Cass. com., 8 mars 1988, n° 86-19.668
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Perdriau
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 novembre 1986), le tribunal de commerce de Vire, par jugement du 15 avril 1986, a ouvert d'office une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Société de recyclage de bouteilles et de bouchons (SRBB) qui exerçait son activité principale dans le ressort de ce tribunal ; que, devant la cour d'appel, la SRBB a soutenu que le tribunal de commerce de Rouen, dans le ressort duquel elle avait transféré son siège social, était seul compétent ; que la cour d'appel a annulé le jugement déféré au motif que le tribunal avait méconnu les dispositions de l'article 8 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 et, faisant application de celles de l'article 11 du même décret, a ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire ;
Attendu que la SRBB fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception d'incompétence territoriale du tribunal de Vire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le tribunal territorialement compétent pour connaître du régime général de redressement judiciaire ou de la procédure simplifiée applicable à certaines entreprises est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise ; qu'une société a son siège au lieu indiqué dans ses statuts et dans le ressort territorial du tribunal de commerce auprès duquel elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés et où se trouve le centre juridique de sa direction et de son administration, quel que soit le lieu de son activité principale ou de son principal établissement ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la SRBB avait son siège dans le ressort du tribunal de commerce de Rouen auprès duquel elle était immatriculée et où se trouvait le centre juridique de sa direction ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le siège ainsi transféré dans le ressort du tribunal de commerce de Rouen était fictif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, et alors, d'autre part, qu'en retenant à la charge de la SRBB une fraude dirigée contre ses créanciers, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le transfert du siège social ne répondait pas à un motif légitime tenant au fait que la SRBB appartenait à un groupe de sociétés, dont le siège statutaire et réel se trouvait dans le ressort du tribunal de commerce de Rouen qui avait ouvert contre lesdites sociétés une procédure de redressement judiciaire en centralisant les procédures devant un même tribunal qui pourrait porter une appréciation d'ensemble sur le groupe et trouver une solution globale pour des activités complémentaires, les conditions les plus propices au redressement de l'entreprise et au paiement des créanciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er du décret précité ;
Mais attendu que la cour d'appel, en retenant que le transfert précipité de son siège social par la SRBB, après que celle-ci ait été, le 16 novembre 1985, assignée en liquidation des biens devant le tribunal de Vire par l'URSSAF du Calvados, était intervenu en fraude des droits des créanciers, en a fait ressortir le caractère fictif et a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ; que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision du chef critiqué ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.