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Décisions

Cass. com., 31 mai 2016, n° 13-25.509

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Guérin

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Haas, SCP Capron

Toulouse, du 3 sept. 2013

3 septembre 2013

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Casetti condiments et Mme X..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société, que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la même société ;

Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi ;

Donne acte à la société Jardins du Midi, qui a bénéficié de la transmission universelle du patrimoine de la société Casetti condiments, de ce qu'elle reprend l'instance introduite par cette société ;

Sur les moyens uniques des pourvoi principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 septembre 2013), que la société Los Comaills Holding (la société Los Comaills) a, par acte du 30 avril 2008, cédé à la société Casetti condiments (la société Casetti) les parts qu'elle détenait dans le capital de la société Teralis, cette cession étant assortie d'une garantie de passif et, pour l'exécution de celle-ci, d'une garantie autonome à première demande consentie par la société BNP Paribas (la banque) ; que la société Casetti a, le 15 octobre 2009, mis en œuvre la garantie de passif et, le même jour, appelé la garantie autonome à première demande ; qu'en exécution de celle-ci, la banque a payé la somme de 100 000 euros, qu'elle a débitée du compte de la société Los Comaills ; que la société Casetti a été mise en redressement judiciaire le 19 octobre 2010 ; qu'estimant que l'appel de la garantie autonome à première demande était injustifié, la société Los Comaills a déclaré au passif de la procédure collective de la société Casetti une créance égale à la somme versée par la banque, qui a été admise à titre chirographaire ; que la société Casetti a fait l'objet, le 25 octobre 2011, d'un plan de redressement par voie de continuation, M. Y... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que la société Jardins du Midi et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'admettre, à concurrence de 100 000 euros et à titre chirographaire, la créance de la société Los Comaills alors, selon le moyen :

1°) qu'il incombe à la partie qui formule une prétention d'administrer la preuve des faits nécessaires au succès de cette prétention ; que la cour d'appel énonce qu'il appartient à la société Los Comaills, qui demande son admission au passif de la société Casetti, de prouver que le paiement de 100 000 euros que la banque a fait, au mois d'octobre 2009, à cette société Casetti était indu ; qu'en admettant la société Los Comaills au passif de la société Casetti, sans qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Los Comaills aurait produit un instrument de preuve qui serait propre à établir que le paiement de 100 000 euros fait, en octobre 2009, à la société Casetti par la banque était indu, la cour d'appel a violé les articles 2 et 9 du code de procédure civile ;

2°) que, lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé à sa demande par la partie adverse ou encore de l'insuffisance des instruments de preuve qu'elle produit ; que la cour d'appel, qui énonce que la charge de la preuve incombe à la société Los Comaills, relève, pour accueillir la demande de cette société, que la société Casetti procède par voie d'affirmation pure et simple et qu'elle ne fournit « aucune précision … sur les anomalies » qu'elle vise dans sa lettre du 15 octobre 2009, ni les éléments comptables qui permettraient d'en étayer le contenu ; qu'elle a violé les articles 2 et 9 du code de procédure civile ;

3°) que la société Casetti faisait valoir dans ses écritures d'appel que « la somme de 100 000 euros versée par la banque lors de la mise en oeuvre de la garantie de passif consentie par la société Los Comaills à la société Casetti l'a été au crédit du compte de la société Teralis » ; qu'elle invoquait, pour prouver ce paiement à la société Teralis, la pièce cotée sous le n° 14 dans le bordereau annexé à ces écritures ; que cette pièce n° 14 consiste dans un relevé de compte adressé par la banque à la société Teralis et faisant état, à la date du 28 octobre 2009, de l'inscription au crédit du compte de cette société d'une somme de 100 000 euros sous la référence « vir reglment mise en jeu » ; qu'en se bornant, dans ces conditions, à énoncer sans autre précision qu'« il est justifié du versement par la BNP Paribas de la somme de 100 000 euros en octobre 2009 à la SARL Casetti condiments », la cour d'appel, qui a dénaturé la pièce cotée sous le n° 14 dans le bordereau annexé aux écritures de la société Casetti, a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que si, après la mise en oeuvre d'une garantie à première demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun ; qu'après avoir relevé que la société Casetti s'était estimée fondée à mettre en oeuvre la garantie bancaire autonome sur la constatation d'irrégularités et d'anomalies affectant les comptes de l'exercice 2007 de la société Teralis, l'arrêt retient que la société Casetti n'a justifié de ses allégations auprès de la société Los Comaills que par une lettre de son avocat se bornant à faire état, sur une page et très succinctement, des « nombreuses irrégularités entachant plus particulièrement les comptes clients et fournisseurs stipulés dans le bilan 2007 », ayant eu une incidence négative de 102 635,13 euros sur le résultat de l'exercice clos le 30 juin 2009, aucune précision n'ayant pu être obtenue par la société Los Comaills sur les anomalies invoquées, pas plus que sur des éléments comptables ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur l'élément de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu retenir que la créance déclarée par la société Los Comaills au passif du redressement judiciaire de la société Casetti était justifiée et devait être admise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.