Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-10.830
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gadiou et Chevallier
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 29 août 2008), que par contrat du 2 août 1990, la SCI B... (la société B...), ayant M. B... comme gérant, a délégué la maîtrise d'ouvrage d'une opération immobilière à MM. X... et Y..., la maîtrise d'oeuvre étant confiée à un cabinet d'architecture ; que M. B... a avalisé le paiement des travaux réalisés par la société Spie Batignolles (la société SB) pour le compte de la société B... d'un montant de 5 500 022 francs (838 473 euros) ; que la société B... a été mise en liquidation judiciaire, le 16 décembre 1993, avec un passif chiffré à 3 218 574, 94 francs (490 669 euros) ; qu'en exécution de son aval, M. B... a été solidairement condamné, le 13 avril 1993, avec la société B..., à payer à la société SB la somme de 4 462 286 francs (680 271 euros), ce qui a entraîné l'adjudication de son immeuble d'habitation par jugement du 10 novembre 1994 ; que, par arrêt du 18 novembre 1997, la cour d'appel a condamné M. B... à payer à M. Z..., liquidateur judiciaire de la société B..., la somme de 500 000 francs (76 225 euros) en comblement du passif ; que, par arrêt du 9 mai 2003, la cour d'appel a refusé de condamner MM. X... et Y..., en qualité de gérants de fait de la société B..., à combler le passif social ; que, par jugement du 14 décembre 2004, le tribunal a débouté M. B... de son action en responsabilité intentée le 28 juin 2001 contre la société SB, MM. X... et Y... ;
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en responsabilité contre la société SB et MM. X... et Y..., alors, selon le moyen :
1°) que nonobstant la chose jugée par l'admission définitive d'une créance à la procédure collective d'un débiteur, l'avaliste de cette créance et associé de la personne morale débitrice ayant subi un préjudice personnel du fait du comportement fautif du créancier peut opposer à ce dernier toutes les exceptions qui lui sont personnelles ; que M. B... a été débouté de son action en responsabilité contre la société Spie Batignolles et les maîtres de l'ouvrage délégués au motif notamment que la créance de la première avait été définitivement admise au passif de la SCI B..., ce qui avait pour effet de rendre irrecevable toute contestation sur sa validité, son existence ou son montant et d'interdire de faire grief aux seconds d'en avoir permis le paiement ; qu'en statuant ainsi sans même vérifier si M. B..., avaliste des lettres de change et associé de la personne morale débitrice tenu au passif en proportion du montant de ses parts n'était pas en droit d'invoquer, nonobstant la décision d'admission, la responsabilité reconventionnelle du créancier, et des maîtres de l'ouvrage délégués la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 1351 et 1382 du code civil ;
2°) que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et qu'elle soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en se fondant notamment sur la décision d'admission des créances et sur ce qui a été définitivement jugé par son arrêt du 9 mai 2003 pour débouter M. B... de son action en responsabilité contre la société Spie Batignolles et MM. X... et Y... sans constater qu'il y avait bien identité d'objet, de cause et de parties entre les diverses instances, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
3°) qu'en toute hypothèse, la motivation par référence à une cause déjà jugée ne répond pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; qu'en se référant notamment à la décision d'admission des créances et à ce qui a été définitivement jugé dans son arrêt du 9 mai 2003, auquel M. B... n'était pas partie, pour dire qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Spie Batignolles, d'une part, et à MM. X... et Y..., d'autre part, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) que l'arrêt du 9 mai 2003 a déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de M. Z..., ès qualités, tendant à obtenir la condamnation de MM. X... et Y... en raison des fautes contractuelles commises dans l'exécution des obligations découlant des contrats de maîtrise d'ouvrage déléguée et de maîtrise d'oeuvre ; qu'en énonçant qu'il doit être constaté que, dans cet arrêt, elle avait définitivement admis qu'il n'était pas démontré au titre du contrat de maîtrise d'oeuvre une faute imputable aux consorts X... et Y..., la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ; que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles que figurant dans leurs conclusions ; qu'il n'est que de se reporter aux conclusions déposées par M. B... le 10 juillet 2007 pour constater qu'il y reprochait à MM. X... et Y... d'avoir commis des fautes contractuelles dans le cadre de la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée du 2 août 1990 et non pas dans celui de la convention de maîtrise d'oeuvre avec le cabinet Archi 3, dont M. Y... était l'un des associés ou dans celui de leur gestion de fait de la SCI ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré une faute imputable aux consorts X... et Y... au titre du contrat de maîtrise d'oeuvre, d'une part, et qu'il est constant qu'aucune faute de gestion ne peut leur être imputée dans leur gestion de fait de la SCI B..., d'autre part, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé l'admission définitive de la créance de la société SB au passif de la société B... à concurrence de 5 364 758, 59 francs (817 852 euros), celle-ci n'étant nullement contestée par M. B... lors de sa vérification et qu'il résultait de l'arrêt définitif du 9 mai 2003 qu'aucune faute de gestion ne pouvait être directement imputée à MM. X... et Y... résultant de l'exécution du contrat de maîtrise d'ouvrage du 2 août 1990, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'admission par le juge-commissaire d'une créance au passif du débiteur, acquérant quant à son existence et à son montant, l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'avaliste, sauf contestation par celui-ci de l'état des créances déposé au greffe, a pour effet de rendre irrecevable toute contestation ultérieure soulevée par lui à ce titre ;
Et attendu, en second lieu, que les griefs évoqués aux quatrième et cinquième branches ne tendent qu'à faire constater une erreur purement matérielle, contenue dans les motifs de la décision attaquée indiquant que, dans son arrêt du 9 mai 2003, la cour d'appel avait définitivement admis qu'il n'était pas démontré une faute imputable à MM. X... et Y... au titre du contrat de " maîtrise d'oeuvre ", tandis qu'il fallait lire au titre du contrat de " maîtrise d'ouvrage ", qui, loin de constituer une dénaturation des termes clairs et précis de l'arrêt du 9 mai 2003 ou une modification de l'objet du litige comme le demandeur le soutient à tort, n'a eu aucune incidence sur la solution du litige ;
D'où il suit que le moyen, qui ne saurait être accueilli en ses quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.