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Décisions

Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-20.725

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Paris, du 14 mars 2017

14 mars 2017

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2017), que le 21 juillet 2014, la SARL Auberge de Condé (la SARL), qui exploitait un fonds de commerce de restauration et hôtellerie dans des locaux donnés à bail par la SCI Le Condé (la SCI), a été mise en liquidation judiciaire, la société X... étant nommée liquidateur ; que le 15 avril 2015, ce dernier a assigné la SCI en extension de la liquidation judiciaire de la SARL pour confusion de leurs patrimoines ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de lui étendre la liquidation judiciaire de la SARL alors, selon le moyen :

1°/ que la confusion des patrimoines justifiant l'extension d'une procédure collective suppose des relations financières anormales entre deux personnes se traduisant par une imbrication des éléments d'actif et de passif des personnes considérées ; qu'à ce titre, le renouvellement à loyer constant du bail d'un hôtel-restaurant, pour une surface ne reprenant pas des espaces de parking, n'est pas révélateur d'une confusion des patrimoines ; qu'en se fondant, pour juger établie la confusion des patrimoines entre la SARL et la SCI, sur la circonstance que l'avenant du 3 avril 2014 avait réduit la surface louée de 29 places de parking et qu'il avait eu pour objet de distraire une part importante des biens et lieux loués « sans aucune contrepartie », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de relations financières anormales se traduisant par une imbrication inextricable des éléments d'actifs et de passif, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ que la confusion des patrimoines justifiant l'extension d'une procédure collective suppose des relations financières anormales entre deux personnes se traduisant par une imbrication des éléments d'actif et de passif des personnes considérées ; que, pour étendre la liquidation de la SARL à la SCI, la cour d'appel s'est fondée sur une dation en paiement, attestée par la facture du 17 octobre 2012, de biens dont la valeur était en réalité inférieure au montant facturé, afin de régulariser des impayés eux-mêmes inférieurs à ce montant, suivie par la mise à disposition des biens sans convention ni contrepartie ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser une imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que l'existence de flux financiers anormaux de nature à caractériser une confusion de patrimoines suppose une volonté systématique de procéder à des versements sans contrepartie aux fins de créer une confusion de patrimoines de telle sorte qu'une dissociation entre les sociétés s'avère impossible ; qu'en se fondant sur les seules circonstances de la conclusion de l'avenant du bail en date du 3 avril 2014 et d'une dation en paiement du 17 octobre 2012 suivie de la mise à disposition de matériel sans convention ou contrepartie, sans constater que ces actes, intervenus à plus de deux ans d'intervalle et sans lien entre eux, ne portant que sur une part très limitée des patrimoines des deux sociétés, procédaient d'une même volonté systématique de créer une confusion des patrimoines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce;

Mais attendu que la confusion des patrimoines de plusieurs sociétés peut se caractériser par la seule existence de relations financières anormales entre elles, sans qu'il soit nécessaire de constater que les actifs et passifs des différentes sociétés en cause sont imbriqués de manière inextricable et permanente ; que l'arrêt relève, d'abord, que le 3 avril 2014, soit pendant le cours du bail qui devait s'achever le 21 décembre 2017, la SARL et la SCI ont conclu un avenant réduisant la surface des biens loués, en supprimant la location de vingt-neuf places de stationnement, et ce, sans indemnité ni modification de loyer ; que l'arrêt en déduit que cet avenant a eu pour objet de distraire une part importante des biens et lieux loués, telle qu'elle figurait dans le bail initial, sans aucune contrepartie ; qu'ensuite, ayant constaté que, le 17 octobre 2012, la SARL a vendu à la SCI des matériels et du mobilier au prix de 287 040 euros TTC en paiement de loyers impayés, l'arrêt relève, d'un côté, qu'il n'est pas justifié que la SARL fût redevable d'une telle somme, les documents comptables révélant un arriéré de loyers largement inférieur de 182 397,68 euros, de l'autre, que la valeur des matériels cédés, 50 931 euros selon la valeur nette comptable au 30 septembre 2012 et 148 256 euros selon la valeur brute, était bien inférieure au prix visé dans l'acte de vente et, enfin, que la SARL a continué de faire usage des mobiliers et matériels vendus sans conclusion d'une convention de mise à disposition, ni contrepartie à cette mise à disposition ; que l'arrêt en déduit que cette opération est injustifiée sur le plan économique, financier et comptable ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a caractérisé l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines des deux sociétés et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.