Cass. com., 19 décembre 2000, n° 97-20.551
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Aubert
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
SCP Célice, Blancpain et Soltner
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Lille Jouets, le 2 novembre 1992, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur, le juge-commissaire a ordonné la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société en liquidation à la société Neuftex, au prix de 400 000 francs par ordonnance du 2 février 1993 contre laquelle, la SCI du Canon, bailleresse a formé un recours qui a été rejeté ; que la société Neuftex, n'ayant pas déféré à l'injonction du liquidateur de régulariser l'acte de cession, le juge-commissaire, après avoir constaté la carence de la société Neuftex, a autorisé le liquidateur à négocier la résolution amiable du bail avec le bailleur et "en tant que de besoin à engager toute action appropriée à l'encontre de la société Neuftex compte tenu du non-respect de ses engagements" ; que la société Neuftex a formé un recours contre cette ordonnance ; que le liquidateur a présenté une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir réformé le jugement dans ses dispositions qui confirmaient l'ordonnance du juge-commissaire, alors, selon le moyen, que ne sont pas susceptibles d'appel les jugements par lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions ; que, dès lors, en recevant l'appel formé par la société Neuftex contre le jugement du tribunal, non seulement en ce qu'il avait alloué des dommages-intérêts au liquidateur mais également en ce qu'il avait débouté la société Neuftex de son opposition à l'ordonnance rendue, dans la limite de ses attributions, par le juge-commissaire, la cour d'appel a violé l'article 173,2. de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'en réformant en toutes ses dispositions le jugement et en conséquence l'ordonnance qu'il confirmait, la cour d'appel a fait ressortir que le juge-commissaire n'avait pas respecté les limites de ses attributions en autorisant le liquidateur à résoudre amiablement le bail et à engager une action en responsabilité contre la société Neuftex tandis que ce pouvoir appartient au liquidateur seul ; que l'appel contre le jugement était donc recevable ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt d'avoir réformé le jugement en ses dispositions par lesquelles il condamnait la société Neuftex à lui verser le prix d'achat du fonds et à rembourser les loyers payés au bailleur, alors, selon le pourvoi, que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que l'ordonnance du juge-commissaire a autorisé le liquidateur, en tant que de besoin, à engager toute action appropriée à l'encontre de la société Neuftex "compte tenu du non respect par celle-ci de ses engagements" ; que, dès lors, en affirmant qu'il n'était pas démontré que la société Neuftex ait commis une faute, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'ordonnance du juge-commissaire qui se borne à autoriser le liquidateur à engager, en tant que de besoin, toute action appropriée à l'encontre de la société Neuftex compte tenu du non respect par celle-ci de ses engagements n'a tranché aucune contestation dans son dispositif et n'a pas l'autorité de la chose jugée ; que le moyen est sans fondement ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande du liquidateur en paiement du prix de cession et en remboursement des loyers, à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si la cession du fonds de commerce a été ordonnée par le juge-commissaire à la société Neuftex, celle-ci n'a pas trouvé d'accord avec le bailleur sur la cession du bail et ne peut être condamnée au paiement de dommages-intérêts dans l'ignorance du point de savoir si la cession du bail n'a pas eu lieu par sa faute ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le débiteur d'une obligation d'acquérir doit être condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de son obligation à moins qu'il ne justifie d'une cause étrangère encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE mais seulement dans ses dispositions qui ont rejeté la demande de condamnation de la société Neuftex à payer la somme de 400.000 F et le montant des loyers acquittés par le liquidateur depuis octobre 1993 jusqu'à la date de résiliation du bail, l'arrêt rendu le 26 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.