besoin d'examiner les deuxième et troisième branches du moyen ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la violation des articles L. 626-1 et L. 626-6 du Code de commerce, de l'article 111-3 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné René X... à la peine complémentaire de la faillite personnelle ;

"alors qu'il n'a jamais été établi que René X..., salarié de la SARL X... et simple associé, ait eu, à une période quelconque de l'existence de celle-ci, la qualité de dirigeant de droit ou de fait ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Vu les articles L. 626-1 et L. 626-6 du Code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 626-6 du Code de commerce que la faillite personnelle ne peut être prononcée par la juridiction répressive, pour banqueroute, qu'à l'égard des personnes visées à l'article L. 626-1 dudit Code ;

Attendu qu'en prononçant cette mesure à l'encontre de René X..., qui n'était ni gérant de droit, ni gérant de fait de la société X..., la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen proposé ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions concernant René X..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 23 octobre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.