CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 28 avril 2021, n° 19/01775
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Odis Auto (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 août 2017, Mme Nadhuifati H. a acquis auprès de la SASU ODIS AUTO un véhicule d'occasion de marque Renault modèle Mégane Scénic immatriculé CH-815-CY, d'un kilométrage de 219 133 km, moyennant un prix de 2 400 euros.
A la suite de dysfonctionnements du véhicule, Mme H. a fait effectuer une recherche de panne auprès du garage B. AUTOMOBILES situé à Clermont-Ferrand le 6 septembre 2017. Ce dernier a chiffré les réparations à hauteur de 2 284,49 euros.
Par ordonnance du 14 juin 2018, le juge des référés du tribunal d'instance de Clermont-Ferrand, saisi par acte du 20 mars 2018 à la demande de Mme H., a désigné M. Jean-Michel D., expert.
Celui-ci a déposé son rapport le 28 novembre 2018.
En l'absence d'accord amiable, Mme Nadhuifati H. a fait assigner la SASU ODIS AUTO devant le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand aux fins de voir prononcer la résolution de la vente pour vice caché et la condamnation de celle-ci à réparer les préjudices subis.
Par jugement du 20 août 2019, le tribunal a débouté Mme H. de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la SASU ODIS AUTO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Il a débouté la défenderesse du surplus de ses demandes.
Mme Nadhuifati H. a interjeté appel du jugement suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 5 septembre 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 25 novembre 2019, elle demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de réformer le jugement et statuant à nouveau de :
- prononcer la résolution de la vente du véhicule pour vices cachés ;
- condamner en conséquence la SASU ODIS AUTO à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
- condamner Mme H. à restituer ledit véhicule à la SASU ODIS AUTO en son siège social à Clermont-Ferrand ;
- condamner la SASU ODIS AUTO à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;
- condamner la SASU ODIS AUTO aux dépens.
Elle soutient qu'il ressort de l'expertise judiciaire que le véhicule présente de nombreux défauts qui préexistaient à la vente et qui n'étaient pas apparents. L'expert énonce qu'il présente un défaut d'entretien, le minimum de révision pour une mise à la route n'ayant pas été effectué par le garagiste : au kilométrage de 221 770 km, l'embrayage et le volant bi-masse auraient dû être remplacés avant la vente, un simple essai par un professionnel permettait de sentir l'usure, les pneumatiques étaient en fin de vie, les vitres des phares étaient opaques et le frein à main ne fonctionnait pas.
Elle estime que l'absence de défaut mentionné au sein du contrôle technique ne conférait pas un blanc-seing au vendeur professionnel quant à la qualité de la voiture qu'il vendait.
Elle ajoute que les défauts se sont manifestés rapidement, moins de quatre semaines après l'acquisition et après 900 km parcourus, ce qui ne constitue nullement une utilisation soutenue de la voiture comme l'a retenu le tribunal.
S'agissant des dommages et intérêts, elle invoque un préjudice d'immobilisation à hauteur de 30 euros par mois et un préjudice financier de 64 euros par mois correspondant au coût des cotisations d'assurance.
Dans ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 17 février 2020, la SASU ODIS AUTO demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Elle sollicite de :
- voir juger infondée Mme H. en sa demande de résolution au titre de la garantie des vices cachés, faute de rapporter la preuve de l'existence d'un vice antérieur, caché et rendant le véhicule impropre à sa destination ;
- débouter en conséquence Mme H. de l'ensemble de ses demandes ;
- à tout le moins, débouter Mme H. de sa demande indemnitaire ;
- condamner Mme H. au paiement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle souligne en premier lieu les carences du rapport d'expertise judiciaire, qui affirme que le moteur ne fonctionne pas correctement sans plus d'explication ou encore, qui donne un avis technique alors que l'expert indique ne pas avoir pu ouvrir le capot lors de l'expertise.
Elle considère par ailleurs que le rapport est en contradiction avec le contrôle technique réalisé un jour avant la vente, qui ne fait état d'aucun défaut nécessitant une contre-visite : le véhicule était donc en mesure de rouler sans aucune difficulté, sans quoi une contre-visite aurait été nécessaire.
Elle fait valoir qu'un véhicule de 14 ans avec un kilométrage de 219 133 km souffrait nécessairement de problèmes d'usure. Les anomalies retenues correspondent à de l'usure inhérente à l'ancienneté du véhicule et non à une question d'entretien, sachant que des pièces usées peuvent être conservées afin d'assurer un prix de vente d'occasion faible.
Enfin, elle soutient que la demande indemnitaire au titre des primes d'assurance doit être rejetée car le document produit ne justifie pas du quantum des primes payées, et que le véhicule étant roulant, la prime correspond à un usage potentiel de celui-ci.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2021.
MOTIFS
En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères : un vice antérieur à la vente, rendant la chose impropre à sa destination, et dont l'acheteur ne pouvait se convaincre avant la vente.
L'article 1642 du code civil énonce que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Le vendeur n'est pas tenu à garantie lorsque l'acheteur a eu connaissance, au moment de la vente, du vice dont la chose vendue était affectée.
En l'espèce Mme H. a acquis le véhicule litigieux le 4 août 2017 auprès d'un vendeur professionnel la SASU ODIS AUTO au prix de 2 400 euros. Il s'agissait d'un véhicule Renault Mégane Scénic mis en circulation le 7 octobre 2003, âgé de 14 ans, et présentant un kilométrage de 219 133 km.
A la suite de dysfonctionnements du véhicule, Mme H. a fait effectuer une recherche de panne auprès du garage B. AUTOMOBILES situé à Clermont-Ferrand le 6 septembre 2017 : le véhicule présentait alors un kilométrage de 220 056 kms
Le contrôle technique réalisé la veille de la vente, le 3 août 2017, mentionnait :
« Défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite :
3.2.2.1.1. commande de rétroviseur extérieur : non fonctionnement D,G
4.2.1.1.2. feu de croisement : détérioration mineure de la glace et/ou du réflecteur : D,G
6.1.6.1.3. bas de caisse, pied milieu : déformation mineure : D
6.2.6.1.1. pare-boue, protection sous moteur : anomalie de fixation et/ou mauvais état : AV
7.3.1.1.1. coussin gonflable : détérioration et/ou témoin de mauvais fonctionnement allumé.
Essais de freinage réalisé selon des méthodes spécifiques ».
Dans le cadre de l'expertise judiciaire, l'expert a relevé sur le véhicule qui présentait alors un kilométrage de 221 770 km, les désordres suivants :
- les deux phares avant sont complètement opaques au niveau des vitres, il faudra les lustrer ;
- les deux pneus avant sont hors d'usage ;
- la vitre avant droite fonctionne par intermittence ;
- le voyant d'airbag est allumé au tableau de bord ;
- le voyant de frein de parc est allumé ;
- le frein de parc ne se déverrouille pas et lorsqu'on arrive à le déverrouiller, il ne se reverrouille pas normalement ;
- le moteur ne fonctionne pas correctement ;
- le volant bi-masse est hors d'usage ;
- le capot moteur ne peut pas être ouvert la commande est cassée.
Interrogé sur les moyens pour remédier aux désordres, l'expert conclut que le véhicule est impropre à l'usage auquel il est destiné et afin de lui permettre d'être un minimum utilisé, il faudrait remplacer : le système de frein de parc, l'embrayage, le volant bi-masse, les pneus avant et lustrer les deux phares avant. Il relève en outre que le garage Renault a soulevé un problème au niveau des injecteurs.
L'expert considère que « tous ces désordres étaient obligatoirement préexistants à la vente du véhicule et pour la majorité, ne pouvaient pas être décelés par l'examen ordinaire d'un profane. Cela provient uniquement d'un défaut d'entretien du véhicule avant la vente, à savoir que le minimum de révision pour une mise à la route n'a pas été effectué par le garagiste ».
Néanmoins, le tribunal a tout d'abord à bon droit considéré que l'opacité des phares et l'usure des pneus étaient des vices apparents dans la mesure où :
- le contrôle technique du 3 août 2017 mentionnait « feu de croisement : détérioration mineure de la glace et/ou du réflecteur : D, G » ;
- au vu des photographies des pneus réalisées lors de l'expertise, leur niveau d'usure apparaissait flagrant et ne pouvait pas manquer d'être décelé par un acquéreur même profane.
Le problème concernant le voyant de l'airbag au tableau de bord était lui aussi mentionné dans le contrôle technique.
S'agissant du problème affectant le moteur, l'expert s'est contenté d'affirmer « le moteur ne fonctionne pas correctement » après avoir indiqué qu'un essai du véhicule avait été effectué. Toutefois, l'expert poursuit en expliquant qu'il s'est trouvé devant l'impossibilité d'ouvrir le capot moteur, la commande étant cassée et Mme H. ne souhaitant pas engager de frais supplémentaires pour que Renault intervienne afin de déverrouiller le capot. Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'expert n'a apporté aucun élément permettant d'expliquer cette anomalie. Ce vice n'est donc pas caractérisé.
S'agissant du problème du frein parc, il sera tout d'abord constaté que lors du contrôle technique réalisé la veille de la vente, il n'a pas été mentionné que le voyant du frein était allumé et que figure en outre la mention sur le procès-verbal « essais de freinage réalisé selon des méthodes spécifiques ». Mme H. a parcouru 923 km entre le jour de la vente et le jour où le véhicule a été déposé chez le garagiste, et il ne peut être exclu que le voyant se soit allumé postérieurement à la vente.
De surcroît, le tribunal a fait observer que ces 923 km parcourus en un mois caractérisaient un usage soutenu pour un véhicule ancien et présentant un kilométrage très élevé. Mme H. estime qu'il ne s'agit là nullement d'un usage soutenu
Néanmoins, l'usage attendu de ce type de véhicule âgé de 14 ans avec un kilométrage de plus de 200 000 km doit nécessairement tenir compte de ces caractéristiques.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme H. fondées sur l'existence d'un vice caché affectant le véhicule.
Succombant à l'instance, Mme H. supportera les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Nadhuifati H. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.