Livv
Décisions

Cass. com., 16 juin 2004, n° 01-16.912

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Lyon, 1re ch. civ., du 20 sept. 2001

20 septembre 2001

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 septembre 2001), que la société Climalec ayant été mise en redressement judiciaire le 19 février 1997, M. X... a été désigné administrateur avec mission d'assister la débitrice ; qu'il a adressé, les 19 février et 25 juin 1997, des lettres circulaires à la société HCF Hermekit Cliref Frimair (la société HCF) et aux autres fournisseurs les incitant à poursuivre leurs relations avec la société Climalec ; qu'ayant honoré deux commandes de la société Climalec, en date des 13 mai 1997 et 8 octobre 1997, la société HCF, soutenant avoir reçu des assurances imprudentes de paiement de la part de l'administrateur, qui avait en outre contresigné la première commande ainsi que le chèque émis en paiement de cette commande facturée le 4 septembre 1997, a mis en cause la responsabilité personnelle de l'administrateur, demandant sa condamnation à lui payer le montant des deux factures demeurées impayées ;

Attendu que la société LGL France, venant aux droits de la société HCF, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande, alors, selon le moyen :

1°) que contracte un engagement personnel auquel il ne peut se soustraire sans engager sa responsabilité, sauf force majeure, l'administrateur judiciaire qui a invité les fournisseurs "à honorer les commandes que vous recevrez de la société précitée avec la seule signature de ses responsables d'agence", et ce en indiquant expressément qu'il agissait "en engageant en tant que de besoin ma responsabilité professionnelle ", ajoutant que " le règlement correspondant interviendra par chèque sous ma surveillance" ; qu'en énonçant que "ni ces lettres ni l'apposition d'un visa sur la commande du 13 mai 1997 ne constituent une garantie contractuelle de l'administrateur judiciaire au paiement des dettes de la société débitrice et ne peuvent permettre à la société HCF de s'en prévaloir pour obtenir le paiement de ses factures du 4 septembre 1997 et du 24 octobre 1997" et en écartant toute obligation de M. X... sans relever aucun cas de force majeure, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du Code civil ;

2°) que constitue une faute le fait d'induire en erreur les fournisseurs d'une société en redressement judiciaire par des assurances imprudemment données en vue de les déterminer à poursuivre leurs fournitures ; qu'en décidant que M. X... n'aurait pas commis de faute, bien qu'elle ait relevé qu'il a envoyé aux fournisseurs deux lettres circulaires les assurant d'un paiement sous un délai de huit puis de trente jours, en engageant sa propre responsabilité et la caution du dirigeant, pour demander aux fournisseurs de la société Climalec de continuer à honorer les commandes au seul motif que "cette société ne démontre pas que la trésorerie de la société Climalec ne permettait pas raisonnablement d'espérer le paiement des commandes lorsque l'administrateur judiciaire a donné des assurances aux fournisseurs et a apposé son visa sur la commande du 13 mai 1997", sans relever aucune circonstance imprévue ayant pu déjouer ces "espoirs raisonnables" de règlement pour les transformer en impossibilité de paiement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3°) que l'émission et la signature d'un chèque sans provision constituent une faute ; que la société HCF rappelait "que les engagements de M. X... se sont révélés totalement inefficaces puisqu'un chèque bancaire établi par la société Climalec à l'ordre de la concluante le 15 octobre 1997 d'un montant de 176 895,02 francs a été refusé par la banque domiciliataire comme étant sans provision alors que ce chèque avait été contresigné par M. X..." ; qu'en énonçant que "la société HCF ne rapporte donc pas la preuve d'une faute de M. X... dans l'exécution de sa mission", sans aucunement s'expliquer sur cette faute caractérisée, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1382 du Code civil ;

4°) qu'en retenant qu'aurait été fautif le fait pour la société HCF d'avoir accepté la commande du 8 octobre 1997 non revêtue du visa de l'administrateur, en dépit du fait que les deux lettres adressées par celui-ci aient incité les fournisseurs à honorer les commandes qu'ils recevraient de la société Climalec "avec la seule signature de ses responsables d'agence", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

5°) que le créancier dont la créance résulte de l'article L. 621-32 du Code de commerce subit un préjudice dès lors qu'il n'est pas payé à bonne date ; que l'administrateur judiciaire par la faute duquel le dommage est arrivé dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre de la société en redressement judiciaire ; que la société HCF n'a pas été payée dans les délais que l'administrateur s'était engagé à respecter ; qu'en faisant dépendre l'existence du préjudice de cette société du résultat d'une procédure pendante pour refuser de l'indemniser bien que son préjudice ait été né, actuel et certain, la cour d'appel a, une fois encore violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que les lettres circulaires adressées aux fournisseurs les 19 février et 25 juin 1997 ne constituaient pas une garantie contractuelle de l'administrateur judiciaire au paiement des dettes de la société débitrice, la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche mentionnée à la première branche que sa décision rendait inopérante ;

Attendu, en second lieu, que la faute de l'administrateur en raison du défaut de paiement des commandes passées par la société en redressement judiciaire doit être appréciée à la date à laquelle a pris naissance la créance du fournisseur, c'est-à-dire à la date de la commande ; qu'ayant relevé, d'un côté, que l'administrateur avait observé dans ses rapports des 7 mai et 9 juin 1997 que la société Climalec n'avait pas de dettes de procédure et qu'elle disposait en juin 1997 de 50 000 000 francs de lignes de mobilisation auprès des banques et, de l'autre, que la société HCF ne démontrait pas que la trésorerie de la société ne permettait pas raisonnablement d'espérer le paiement des commandes lorsque l'administrateur a donné des assurances aux fournisseurs et a apposé son visa sur la commande du 13 mai 1997, la cour d'appel a pu en déduire, en l'absence d'assurances imprudemment données et malgré l'émission ultérieure d'un chèque sans provision contresigné par l'administrateur, que celui-ci n'avait pas commis de faute dans l'exécution de sa mission ; D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches qui se bornent à critiquer des motifs surabondants, est non fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.