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Décisions

Cass. com., 4 juillet 2018, n° 16-21.743

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Fort-de-France, du 3 mai 2016

3 mai 2016

Joint les pourvois n° N 16-21.787 et n° Q 16-21.743, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 25 mai 2005, la société B... auto (la société) a conclu avec la Société martiniquaise de financement (la Somafi) une convention de collaboration par laquelle la Somafi finançait l'achat de véhicules d'occasion acquis par la société et dispensait des crédits aux particuliers et aux entreprises pour financer l'achat des véhicules vendus par cette société ; que par lettre du 21 mars 2006, la Somafi a notifié à la société la résiliation de cette convention avec effet immédiat ; que par un acte sous seing privé du 12 mai 2006, un protocole transactionnel a été signé entre, d'une part, la Somafi, d'autre part la société et, de troisième part, en qualité de cautions, M. Uriel B... E... et son épouse Mme Ellen A..., M. K... I... B... E... et son épouse Mme Evelyne Y... et Mme Marie-Hélène Z..., veuve B... E... (les consorts B... E... ) ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 28 novembre 2006, la date de la cessation des paiements étant fixée au 28 mai 2005, puis en liquidation judiciaire le 9 janvier 2007 ; qu'après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, la Somafi a assigné les cautions en paiement ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° N 16-21.787, pris en ses première et deuxième branches, et sur le deuxième moyen du pourvoi n° Q 16-21.743, pris en sa première branche, rédigés en des termes similaires, réunis :

Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner les consorts B... E... à payer à la Somafi la somme de 400 491,61 euros, l'arrêt retient qu'il n'est nullement établi que la Somafi ait disposé, lors de la signature du protocole transactionnel comme des cautionnements, d'informations privilégiées sur la précarité de la situation financière de la société dont elle se serait volontairement abstenue de faire part aux cautions, étant observé que la possession de renseignements privilégiés par l'établissement de crédit est d'autant plus improbable qu'il a consenti à financer ses activités par une convention de collaboration signée le 25 mai 2005, soit trois jours seulement avant la date de cessation des paiements, qu'au contraire, il se déduit de ces constatations que les cautions avaient parfaite, sinon meilleure connaissance que la Somafi de la situation financière délicate dans laquelle se trouvait la société à laquelle elles étaient intéressées et qu'elles ont accepté de cautionner en connaissance de cause, s'agissant d'une société familiale, et que, dès lors, les cautions ne démontrent pas que la Somafi détenait sur la situation de la société des informations qu'elles-mêmes ignoraient et qu'elle leur aurait volontairement dissimulées dans le but de surprendre leur consentement par dol ; que l'arrêt retient encore que les cautions sont également mal fondées à soutenir que les manoeuvres dolosives ayant surpris leur consentement seraient caractérisées par l'inexécution par la Somafi de l'obligation de conclure la convention de collaboration mise à sa charge par ce protocole dès lors que cette inexécution, à la supposer réellement imputable à l'établissement de crédit, est nécessairement postérieure à la rencontre des volontés ayant forgé le protocole transactionnel et, de ce fait, très insuffisante pour démontrer l'existence, lors de la formation des contrats de cautionnement, d'un dol ayant déterminé leur consentement ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Somafi ne s'était pas fait consentir les cautionnements des consorts B... E... dans le seul but d'adjoindre à la société, dont elle connaissait la situation financière fragile, de nouveaux débiteurs, sans l'intention de conclure une nouvelle convention de collaboration prévue dans le protocole transactionnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° Q 16-21.743 :

Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu qu'est nul l'engagement de caution, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par ces textes ;

Attendu que pour condamner Mme Marie-Hélène Z..., veuve B... E... , à paiement, la cour d'appel retient que les signatures figurant sur les cinq actes de cautionnement produits sont toutes précédées des mentions manuscrites exigées, à peine de nullité, tant par l'article L. 341-2 que par l'article L. 341-3 du code de la consommation ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la mention manuscrite portée sur l'acte de cautionnement de Mme Marie-Hélène Z..., veuve B... E... , avait été rédigée de la main de cette dernière, ce qui était contesté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre.